Le Conseil national de l'Ordre des architectes est très heureux de participer à cette audition et de pouvoir apporter sa contribution à votre réflexion.
Le Conseil représente les trente mille architectes français, aux niveaux national et régional. L'Ordre garantit au public que les architectes sont titulaires d'un diplôme de formation initiale et qu'ils sont à jour de leurs obligations d'assurance et de formation continue.
L'Ordre a aussi une fonction de représentation auprès des instances régionales et nationales. Il a été créé par la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture, qui rappelle que la création architecturale est d'intérêt public : le Conseil de l'Ordre œuvre donc dans l'intérêt public de l'architecture.
L'architecture a un impact sur le développement de la ville et sur la ville durable, sur la façon dont les bâtiments – mais aussi leurs abords – sont conçus, notamment pour faire face au dérèglement climatique.
Nous nous intéressons également à l'habitat – nous préférons d'ailleurs parler d'« habitat » plutôt que de « logement », car le concept d'habitat inclut la mobilité, le confort intérieur ou la qualité à l'intérieur des bâtiments. La question de l'habitat bas-carbone est devenue importante et nous travaillons aujourd'hui sur la manière de transformer l'acte de bâtir, pour nous orienter vers le bas-carbone.
Nous insistons aussi pour mettre en lumière le sujet de la rénovation. Les politiques publiques du logement sont centrées sur la construction neuve de logements et laissent de côté la rénovation : or les enjeux de développement durable portent sur la rénovation, puisque 80 % de la ville de 2050 sont déjà construits. C'est donc sur les bâtiments déjà construits qu'il faut agir pour se préparer aux évolutions climatiques de 2050 et il est essentiel d'intéresser l'ensemble de la filière, notamment les promoteurs immobiliers, aux enjeux de la rénovation. Les projets de rénovation sont souvent plus complexes que les projets de construction, ils demandent plus de réflexion et sont plus chers. Les opérateurs économiques centrés sur la rentabilité s'intéressent surtout aux opérations les plus simples. C'est pourquoi la rénovation a longtemps été laissée de côté.
Notre rôle de représentation nous amène à travailler en étroite collaboration avec plusieurs instances de l'État. Je présente le Conseil national de l'Ordre au Conseil supérieur de la construction et de la transition écologique, qui est une instance de concertation sur l'ensemble des lois portant sur le développement durable, la construction et la transition énergétique. Nous nous réunissons une fois par mois et nous rendons des avis sur les projets de loi. Nous animons un groupe de travail « Logement » au sein du Conseil national de la refondation et nous en avons d'ores et déjà piloté deux dans le cadre de la stratégie française pour l'énergie et le climat, les groupes « Aménagement » et « Rénovation ». Nous avons également travaillé avec l'Agence nationale de l'habitat pour bien calibrer le rôle de l'accompagnateur Renov'.
Nous sommes représentés au Bureau du plan « Bâtiments durables » et travaillons avec le Conseil national de l'habitat, les Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) dans les territoires, les architectes conseils de l'État, les architectes des bâtiments de France et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC).
Le ministère de la Culture est notre ministère de tutelle, mais nous travaillons étroitement avec les services du ministère chargé de la transition écologique.
L'architecte est un concepteur, au cœur des décisions intéressant les bâtiments. Il apporte une vision globale du fonctionnement d'un bâtiment, des échanges de fluides, des échanges thermiques, etc., comme un médecin qui prend en compte l'ensemble du corps humain : on ne peut pas s'intéresser à une problématique particulière sans prendre en compte le bâtiment dans sa globalité. L'architecte ne s'intéresse pas uniquement aux grands projets susceptibles d'être récompensés par le prix Pritzker – le prix 2021 ayant d'ailleurs été décerné à l'agence française Lacaton & Vassal : il intervient également au quotidien auprès des particuliers, il travaille sur le logement avec les bailleurs sociaux, il apporte son expertise aux copropriétés. Tous ces endroits sont concernés par la transition écologique et par l'évolution des bâtiments.
L'architecte est au cœur du dispositif de transformation de la ville, au moment où celle-ci est impactée par de nombreuses injonctions contradictoires : elle doit se transformer et se développer, mais également respecter le principe d'une « zéro artificialisation nette », valoriser les friches urbaines, etc. Le projet urbain est le lieu où se résolvent ces injonctions contradictoires entre construire et préserver les terres agricoles, tout en ménageant le confort d'été – donc la présence de la nature en ville. Il faut donc résoudre une équation avec beaucoup de paramètres et convaincre les habitants : l'architecte, en tant que pilote du projet, est au cœur de toutes ces questions.
Je crois savoir qu'un architecte est responsable des bâtiments de l'Assemblée, au moins de ceux ayant une valeur patrimoniale. Le dialogue entre la nécessaire évolution des bâtiments et la conservation patrimoniale est compliqué. Un projet n'est jamais qu'une succession d'arbitrages et il faut tenir compte de la soutenabilité économique, du respect du patrimoine, etc.
Le bâtiment où siège l'Assemblée nationale est un symbole, qui se dresse face à la place de la Concorde et qui véhicule beaucoup de valeurs symboliques et culturelles. Nous ne pouvons évidemment pas nous affranchir de ces valeurs quand nous intervenons sur des bâtiments historiques, a fortiori sur des bâtiments qui représentent la nation dans son ensemble. Ces injonctions contradictoires se résoudront dans le projet, en avançant pas à pas.