…je rappelle d'autres chiffres, toujours de la même source officielle : le cumul des réitérants et des récidivistes augmente aussi entre 2017 et 2021, passant de 40,4 % à 41,8 %. Le taux ne baisse ni ne stagne, il augmente. De l'aveu même des acteurs concernés, la récidive demeure un sujet d'actualité. Les magistrats que j'ai auditionnés, les services pénitentiaires d'insertion et de probation (Spip) qui sont au contact des détenus, les syndicats de police et les avocats, tous s'accordent à dire qu'il est urgent d'agir.
Il y a eu des réformes plus ou moins utiles et opportunes, telles que les fameuses peines planchers créées en 2007 et abrogées en 2014, ou les réformes conduites depuis 2017 pour mettre l'accent sur les alternatives à la détention et les aménagements de peine. Force est de constater que ces réformes n'ont pas été décisives et qu'il faut les compléter. C'est un enjeu de justice et de sécurité pour nos concitoyens – qui le réclament, d'ailleurs. C'est pourquoi nous vous proposons aujourd'hui d'agir autour de deux axes principaux : dissuader et prévenir.
Il faut dissuader par une sanction pénale plus vigoureuse. C'est l'objet de l'article 1er , qui prévoit une peine minimale ciblée et mesurée. Précisons que ce dispositif ne concerne que la récidive légale et non pas les primo-délinquants. Il vise les auteurs de violences volontaires aggravées contre une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public. La peine minimale encourue est d'un an d'emprisonnement et le juge peut y déroger.
Il faut prévenir par le biais de l'accompagnement et de la probation, ce qui est l'objet des articles 3 et 4. Ceux-ci visent, d'une part, à expérimenter des permanences de Spip au sein des tribunaux judiciaires, et, d'autre part, à systématiser l'accompagnement des condamnés en libération sous contrainte par des programmes personnalisés.
Parallèlement à ces deux volets de dissuasion et de prévention, le texte propose de renforcer l'information des maires pour qu'ils aient connaissance des suites judiciaires données aux infractions commises sur le territoire communal. Cette information existe déjà, mais nous souhaitons l'automatiser.
Enfin, parce que la lutte contre la récidive s'inscrit dans le temps long et qu'elle suppose une approche pluridisciplinaire, l'article 5 prévoit l'organisation d'une conférence de consensus. Elle permettra, à l'image de celle tenue il y a dix ans, en 2012-2013, de dresser un état des lieux actualisé des connaissances et de faire émerger de nouvelles solutions.
Tous les articles que je vous ai présentés procèdent d'une approche globale et pondérée, jouant sur différents leviers. Ils n'ont pas été adoptés par la commission. Aucun. Pas plus ceux qui jouent sur la dissuasion que ceux qui agissent sur la réinsertion, comme s'il ne fallait rien faire, comme s'il fallait régler des comptes.
On peut s'opposer coûte que coûte aux peines minimales – pourquoi pas ? Mais rejeter tous les articles d'un même texte alors qu'aucun argument ne résiste à l'analyse, c'est très étonnant. Je suis – avec d'autres – très étonnée de ce qui s'est passé en commission. Il n'y a rien de grave, mais je suis très étonnée.
Comment s'opposer à l'article 2, celui qui renforce l'information des élus locaux ? Il reprend une mesure que notre assemblée a déjà adoptée en 2021, sur proposition du groupe Dem, dont l'intérêt avait été souligné par une mission d'information conduite par Philippe Gosselin et moi-même, et votée à l'unanimité de la commission des lois.
Comment s'opposer à l'article 4, qui place l'accompagnement personnalisé des condamnés au cœur de la probation et de la réinsertion, qui renforce le rôle des Spip et de l'administration pénitentiaire ?
Comment s'opposer à l'article 3, dont le format expérimental rend inopérantes les critiques, qui est une proposition émanant directement des états généraux de la justice mis en place par le ministre après de longs mois d'échanges et de concertation, et alors qu'une mission d'information du Sénat l'a reprise à son compte il y a quinze jours ?
Venons-en à l'article 1er , à propos duquel beaucoup se sont amusés à dire ce qu'il n'est pas ou ce qu'il ne fait pas. Ce serait le retour des illustres peines planchers Dati-Sarkozy de 2007 ? Allons donc, et comparons ce qui n'est pas comparable !
En 2007, les peines planchers allaient jusqu'à quinze ans d'emprisonnement et concernaient tous les délits et crimes punis de plus de trois ans d'emprisonnement, c'est-à-dire plusieurs milliers d'infractions. Il s'agissait d'une révolution du code pénal et même du droit pénal. Comparons cette politique globale de lutte contre la récidive à l'article 1er , plus modeste, qui vous est soumis : il prévoit une peine minimale d'un an concernant un seul type d'infraction, les violences aggravées contre les agents publics. Ni la philosophie ni le périmètre ne se ressemblent. Je vais mettre fin aux fantasmes de ceux qui voulaient en découdre : ce n'est pas le retour des peines planchers de 2007 ; je serai d'ailleurs défavorable aux amendements qui proposent d'y revenir.