J'ai écouté avec attention votre plaidoyer, madame la rapporteure. Il était dynamique et passionné, mais avait parfois des accents un peu désespérés. Je peux le comprendre, car le texte que vous proposez est assez étonnant, dans la mesure où il s'appuie sur des présupposés contestés par la quasi-totalité des professionnels.
Nous sommes d'accord avec vous sur un seul point, que vous indiquez au début de l'exposé des motifs : la surpopulation carcérale est l'une des causes qui favorisent la récidive. C'est incontestable, et c'est d'ailleurs pourquoi le texte est frappé d'une certaine incohérence. La réintroduction des peines planchers, certes dans des cas très ciblés et lorsque certains critères sont réunis, suscitera un surcroît de condamnations à la prison et, partant, alimentera la surpopulation carcérale que vous déplorez, elle-même facteur de la récidive.
J'ai bien entendu que les peines planchers étaient limitées à certains cas ; toutefois, toutes les études, depuis très longtemps, insistent sur leur inefficacité dans la prévention de la récidive et même sur leurs effets négatifs en la matière. Vous proposez une nouvelle conférence de consensus sur la prévention de la récidive, mais nous savons déjà tout sur le sujet : la conférence de consensus de 2012 a élaboré une bibliographie internationale de 140 pages qui prouve de manière incontestable que, quel que soit le cas, quel que soit le pays, les peines planchers sont inefficaces, et la littérature de ces dix dernières années confirme cette inefficacité. J'ajoute, comme l'a déjà évoqué le garde des sceaux, que la peine plancher est un signe de défiance à l'encontre des magistrats du siège, jugés trop indulgents, et qu'il remet en cause un principe qui figure dans notre droit depuis très longtemps, celui de l'individualisation de la peine. C'était d'ailleurs la sixième conclusion de la précédente conférence de consensus : l'individualisation de la peine, qui prend en compte les conditions du délit ainsi que la personnalité et le parcours du futur condamné, est un point de droit absolument incontestable qu'il nous faut préserver et chérir.