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Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 2 mars 2023 à 9h00
Lutte contre la récidive — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

En France, il ne se passe pas une semaine sans que les médias ne se fassent l'écho de crimes ou de délits commis par des délinquants en état de récidive légale ou de réitération. Ici, c'est un cycliste percuté par une voiture conduite par un homme en état de récidive de délit routier ; là, un passage à tabac en réunion et en récidive ; là encore, c'est une femme battue à mort par son conjoint déjà condamné et tout juste sorti de prison.

Les chiffres qui concernent la récidive en France sont particulièrement inquiétants : 41,7 % des individus condamnés en 2021 sont des récidivistes ou des réitérants. Depuis 2007, le taux de récidive légale en matière délictuelle est passé de 9,2 % à 15 % et de 4,1 % à 11,5 % pour les crimes. Sans compter que, selon le ministère de l'intérieur, tous les indicateurs de la délinquance sont en hausse depuis l'an dernier.

Parmi ces chiffres, ceux qui concernent les agressions envers les forces de l'ordre sont tout aussi préoccupants. On dénombre chaque jour plus de 100 actes de violence contre les dépositaires de l'autorité publique, soit une augmentation de 21 % en trois ans. En ce sens, je ne peux qu'apporter mon soutien à l'article 1er , lequel prévoit une peine minimale d'emprisonnement d'un an pour les délits de violences volontaires commises en récidive sur des personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public. Néanmoins, en restreignant cette peine aux agressions contre les dépositaires de l'autorité publique, la proposition de loi ne va pas assez loin et court le risque de ne pas être à la hauteur des enjeux de sécurité publique auxquels nous sommes confrontés.

Pour mémoire, la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs prévoyait une peine minimale, dès la première récidive, pour les crimes et délits passibles d'au moins trois ans d'emprisonnement. Entre 2007 et 2011, près de 43 000 peines planchers avaient été prononcées, principalement pour des vols, des infractions liées aux stupéfiants et des violences. En 2014, durant le quinquennat de François Hollande, la garde des sceaux de l'époque, Christiane Taubira, était revenue définitivement sur ces peines planchers, sous prétexte d'une augmentation trop importante de la surpopulation carcérale et d'une inefficacité alléguée des peines minimales pour lutter contre la récidive. Elle privilégiait alors les peines de probation à l'enfermement pour lutter contre la récidive, une décision dont on connaît aujourd'hui les résultats.

Face à la montée de la violence dans quasiment tous les secteurs de notre société, il nous faut rétablir ces peines planchers. Le plan d'action présenté par le ministre de la justice le 5 janvier dernier n'est pas complet, car il omet volontairement la question des peines planchers que les forces de l'ordre sont de plus en plus nombreuses à réclamer. Le défi reste immense et nous nous devons de corriger sans attendre cette défaillance pour que, le plus rapidement possible, notre société mette un terme à sa faiblesse envers délinquants et criminels et se place clairement, symboliquement, du côté des victimes. Le message doit être clair : tolérance zéro pour les récidivistes par l'application des peines planchers.

L'article 2 de la proposition de loi prévoit l'information systématique – et non plus seulement à sa demande – du maire par le parquet des décisions judiciaires rendues à la suite des infractions causant un trouble à l'ordre public commises sur le territoire de sa commune. Rappelons que la police et la gendarmerie doivent déjà le faire en vertu de l'article L. 2211-3, alinéa 1er , du code général des collectivités territoriales. Rendre automatique cette information de la part des parquets ne pourra que faciliter la coopération entre le maire et les instances judiciaires. Cela permettra au premier magistrat de la ville, le cas échéant, d'introduire un recours ou d'interjeter appel lorsqu'il le jugera nécessaire ou opportun.

Les articles 3 et 4 de la proposition de loi vont également dans le bon sens, même si la question des moyens alloués à une telle expérience se pose naturellement. Faire entrer les services pénitentiaires d'insertion et de probation dans les tribunaux judiciaires pour une meilleure prise en charge des condamnés dès le prononcé de la peine part d'une bonne intention, bien entendu, mais, pour en avoir discuté régulièrement avec les magistrats du siège comme avec ceux du parquet, je sais que leur priorité semble résider dans le renforcement de leurs effectifs.

Bref, c'est une proposition de loi qui va dans le bon sens et que je voterai bien volontiers.

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