Il ne s'agit pas d'un numéro vert, mais de la possibilité pour un élu de joindre directement le procureur de la République et d'avoir avec lui une relation constructive, pour répondre aux questions qui se posent en permanence.
En l'état actuel du droit, si le maire est systématiquement informé par le procureur de la République, il l'est seulement à sa demande. Cet équilibre doit, à ce stade, être maintenu.
En effet, la condition de demande préalable par l'élu lui permet de relayer auprès du procureur de la République son appréhension des infractions troublant l'ordre public sur le territoire de sa commune. Or, comme vous le savez, la notion de trouble à l'ordre public varie grandement selon les caractéristiques propres à chaque commune. Vous comprendrez aisément qu'il est impossible de créer une obligation verticale et universelle de transmission pour toutes les communes de France, le nombre de procédures à Paris étant infiniment plus élevé qu'à Digne par exemple.
Dans le premier cas, la transmission pour un parquet qui ne compte qu'une commune dans son ressort se résumera à une information statistique, comme dans la plupart des agglomérations des grandes villes de France. Dans le second cas, cette transmission se heurtera à une impossibilité concrète, le parquet de Digne étant limité dans ses capacités, puisqu'il compte trois magistrats mais 198 communes dans son ressort. C'est ce qu'ont rappelé les procureurs de la République entendus par Mme la rapporteure. Ce n'est pas au moment où les états généraux de la justice vont permettre d'alléger le travail de nos magistrats et de nos greffiers qu'il faut, si j'ose dire, emboliser les parquets.
Ces dispositions générales et uniformes semblent impossibles à mettre en œuvre et manquent complètement leur cible : elles ne permettront pas au maire d'être effectivement informé des suites des affaires les plus significatives qui se sont déroulées dans sa commune.
Pour atteindre toutefois l'objectif que vous vous êtes fixé, madame la rapporteure – et que, bien sûr, je partage –, le ministère développe le logiciel InfoParquet afin de pouvoir mieux informer les élus, d'un simple clic, d'ici à la fin de l'année.
Enfin, je vous annonce que, pour renforcer encore la relation entre élus et justice, je vous proposerai, dans la prochaine loi de programmation, de donner davantage de poids aux conseils de juridiction qui associent toutes les parties prenantes locales – dont, bien sûr, les élus –, en y ajoutant notamment les parlementaires du ressort.
S'agissant de l'article 3, après avoir longuement échangé avec les professionnels de l'insertion et de la probation, j'émets plusieurs réserves.
D'abord, je m'interroge au sujet de la pertinence de l'organisation des permanences au vu de l'allongement de la durée des audiences pénales et de l'alourdissement de la charge de travail du greffe judiciaire que cela induirait, notamment la multiplication de l'édition des pièces judiciaires par le greffe.
Ensuite, sur un plan pratique, la transmission de l'ensemble des pièces judiciaires est impossible lorsque l'audience se poursuit, d'autant plus que le greffier doit déjà accomplir de nombreuses tâches et que le texte vise plutôt une transmission des pièces par le greffe du service de l'application des peines au Spip. Le Spip de permanence lui-même n'aurait pas le temps nécessaire pour en prendre connaissance de manière efficace.
Enfin – vous devez le savoir eu égard à la mobilisation provoquée par cet article –, le retour des CPIP, les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, au sein des juridictions serait sans doute considéré par les professionnels et par les organisations syndicales comme une remise en cause profonde de la réforme des Spip de 1999. J'ai entendu à plusieurs reprises les représentants de ces derniers dans le cadre des nombreuses concertations que j'ai organisées pour élaborer le plan d'action issu des états généraux : c'est un refus franc et massif. Je salue donc bien sûr la position de la commission des lois qui, sensible à l'inquiétude des professionnels, a rejeté cet article.
S'agissant de l'article 4, il est important de préciser que l'approche collective et programmatique, dans le cadre de la prise en charge des personnes bénéficiant d'une libération sous contrainte, est privilégiée au vu de la faible durée de cette mesure et de l'accompagnement de ses bénéficiaires en matière de préparation à la sortie. En outre, c'est justement parce qu'il faut éviter les sorties sèches que ces programmes sont mis en œuvre.
Ainsi, la participation à un programme constitue une modalité intensive de suivi et doit donc être réservée aux personnes présentant un risque élevé de récidive. Certains ne sont d'ailleurs pas réceptifs à ce dispositif ou ne disposent pas des compétences sociales nécessaires pour travailler en groupe et doivent donc continuer à faire l'objet d'une prise en charge individuelle.
Enfin, l'article 5 prévoit d'organiser une conférence de consensus de lutte contre la récidive. Je précise qu'une telle conférence s'est déjà tenue en 2013 et qu'elle avait conclu précisément à la nécessité de supprimer les peines planchers, soit l'inverse de ce que propose l'article 1er de ce texte. N'ayant pas le goût de l'effort inutile, vous comprendrez que, si je suis défavorable au rétablissement des peines planchers, je le suis également à l'organisation d'une nouvelle conférence qui viendrait demander la suppression de peines planchers qui auraient été rétablies. Gagnons du temps, de grâce, ne rétablissons pas les peines planchers !
Il y a deux moyens de lutter contre la récidive. D'abord, il faut sanctionner, car la loi doit être respectée – c'est une évidence pour tout le monde. C'est ce que nous faisons avec détermination – j'ai longuement développé ce point. Ensuite, il faut tout mettre en œuvre pour que le délinquant qui a purgé sa peine retrouve le droit chemin dans notre société. C'est, là encore, ce que nous faisons en conditionnant les remises de peine à l'effort et en développant massivement le travail en prison avec la création du contrat du détenu travailleur. S'agissant des mineurs délinquants, vous avez voté le code de justice pénale des mineurs permettant d'appréhender la délinquance des plus jeunes plus rapidement et plus efficacement.
S'agissant de ces axes importants, je veux ici saluer très chaleureusement l'engagement sans faille du président Houlié, mais aussi de Caroline Abadie qui a travaillé sur la question pénitentiaire et celui d'Erwan Balanant qui est à nos côtés lorsqu'il s'agit de toujours mieux prendre en charge les mineurs.
Ma politique pénale est claire. Elle repose sur un équilibre fragile, mais que je m'efforcerai toujours de préserver : fermeté sans démagogie, humanisme sans angélisme.