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Intervention de Adrien Sénécat

Réunion du jeudi 9 février 2023 à 14h30
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Adrien Sénécat, journaliste au Monde :

Avec Damien Leloup et notre consœur Élodie Guéguen, de Radio France, nous avons officiellement interviewé Alain Vidalies, à l'époque chargé des transports. Il nous a dit en étant enregistré et je pense qu'il le redirait publiquement – mais j'imagine que vous comptez l'entendre, je lui laisse donc le soin de développer –, que ce n'était pas une stratégie concertée au sein du Gouvernement de faire d'Emmanuel Macron l'interlocuteur d'Uber tandis que lui-même passait au second plan. Dans son esprit, c'est lui qui était en charge du dossier, même s'il n'a pas dit qu'Emmanuel Macron ne devait absolument pas s'en saisir.

Nous avons sollicité Bernard Cazeneuve, qui n'a pas souhaité s'exprimer en long et en large à ce sujet, nous disant réserver ses propos à une éventuelle commission d'enquête de l'Assemblée nationale – je vous laisse en tirer les conclusions.

Nous nous sommes demandé s'il n'y avait pas eu une répartition des rôles entre membres du Gouvernement : d'un côté, le ministre de l'Intérieur, qui se charge de faire appliquer la loi ; de l'autre, le ministre de l'Économie, qui favorise le développement de l'économie française et des emplois. D'après les réponses que nous avons reçues tant d'Alain Vidalies que de Bernard Cazeneuve et même d'après ce que François Hollande a dit à ce sujet par la suite, cela n'a pas été le cas.

Nous avons bien sûr sollicité Emmanuel Macron par l'intermédiaire de l'Élysée pour savoir s'il souhaitait aborder ce point. Nous n'avons pas eu de réponse. Il a déjà évoqué les Uber Files mais, à ma connaissance, il n'a pas répondu – c'est bien sûr son droit – à cette question : « Avez-vous agi dans le dossier Uber Files, lorsque vous étiez ministre de l'Économie, en concertation ou non avec les membres de votre gouvernement ? »

La stratégie de pression d'Uber a-t-elle été soutenue ou validée au sein du Gouvernement ? Je ne le sais pas mais parmi les points qu'il me semblait important de rappeler au sujet des contacts entre Uber et des parlementaires ou des membres du Gouvernement, il y a le fait que dans beaucoup de réunions, notamment la toute première à Bercy, sont présents Thibaud Simphal et Pierre-Dimitri Gore-Coty, respectivement directeur France et directeur Europe.

Officiellement, du fait de la manière dont Uber s'est structuré, ces deux personnalités ne sont chargées que de la communication et du marketing concernant le développement de l'application Uber. En effet, l'essentiel des revenus est déclaré par Uber BV, société de droit néerlandais, et l'activité principale est censée être l'application, Uber affirmant vendre un service à des chauffeurs qui s'inscrivent sur la plateforme sans être salariés de l'entreprise. Mais tous les courriels des Uber Files montrent que ce sont eux et non des représentants de la BV, qui, avec Travis Kalanick, rencontrent les décideurs et qu'ils occupent des fonctions beaucoup plus importantes, contrairement à ce qu'ils ont soutenu lors de leur procès en 2016. Cela nous renvoie à la question de l'optimisation fiscale.

En tout cas, il y a une vraie confusion quant aux fonctions de chacun et cela fait partie des pratiques d'Uber d'avoir essayé de faire croire que l'entreprise se contentait de gérer une plateforme immatérielle, alors qu'en France, recruter des chauffeurs, les équiper et les accompagner demande des employés sur place. Gérer la relation avec les chauffeurs n'est pas possible par quelques courriels depuis les Pays-Bas : c'est le rôle du patron d'Uber en France. Par exemple, quand un chauffeur UberPop est accusé de viol par une passagère en 2015 – au pire moment pour l'entreprise, dont les représentants viennent de rencontrer Emmanuel Macron, et alors qu'il s'agit de rouvrir le débat à l'Assemblée nationale –, qui gère l'incident et exclut le chauffeur ? Des salariés d'Uber France, non des salariés de la BV.

Ainsi, le rapport à la loi, la stratégie du chaos, l'optimisation fiscale et les liens avec le pouvoir politique sont des sujets intrinsèquement liés.

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