Nous n'avons pas d'éléments permettant de juger d'une adhésion des décideurs à la stratégie d'Uber : par définition, les Uber Files portent sur le versant de l'entreprise. En tout cas, ces documents montrent notamment qu'Uber a beaucoup poussé pour jouer les ministères les uns contre les autres.
Il faut se rappeler que l'entreprise cherche à se faire sa place, dans une logique de combat – notion dont on retrouve le champ sémantique dans les Uber Files – pour défendre une idée d'avenir et même une idée révolutionnaire. Dans les documents, il est question d'attaquer la loi si elle ne convient pas, des effets pervers de la loi Thévenoud ; on a l'impression que c'est une question de survie pour l'entreprise.
C'est dans ce contexte qu'Uber en use comme il le fait vis-à-vis des ministères pour atteindre ses objectifs, sans perdre de temps avec les règles en vigueur chez nous. Le lobbying a beaucoup reposé sur des relations interpersonnelles. Quand on passe par les cabinets, on demande à accéder aux équipes en fonction des personnes que l'on connaît et cela se traduit par des déjeuners au cœur de l'été le week-end et par des rencontres très informelles. Dans un premier temps, l'idée était de remporter les arbitrages en interministériel en tentant de pousser ses pions, une démarche qui a davantage porté ses fruits auprès du ministère de l'Economie que du côté du ministère de l'Intérieur, lequel avait la tutelle des taxis, ou de celui des Transports. On nous a dit dans des ministères que le rôle de certaines personnes au sein du cabinet d'Emmanuel Macron avait choqué d'autres membres de cabinets, qui ne le comprenaient pas. Un conseiller a eu cette phrase que nous avons reprise dans l'un de nos articles : « Un ministre et une administration n'ont pas à être les alliés ou les promoteurs d'une entreprise privée qui n'hésite pas à s'asseoir sur les lois de la République pour pousser ses positions. »
Si nous ne savons pas ce qui a été ainsi obtenu, la volonté qui était à l'œuvre est, elle, claire.