Intervention de Paul Christophe

Réunion du mercredi 15 février 2023 à 10h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe, rapporteur :

Le sujet de ce texte est au cœur des préoccupations de notre commission depuis plusieurs années déjà. Sans prétendre répondre à toutes les difficultés qui se posent aux familles concernées par l'affection de longue durée (ALD) d'un enfant, la proposition de loi vise à leur apporter des mesures de protection et de simplification.

La maladie, le handicap ou les accidents des enfants ont des conséquences souvent très importantes pour les familles qui y sont confrontées. Les mesures que je vous présente peuvent sembler très ponctuelles, mais elles répondent à des demandes d'associations et de personnes qui nous sollicitent au quotidien, avec cette même préoccupation : assurer une présence parentale nécessaire dans une période difficile, sans pour autant mettre en danger la situation financière de la famille.

Cette proposition de loi s'inscrit dans une série d'avancées législatives soutenues par l'ensemble des députés de cette commission. En novembre 2021, faisant suite à la loi du 8 mars 2019, défendue par Nathalie Elimas, qui amorçait l'amélioration du soutien apporté aux familles d'enfants atteints de pathologies graves, le Parlement a adopté une proposition de loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d'un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu – j'en étais le rapporteur. Ce texte portait réforme de deux dispositifs, le congé de présence parentale (CPP) et l'allocation journalière de présence parentale (AJPP), en vue de faciliter l'accompagnement d'un enfant à charge dont l'état de santé est gravement dégradé en raison de la maladie, d'un handicap ou d'un accident. Le CPP permet aux parents de solliciter, sur la base d'un certificat médical concernant leur enfant, des congés d'une durée supérieure aux trois jours annuels autorisés par le dispositif de congé pour enfant malade. L'AJPP complète ce mécanisme en offrant une rémunération minimale par journée de présence auprès de l'enfant, afin de compenser les pertes de revenus causées par ces congés.

Promulguée le 15 novembre 2021, cette loi a permis le renouvellement du CPP et de l'AJPP au-delà de la limite prévue jusqu'alors, de trois cent dix jours sur une période de référence de trois ans. Cette extension assure une meilleure réponse aux besoins de certaines familles, en particulier monoparentales. La réitération de l'expression des besoins par le médecin favorise également une plus grande adéquation aux cas particuliers. Notons d'ailleurs que l'AJPP a été revalorisée à hauteur du Smic dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, avec effet au 1er janvier 2022.

Au-delà de cette indéniable avancée, beaucoup reste à faire pour soutenir au mieux les familles dans leur parcours du combattant. Notre rôle est d'alléger leur charge quotidienne autant que faire se peut, en leur évitant toutes les doubles peines, en particulier celles qui résultent de démarches administratives parfois excessivement complexes.

Dans ce bouleversement que représente l'arrivée de la maladie ou du handicap, l'enfant malade nécessite une attention accrue, tandis que la fratrie a besoin de stabilité. Les parents endossent alors une multitude de rôles : parent, soignant, accompagnateur, expert administratif, voire instituteur. Un grand nombre d'entre eux sont contraints de réduire leur temps de travail ou d'interrompre leur activité professionnelle pour s'occuper de leur enfant ; d'autres continuent de travailler, souvent par nécessité de garantir un revenu à leur famille.

Que ce soit pour l'accès aux dispositifs auxquels ils ont droit ou pour la poursuite des procédures administratives et financières dans lesquelles ils sont déjà engagés, ils sont sans cesse en butte à des obstacles aussi inutiles qu'insupportables dans ce moment où la cellule familiale est fragilisée – rendez-vous à l'hôpital, sollicitations permanentes de l'administration et des institutions éducatives. Malgré l'inquiétude et l'épuisement, ces parents continuent de travailler, mais leur travail les empêche de consacrer à leur enfant tout le temps, l'attention et l'affection qu'ils souhaitent lui apporter, ajoutant ainsi à la douleur de leur situation. Bien souvent, ils se heurtent à l'incompréhension de leur employeur, notamment quand ils expriment des besoins d'adaptation de leur activité professionnelle à leur nouvelle situation familiale. Des tensions, voire la rupture du contrat de travail, s'ensuivent parfois, malheureusement.

Il est insupportable que les parents d'enfants malades, handicapés ou victimes d'accidents graves endurent de telles difficultés. Nous ne pouvons permettre ce type de discrimination au travail.

La présente proposition de loi entend donc à faciliter le quotidien de ces parents courageux, en réduisant autant que possible les différents obstacles administratifs et financiers qu'ils rencontrent, tant pour concilier présence parentale et vie professionnelle, que pour accéder à leurs droits. Les dispositions qu'elle comporte sont issues de nombreuses discussions avec des associations représentant ces parents. Je les remercie pour leur action au quotidien, leur dévouement et le temps qu'elles ont pu m'accorder. Grâce à ce travail de coconstruction avec elles et les professionnels concernés, les besoins de ces familles et de ces enfants trouveront réellement des réponses.

L'article 1er prévoit, sur le modèle du dispositif existant pour les femmes enceintes, de protéger du risque de licenciement les parents d'enfants dont l'état de santé est dégradé et qui sont contraints de réduire leur activité professionnelle. Le code du travail protège déjà les salariés contre toutes les formes de discrimination, en particulier au regard de leur situation familiale, mais nous souhaitons accorder une protection spécifique à ceux qui se trouvent dans cette situation, tout au long de la maladie de leur enfant. Tout comme il est interdit de licencier une femme enceinte, sauf cas très spécifiques, le licenciement d'un parent d'enfant malade ne devrait pouvoir intervenir que dans certaines conditions.

Poursuivant un même objectif de conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, l'article 2 précise que le télétravail constitue, pour les parents d'enfants malades ou en situation de handicap, un aménagement de poste nécessaire à la continuité de leur travail dans l'entreprise. Il ne s'agit pas de créer un droit absolu au télétravail, qui s'accommoderait mal de la réalité d'un grand nombre de professions et d'entreprises, mais de garantir que la demande de recours au télétravail formulée par un salarié confronté à cette situation sera réellement prise en compte par l'employeur. Un amendement en ce sens viendra préciser le dispositif.

L'article 3 facilite les démarches administratives pour le renouvellement de l'AJPP en supprimant la condition d'accord explicite du service du contrôle médical. Cette condition, qui implique des délais importants, empêche bien souvent le renouvellement de l'allocation. Nous avions tenté d'introduire cette disposition dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, mais elle a malheureusement été censurée par le Conseil constitutionnel qui a jugé sa portée trop faible pour figurer dans un texte budgétaire.

L'article 4 supprime la mesure d'écrêtement de l'AJPP et de l'allocation journalière de proche aidant (AJPA) pour les travailleurs indépendants et les personnes en recherche d'emploi. Cette mesure d'écrêtement, qui devait entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2024, visait à se prémunir du risque d'un effet d'aubaine si les montants versés aux bénéficiaires étaient supérieurs aux revenus tirés de leur activité professionnelle ou de leur revenu de remplacement. Un an après l'indexation de ces allocations sur le Smic, l'effet d'aubaine appréhendé n'est pas démontré. Nous vous proposons donc de supprimer cette mesure d'écrêtement qui entrave la lisibilité du dispositif et constitue une difficulté supplémentaire de gestion pour les caisses d'allocations familiales.

L'article 5 prévoit une expérimentation visant à améliorer la situation des bénéficiaires de l'AJPP rencontrant des difficultés financières. À la suite des échanges que nous avons eus avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et les associations, nous proposerons amendement instaurant un dispositif encore plus ambitieux qu'initialement, qui s'adresse aux bénéficiaires de l'AJPP et non plus seulement aux bénéficiaires du complément pour frais.

Enfin, l'article 6 pose le gage qui assure la recevabilité financière de ce texte.

Encore une fois, cette proposition ne prétend pas répondre à toutes les difficultés que rencontrent les familles – nous en avons identifié d'autres –, mais elle constitue une avancée supplémentaire pour améliorer leur situation et alléger leur quotidien. J'espère recueillir un vote unanime sur un sujet aussi important pour nos concitoyens.

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