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Intervention de Naïma Moutchou

Séance en hémicycle du jeudi 2 mars 2023 à 9h00
Lutte contre la récidive — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNaïma Moutchou, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

C'est ce que vous faites depuis le début, en vous trompant de texte, en rejouant les débats de 2007 et de 2014, et en comparant ce qui n'a pas lieu de l'être. C'est sûr, c'est plus simple – quand on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage !

Je vous rappellerai donc la réalité de ma proposition. Les peines planchers de 2007 s'inscrivaient dans une politique pénale globale, massive, de lutte contre la récidive. Celle-ci concernait tant les majeurs que les mineurs et prévoyait ainsi la levée de l'excuse de minorité – ce qui avait suscité une importante polémique ; elle s'appliquait à tous les délits et crimes punis de plus de trois ans d'emprisonnement, c'est-à-dire plusieurs milliers d'infractions, la quasi-totalité du code pénal. En outre, les peines planchers étaient sévères et allaient jusqu'à quinze ans d'emprisonnement. Elles ont ainsi bien peu en commun avec le contenu de l'article 1er , tant par leur philosophie que pour ce qui concerne leur champ d'application et les peines concernées.

La philosophie : bien évidemment, nous ne prétendons pas ici définir une nouvelle politique de lutte contre la récidive, car c'est le rôle et la responsabilité du garde des sceaux. Nous avons choisi, avec ce texte, de cibler les atteintes à l'autorité, à la République, à la vie en commun. Le périmètre visé est donc restreint aux infractions de violence délictuelle commises contre les agents publics.

Quant à la peine proposée, elle est d'un an d'emprisonnement, choix proportionné, puisque les peines actuellement prononcées en la matière sont, selon les chiffres de la DACG – direction des affaires criminelles et des grâces – de huit mois en moyenne – elles sont donc parfois plus longues, parfois moins, tout ceci est précisé dans le rapport.

Vous comprendrez que la comparaison avec les peines planchers de 2007 ne tient pas la route avec un autre exemple : c'est comme si vous rejetiez une subvention ciblée sur un public particulier, au motif que les aides massives, généralisées et non ciblées, déjà expérimentées, n'ont pas fonctionné, alors que c'est tout sauf évident. Toutes vos références aux conclusions de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive sont donc inopérantes, car celles-ci s'appliquent au grand projet de 2007, les peines planchers, mais certainement pas aux présentes propositions, qui n'ont jamais été expérimentées.

Monsieur Vicot, si c'est le principe de peine minimale – soit le seul point commun de ce texte avec celui de 2007 – qui vous gêne, au motif que celle-ci déposséderait les juges de leur office, soyez rassuré. Tout d'abord, les principes de peine minimale, d'individualisation et de nécessité de la peine ne s'opposent pas nécessairement. Tout dépend de la manière dont la mesure est conçue. Monsieur Balanant, si vous ne me croyez pas, sachez que c'est le point de vue du Conseil constitutionnel lui-même, formulé à trois reprises – en 2007, en 2011 et en 2018, après la décision que vous avez citée, et que je sais lire, pour avoir été avocate. Le Conseil indique ainsi que les principes d'individualisation et de nécessité de la peine, auxquels nous tenons tous, ne sauraient « faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions », comme nous le proposons ici. Et la peine minimale prévue, d'un an, laisse suffisamment de marge de manœuvre au juge, puisque les peines encourues pour les délits concernés sont de trois, cinq et sept ans.

Le juge pourrait en outre déroger à cette peine minimale, en fonction des éléments du dossier et de la personnalité de l'auteur ; c'est une garantie supplémentaire tout comme le fait que les règles de sursis, d'aménagement de peine et d'irresponsabilité pénale ne seraient pas mises en cause. Ainsi, notre proposition entre absolument dans les clous des décisions du Conseil constitutionnel ; elle coche toutes les cases.

Chers collègues, il ne s'agit pas d'accuser les magistrats de laxisme, de se défier d'eux, mais d'accompagner la main du juge, comme vous l'avez fait en d'autres occasions – j'y reviendrai –, et nous le faisons en respectant les règles de l'art, la Constitution. Notre rôle de législateur est bien de fixer des orientations, des cadres, y compris pour des sujets difficiles comme la justice. Il faut convaincre les magistrats, même si cela demande du courage politique. En ce qui nous concerne, nous ne nous déroberons pas.

Ceux d'entre vous qui prétendent que la libre appréciation du juge écrase tous les autres principes, qu'elle doit n'être jamais liée, contrainte, entravée par un cadre, nagent en pleine contradiction. Qu'ils se réveillent : quid de la peine plancher en matière criminelle, identique dans son principe, en vigueur depuis 1994 et qui s'applique sans la moindre dérogation possible du juge ? Je n'ai entendu personne ici la remettre en cause. Quid – ce cas est amusant – de la peine plancher de deux ans d'emprisonnement – soit davantage que celle proposée ici – en vigueur jusqu'en 2018 pour le délit de blanchiment douanier ? Cette peine, instaurée en 2014, sous un gouvernement socialiste, alors que M. Hollande était président, n'a été supprimée en 2018 que parce que sa sécurité juridique était remise en question – de manière infondée. Alors qu'elle faisait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le législateur a anticipé une censure qui n'a pas eu lieu,…

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