Intervention de Christophe Jacopin

Réunion du jeudi 9 février 2023 à 9h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Christophe Jacopin, président du GESCOP (GIE de coopératives de taxis) :

Le GESCOP regroupe trois coopératives de taxis représentant 1 000 sociétaires coopérateurs taxis parisiens. Il existe depuis 1978, date de l'ordonnance du général de Gaulle ayant permis la création de sociétés coopératives de production (SCOP).

Emmanuel Macron a toujours été un soutien à la société Uber et ne s'en est jamais caché. Je résumerai ici certains faits, qui sont davantage détaillés dans un document et un livre que je vous remettrai à l'issue de ma présentation ( Uber : la prédation en bande organisée, écrit par un journaliste indépendant).

En 2008, M. Macron a été le rapporteur de la commission Attali qui a préconisé la libéralisation des taxis.

En 2016, Uber Pop a été interdit en France par le Conseil constitutionnel et, en 2021, Uber France a été condamnée à réparer les préjudices moraux pour 910 chauffeurs sociétaires coopérateurs.

En 2015, l'association UFC-Que Choisir a relevé 22 clauses abusives et / ou illicites dans les conditions d'utilisation du service Uber et aucune déclaration n'a été faite à la CNIL.

En 2019, un rapport de l'IGAS (Inspection générale des affaires sociales) a signalé une convergence du taxi vers le VTC, ce qui nous pose des problèmes et interroge dès lors que le statut de VTC est précaire et n'est pas idéal.

En 2020, M. Macron, dans une vidéo lors de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, cite en exemple Uber, alors que des agressions sexuelles avérées sont commises par des chauffeurs Uber, et que le secteur du taxi prenait déjà en charge à cette époque ces personnes fragiles.

En 2021, pour satisfaire les plateformes VTC (dont Uber en pénurie de chauffeurs), le Gouvernement a souhaité simplifier les conditions de l'examen pour les VTC, alors qu'il affichait déjà 80 % de réussite.

En 2021, le Gouvernement français a exercé une pression sur la Commission européenne pour éviter les requalifications en salariat des travailleurs et préserver le modèle économique voulu par les plateformes.

Ces éléments factuels interrogent donc sur l'intérêt de l'État à soutenir ces plateformes, au détriment des chauffeurs de taxi, qui payent leurs impôts, leurs taxes et leurs charges sociales.

Les pratiques prédatrices d'Uber pour déstabiliser un marché ne sont-elles pas anticoncurrentielles ? En effet, Uber propose à longueur d'année des promotions aux clients ou aux chauffeurs, ce qui déstabilise totalement notre secteur d'activité. Pourquoi aucune enquête n'a-t-elle été diligentée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ou par le ministère de l'Économie ? Pourquoi l'État laisse-t-il faire Uber en toute impunité alors que toute autre société commerciale serait « épinglée » ?

Comment expliquer que M. Macron, alors ministre de l'Économie, ait pu, comme le Gouvernement actuel, prôner comme modèle de réussite une société qui réalise des pertes « colossales » depuis des années ?

L'ensemble des syndicats avaient adressé à M. Philippe, puis à M. Castex, alors Premiers ministres, un courrier commun concernant la pénibilité de notre secteur d'activité, prouvée par de nombreuses études : aucune réponse ne nous a été adressée en retour. Nous ne sommes pas pris en considération.

Le millier de chauffeurs de taxis que je représente sont des entrepreneurs qui font travailler plus d'une centaine de personnes. Ils paient des impôts et des taxes ; délivrent une mission de service au public. Voir un représentant de l'État privilégier des sociétés prédatrices, sans morale, qui bafouent les lois françaises, pratiquent l'évasion fiscale et fragilisent notre système de protection sociale, constitue une atteinte profonde aux valeurs de tout citoyen.

Nous espérons que cette enquête parlementaire permettra de mettre en lumière les facilités dont Uber a bénéficié au détriment des autres acteurs économiques.

Uber n'est cependant que « la partie visible de l'iceberg » : d'autres plateformes font la même chose dans d'autres secteurs d'activité. Ce type de prédateurs envahit toute l'Europe et nous devons nous en prémunir pour préserver notre dynamisme économique.

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