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Intervention de Philippe Pradal

Séance en hémicycle du jeudi 2 mars 2023 à 9h00
Lutte contre la récidive — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Pradal :

Depuis 2017, le budget a augmenté de 40 %. Ce chiffre, à lui seul, traduit l'immense mobilisation des gouvernements successifs – et en particulier la vôtre, monsieur le garde des sceaux – en faveur de la justice : 15 000 places de prison, une prise en charge différenciée, adaptée au profil et aux besoins des détenus, avec notamment l'ouverture prochaine d'établissements et de structures d'accompagnement vers la sortie, 111 millions d'euros pour permettre l'accès au travail en prison et l'amélioration de la formation professionnelle des détenus et près de 3 millions pour la mise en place d'un dispositif d'évaluation socioprofessionnelle systématique à l'entrée en détention. Cela a été dit, il fallait le rappeler. C'est inédit, c'est ambitieux, c'est heureux.

Il est heureux que le Gouvernement et la majorité présidentielle se donnent les moyens d'une politique à la hauteur des enjeux – je pense à la nécessité de résorber la crise de confiance profonde de nos citoyens envers l'institution judiciaire.

Car oui, cette crise existe et nous ne saurions la négliger. Un sentiment d'inefficacité de la justice et d'impunité des délinquants s'est durablement installé dans l'opinion publique. Réel et légitime, il est à la fois à la source et la conséquence d'un manque de confiance dans l'institution judiciaire. Selon le comité des états généraux de la justice, plus de la moitié des personnes sondées disent avoir peu ou pas du tout confiance en la justice. Il ne s'agit pas de considérer que cette appréciation est systématiquement justifiée, mais elle doit être prise en considération, car la justice ne peut être rendue qu'au nom du peuple français.

Nous assumons de dire que la récidive ou la réitération jouent un rôle particulier dans la formation de cette opinion parce qu'elles cristallisent bien souvent ce malaise chez nos concitoyens. Nous assumons de dire que, malgré l'investissement massif et inédit du ministère de la justice en la matière, ce sujet ne s'épuise malheureusement pas.

Oui, nous nous devons de répondre à cette préoccupation majeure de nos concitoyens parce qu'au-delà d'un simple sentiment, elle témoigne d'une réalité. En 2019, 40 % des personnes condamnées ont récidivé ou réitéré. Le problème se pose de manière encore plus aiguë lorsque les faits de récidive sont commis à l'encontre des agents de service public qui assurent partout la présence de la République et l'effectivité des valeurs républicaines et qui, par leur déploiement et leur action, luttent au quotidien contre le délitement du lien social que peut représenter, pour les victimes, la délinquance d'habitude.

C'est donc avec la conviction profonde qu'il est de notre devoir de proposer des solutions concrètes pour lutter plus efficacement encore contre ce fléau que nous souhaitons, ce matin, poser ensemble les bases d'un projet à la fois extrêmement ferme et équilibré.

Outre les réponses budgétaires fondamentales – je l'ai rappelé –, nous soutenons profondément celle que propose aujourd'hui la rapporteure Moutchou et qui se décompose en quatre temps : sanctionner, informer, accompagner et anticiper. Car oui, cette proposition de loi repose bien sur cet équilibre global ; en négliger un aspect créerait un déséquilibre qui fragiliserait l'édifice.

Sanctionner, d'abord. Le groupe Horizons et apparentés est profondément convaincu de la nécessité de faire preuve d'une extrême fermeté à l'égard de celles et ceux qui attaquent les symboles de notre République et se rendent coupables de délits qui portent un préjudice majeur au corps social tout entier : les auteurs récidivistes de violences commises sur les personnes dépositaires de l'autorité publique, magistrats, élus, chauffeurs de transports en commun, enseignants et personnels soignants. À cet égard, il semble nécessaire d'instaurer une peine minimale pour les délits ciblant les symboles de la République, les institutions et les personnes qui consacrent leur vie professionnelle à l'intérêt général. Cela ne constituerait en rien une marque de défiance à l'égard de l'autorité judiciaire.

Non, il ne s'agit pas d'un rétablissement des peines planchers généralisées. Nous proposons ici un dispositif ciblé, proportionné et justifié par la nécessité de mettre toute notre énergie à lutter contre ce fléau : les actes de récidive visant les personnes qui exercent une mission de service public, bien trop souvent prises pour cibles. Comment peut-on accepter qu'une personne qui violenterait, pour la seconde fois, un chauffeur de bus, une infirmière, un gardien de HLM, une enseignante ou un agent de la CAF n'encoure pas une sanction à la hauteur du préjudice qu'elle cause à toute notre société ?

C'est ce ciblage qui rend la philosophie de cette peine minimale bien différente de celle qui avait guidé le dispositif applicable à partir de 2008. En instaurant une peine minimale pour les violences commises envers ceux qui sont les visages de la République, l'article 1er de cette proposition de loi vise bien à poser une différence essentielle : violenter physiquement une personne exerçant une mission de service public, c'est s'attaquer à la République tout entière.

La peine minimale vise donc à dissuader les auteurs de récidiver. Les magistrats pourront mettre en avant, lors de la première infraction, le fait qu'en cas de récidive ils seraient tenus par la loi, sauf justification, de prononcer une peine de prison ferme.

Ce texte se garde toutefois de tout sentiment simpliste qui pourrait conduire à considérer qu'une action sur l'échelle des peines serait une arme suffisante pour régler le problème complexe de la récidive. Le principe d'une peine minimale dissuasive permettra-t-il à lui seul d'endiguer ce fléau ? Non, mais c'est la première pierre à un édifice global qui repose également sur l'accompagnement, l'information et l'anticipation.

Le groupe Horizons et apparentés est en effet convaincu que cette fermeté ne saurait s'appréhender sans être assortie d'un accompagnement immédiat, appuyé et individualisé des personnes condamnées.

Un accompagnement immédiat d'abord : comme l'ont recommandé le comité des états généraux de la justice et un récent rapport sénatorial, ce texte propose, sous la forme d'une expérimentation, l'organisation de permanences de Spip dans plusieurs juridictions. Une prise en charge immédiate à la sortie de l'audience contribuera, sans nul doute, à mieux accompagner les condamnés. L'accompagnement par les Spip se révèle efficace pour éviter la récidive – ceci est reconnu – mais également pour aider à la prise de conscience, par le délinquant, des conséquences de la condamnation et de l'acte commis sur les victimes. Une intervention précoce des Spip, telle que ce texte propose de l'expérimenter, représente un atout qu'il faut jouer dans la prévention de la récidive.

L'accompagnement doit être soutenu et individualisé, car la lutte contre la récidive passe évidemment par un projet de réinsertion efficace. Ainsi, ce texte propose de rendre obligatoires les programmes de prise en charge dans le cadre des libérations sous contrainte. L'identification des programmes adaptés restera évidemment à la discrétion des Spip afin que celui proposé corresponde au profil du bénéficiaire, dans l'optique constante de prévenir la récidive ou la réitération.

Mais, comme le souligne Mme la rapporteure, pour mener avec justesse le combat contre la récidive, il faut aussi mieux en appréhender les ressorts et mieux évaluer les dispositifs mis en place. C'est l'objectif même de la conférence de consensus ici proposée, dix ans après celle initiée par Mme Taubira. Objectiver les termes de ce débat fondamental et valoriser une approche scientifique, tel sera l'intérêt incontestable de cette conférence.

En outre, je rappelle que la conférence de consensus précédente comptait deux élus locaux parmi ses membres, ce qui démontre leur importance fondamentale dans la chaîne pénale. C'est la raison pour laquelle nous croyons profondément qu'il est nécessaire de fluidifier encore davantage le dialogue entre les parquets et les maires en portant systématiquement à la connaissance des seconds les suites judiciaires données aux infractions ayant causé un trouble à l'ordre public sur leur commune. Les élus souffrent aujourd'hui d'un déficit d'information au sujet des suites des infractions signalées dans le territoire de leur commune, qu'ils soient ou non à l'origine de ce signalement. Or il faut rappeler que les maires, au plus près des habitants de leur commune, sont les plus à même d'identifier des situations à risque et d'anticiper d'éventuelles infractions, et sont de surcroît les employeurs des agents de la police municipale, souvent primo-intervenante auprès de la population. Mieux prévenir la récidive, c'est donc donner les moyens aux élus locaux de participer activement à la politique de prévention, comme l'a établi, dans son rapport du 14 avril 2021, la mission flash sur les entraves opposées à l'exercice des pouvoirs de police des élus municipaux, dont les corapporteurs étaient les députés Naïma Moutchou et Philippe Gosselin.

Ce texte présenté par le groupe Horizons et apparentés vise à affronter sans crainte un problème dont dépend le sentiment de nos concitoyens à l'égard de la justice, donc la confiance pourtant indispensable qu'ils doivent lui accorder. Loin des caricatures faciles, loin d'une vision dont la focale serait fixe, il évite les solutions simplistes et uniques face à une situation complexe qui impose d'activer plusieurs leviers.

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