Merci beaucoup, madame la présidente. Je vous remercie pour cette invitation à présenter la situation des femmes et la question de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la réforme des retraites dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative que la commission des affaires sociales examine actuellement et qui sera examiné en séance à partir de la semaine prochaine. C'est également pour moi l'occasion de rappeler que la question de l'égalité femmes-hommes dans la vie active et au moment de la retraite doit être une préoccupation constante. Elle l'est pour mon ministère et pour l'ensemble de votre délégation. Dans le cadre du débat autour des retraites, nous sommes confrontés à des difficultés et des interrogations et notre recherche de solutions traverse les différentes sensibilités qui animent le Parlement et votre délégation. Nous souhaitons toutes et tous un système de retraite le plus protecteur possible qui puisse corriger et parfois effacer les inégalités et injustices qui se sont accumulées au cours de la vie.
Le chantier de l'égalité professionnelle reste ouvert, car les inégalités professionnelles font les inégalités de retraite et expliquent l'écart moyen de pension entre les femmes et les hommes. Ce n'est pas le système de retraite en lui-même qui génère cette inégalité, mais bien les années qui le précèdent.
D'ailleurs, tant la capacité à concilier vie personnelle et vie professionnelle que le taux d'emploi des femmes augmentent, à la fois par génération, mais aussi à l'échelle de toute une vie. Ainsi, les inégalités de montants de pensions entre les femmes et les hommes diminuent progressivement : de plus de 40 % il y a quelques années, nous sommes aujourd'hui à 30 %. C'est inacceptable, mais cette diminution démontre aussi qu'il devient sociologiquement moins difficile pour une femme de concilier travail et vie personnelle.
La réforme des retraites que nous présentons n'est pas défavorable aux femmes. Nous mettons même en place des dispositions protectrices pour les femmes les plus exposées aux difficultés professionnelles. Le texte présenté a été enrichi et amélioré, au fil de la concertation générale, mais également par des échanges plus thématiques. Je tiens d'ailleurs à souligner la qualité des échanges entre nous-mêmes, madame la présidente, entre vos équipes et les miennes et avec Madame Sophie Panonacle. Ainsi, le gouvernement soutient certaines avancées, telles que l'approche genrée de l'index des seniors. Vous avez déposé un amendement en ce sens, qui nous paraît utile pour disposer des mesures et des outils adéquats.
Premièrement, penchons-nous sur l'âge de départ et la durée d'activité nécessaire pour faire valoir une retraite à temps plein. Le fait que les femmes soient amenées à repousser leur âge de départ après la réforme s'explique de deux manières, comme pour les hommes :
la mise en application de la réforme votée en 2013, avec un relèvement de la durée de cotisation minimale exigée pour avoir droit à une retraite à taux plein ;
l'augmentation progressive de l'âge d'ouverture des droits de 62 à 64 ans que nous envisageons.
Vous retrouverez les éléments que j'évoque dans l'étude d'impact qui a été réalisée. À l'heure actuelle, l'âge de départ effectif des femmes est le même que celui des hommes. Pendant très longtemps, il a été supérieur, du fait d'une propension subie à avoir des carrières hachées qui amenaient les femmes à travailler plus longtemps après l'âge d'ouverture des droits pour atteindre le taux plein. D'ailleurs, les assurés qui travaillent jusqu'à 67 ans, âge de suppression de la décote, sont très majoritairement des femmes ; c'est pour cette raison que nous avons décidé de le maintenir, alors que chacune des réformes précédentes de relèvement de l'âge ou d'ouverture des droits s'était aussi traduite par un relèvement à due concurrence de l'âge de suppression de la décote.
Or, l'étude d'impact montre qu'en avançant dans le temps, l'âge de départ effectif des femmes va progressivement devenir inférieur à celui des hommes, dès 2030. L'âge de départ effectif estimé pour les Français nés en 1972 dans l'ensemble des études sur lesquelles nous nous appuyons sera de 64 ans et 4 mois pour les femmes et de 64 ans et 6 mois pour les hommes. Cet état de fait est la double conséquence du relèvement de l'âge et de la mise en œuvre de la réforme Touraine d'augmentation de la durée de cotisation.
À mon sens, il existe un chantier sur la manière dont sont valorisés, en fin de carrière, les trimestres considérés comme validés, mais non cotisés à l'occasion d'événements familiaux. Relever l'âge de départ et augmenter la durée de cotisation diminue l'impact de ces huit trimestres validés à l'occasion d'une maternité ou de l'éducation d'un enfant qui peuvent être appliqués dans le cadre du régime général.
De nombreuses femmes qui travaillent et qui ont un enfant peuvent reprendre une activité rapidement et sont indemnisées dans le cadre du congé maternité. Ainsi, à l'occasion d'une naissance, elles peuvent à la fois valider un certain nombre de trimestres au titre de leur activité professionnelle et de leurs revenus, tout en bénéficiant de quatre trimestres validés supplémentaires. Lorsque ces trimestres validés ont été décidés à la fin des années 1960, une femme qui avait un enfant arrêtait son activité. Ces trimestres étaient véritablement pensés comme une compensation des trimestres perdus, ce qui n'est plus le cas.
Par ailleurs, les régimes en la matière sont très différents et l'écart entre le régime général (quatre trimestres validés) et la fonction publique (deux trimestres validés) peut interroger. La libre répartition entre les deux parents du dispositif concernant les quatre trimestres supplémentaires dits d'éducation d'un enfant à condition de la déclencher avant quatre ans et demi souffre d'un déficit d'informations manifeste.
Il s'agit de s'interroger de manière rationnelle afin de déterminer si notre système de droits familiaux répond véritablement aux objectifs donnés. Désormais, la parentalité et en l'occurrence la maternité, n'empêchent plus de cotiser au moment de l'arrivée de l'enfant, même si elles peuvent être perçues comme un frein à l'évolution professionnelle. Si tel est le cas, différentes études montrent que l'octroi de trimestres de compensation ne constitue pas nécessairement une solution. Il convient peut-être d'inventer d'autres mécanismes afin d'apporter des réponses à cette inégalité de déroulement de carrière liée parfois à la maternité. Cette question fait partie du chantier sur les droits familiaux que nous proposons d'ouvrir avec le Conseil d'orientation des retraites (COR) et les parlementaires.
Deuxièmement, si la réforme est votée par le Parlement, près de 30 % des femmes qui partiront à la retraite verront leur pension augmenter grâce aux dispositions de la réforme, contre un peu plus de 15 % des hommes. En effet, si les mécanismes que nous mettons en place ne sont pas spécifiquement dirigés vers les femmes, notamment le minimum de retraite à 85 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), ils vont bénéficier directement et prioritairement aux assurés qui aujourd'hui partent à la retraite avec les pensions les plus basses parmi lesquelles les femmes sont surreprésentées du fait des inégalités professionnelles accumulées tout au long de la vie.
Par ailleurs, l'objectif est de supprimer l'inégalité du niveau de pension entre les femmes et les hommes, à hauteur de 30 %. Il passe par une égalité professionnelle réelle tout au long de la carrière.
Enfin, un certain nombre de dispositions permet une meilleure prise en compte de la situation des femmes, notamment la considération des congés parentaux et plus globalement les trimestres acquis au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF). Ainsi, nous allons intégrer jusqu'à quatre trimestres cotisés au titre de l'AVPF pour l'éligibilité au dispositif des carrières longues et des retraites minimales.
Par ailleurs, ces trimestres entreront de manière intégrale dans le calcul du minimum de pension afin de mieux aider les femmes.
La situation des femmes est également prise en compte dans le cadre du maintien de l'âge du taux plein et donc de l'âge de suppression de la décote, puisque le fait que l'écart entre l'âge d'ouverture des droits et cet âge soit ramené à trois ans alors qu'il a toujours été à cinq ans amène la possibilité de limiter les effets de la décote.
Dans les responsabilités qui sont les miennes aujourd'hui, au-delà de cette réforme des retraites, je serai présent à vos côtés pour permettre de rétablir cette égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et ainsi de réduire les inégalités qui en découlent lors du départ à la retraite.