Intervention de Karim Asnoun

Réunion du jeudi 9 février 2023 à 9h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Karim Asnoun, CGT-Taxis :

J'ai parlé de pratiques mafieuses en référence à la loi de l'omerta (du silence) pratiquée dans la mafia. En effet, j'ai assisté à toutes les audiences du tribunal pénal concernant l'affaire Uber Pop. Je ne suis pas un habitué des prétoires mais j'ai été stupéfait de constater qu'à chaque fois que les juges présentaient des éléments à charge, qui avaient été saisis au siège de la société Uber en France, ils se voyaient chaque fois opposer la même réponse : « Je ne connais pas ce document. Je ne l'ai jamais vu ». Devant une cour pénale, comme devant une commission d'enquête, on se doit pourtant de dire la vérité. Les trois juges ont même fait écouter à M. Thibaud Simphal, responsable d'Uber, des publicités visant à recruter des conducteurs Uber Pop qui étaient diffusées sur les radios nationales. Chaque fois qu'elles étaient diffusées, nos permanences syndicales étaient « inondées » d'appels de chauffeurs de taxi en colère qui se demandaient comment on pouvait faire appel à du travail dissimulé de manière aussi ostentatoire. Les responsables d'Uber ont dit devant les juges que c'était la première fois qu'ils entendaient ces spots publicitaires.

Le président d'Uber en France étant de nationalité irlandaise, la cour a fait venir un traducteur assermenté pour l'interroger. Après deux questions, les juges l'ont renvoyé : c'était un « homme de paille ». La représentation juridique d'Uber en France était assurée par une personne qui n'avait aucune implication dans la société. De même, MM. Thibaud Simphal et Pierre-Dimitri Gore-Coty, qui parlaient alors dans tous les médias français, où ils étaient présentés comme les directeurs France et Europe d'Uber, n'étaient plus devant le tribunal que de simples salariés d'Uber BV sans la moindre responsabilité politique ou juridique.

Ces méthodes sont particulièrement choquantes. Dans le taxi, on doit avoir un casier judiciaire vierge. Or, nous sommes ici confrontés à des pratiques de voyous.

S'agissant de votre deuxième question, Uber a particulièrement « inondé » un certain nombre de députés de multiples amendements lors de la loi Grandguillaume. Vous travaillez à l'Assemblée nationale et vous direz peut-être que ces pratiques sont courantes mais, en tant que simples citoyens, nous avons été choqués de retrouver, sur des points précis, des demandes d'amendements identiques à la virgule près émanant de groupes différents. Cela montre d'abord qu'ils n'ont pas rédigé ces amendements. Dans l'émission « Tout compte fait », sur France 2 en octobre 2016, on a par exemple pu voir l'embarras de Philippe Vigier, de l'UDI, lorsqu'on lui signalait que les amendements qu'il avait déposés lui avaient été fournis « clé en main » par Uber, en lui demandant où était le travail démocratique et législatif dans ce cas. Nous en venons nécessairement à nous demander si ce sont les lobbyistes qui rédigent les lois.

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