Je vous remercie de nous recevoir ce jour dans le cadre de cette enquête, qui est pour nous primordiale et cruciale.
La succession des conflits relatifs à l'exécution de la profession de taxi trouve sa source dans le rapport Attali de 2008 et l'ouverture à la concurrence frontale qu'il programmait pour des activités ne relevant pas du même cadre réglementaire, sans que l'administration soit en mesure d'effectuer les contrôles et suivis de l'application de ses propres textes, organisant ainsi le chaos dans l'activité du transport de personnes.
Ces actions emportaient des conséquences pour les finances publiques, d'une part en favorisant des plateformes numériques implantées sur des paradis fiscaux au détriment d'entreprises payant impôts et charges en France ; d'autre part en laissant perdurer, avec l'aval de l'État, un vide juridique exemptant les plateformes de type Uber d'une inscription au registre des plateformes de mise en relation pour le T3P.
L'ensemble de ces éléments préalables ont conduit à deux conflits durs successifs, qui ont entraîné la promulgation des lois Thévenoud et Grandguillaume, en 2014 et 2016, visant à clarifier et encadrer l'activité du T3P. Les parlementaires avaient alors subi de fortes pressions de la part du ministère des finances, très actif dans ce dossier, empiétant sur les prérogatives des ministères de l'Intérieur et du Transport, dans le but avéré de favoriser l'émergence d'une masse de VTC au service d'Uber en particulier.
Tant les deux parlementaires initiateurs de cette régulation du secteur – dont on peut penser qu'ils seront entendus par la présente commission– que la haute administration des ministères concernés ont fait l'objet de pressions des cabinets ministériels visant à modifier les textes initiaux proposés et à en dénaturer la portée.
Ces pressions se sont poursuivies dans la mise en œuvre de ces lois, avec une lenteur voulue – dont M. Grandguillaume lui-même s'est publiquement plaint – dans la publication de leurs décrets d'application et arrêtés, notamment concernant les moyens de contrôle et de sanction prévus par l'article 2 de la loi Grandguillaume.
Lors de la crise sanitaire récente, un accord avait de même été formalisé avec Uber pour faire financer par l'assurance-maladie le transport en VTC des personnels soignants, et élargir ainsi le champ d'intervention d'Uber au transport de malades assis, pour légitimer son extension au T3P. C'est in extremis et au regard de la mobilisation des fédérations de taxis que ce projet sera retiré après avoir été annoncé publiquement. Nous voyons ici perdurer un tropisme pro-Uber voire une complicité visant à dénaturer le cadre réglementaire de la profession de taxi.
Encore aujourd'hui, la volonté de réduire le niveau de l'examen des taxis VTC au motif fallacieux de favoriser ainsi l'emploi et la réinsertion, alors qu'il s'agit de professions utilisant la voie publique et devant avoir des compétences en matière de sécurité des personnes et d'accueil des clients. Ces compétences devraient plutôt être renforcées au regard des objectifs de réussite de la coupe du monde de rugby ainsi que des Jeux olympiques et paralympiques de Paris (JOP) et d'attractivité de la France par le rehaussement de l'image de professionnalisme de ses acteurs économiques.
Ce dossier est comme les autres piloté et suivi par le cabinet du ministre, puis du Président de la République en personne. Les fédérations de taxis ont ainsi ressenti, dans leurs contacts avec la haute administration, à quel point sa marge de manœuvre avait été fortement entravée par les contacts directs d'Uber et de ses lobbyistes avec les cabinets ministériels, particulièrement des finances à Bercy. À croire qu'il suffit de ne pas payer d'impôts ou de charges ni d'employer 30 000 personnes salariées avec les cotisations sociales afférentes, pour être reçu à l'Élysée.
Nous portons trois demandes qui permettraient de résoudre la crise permanente que nous vivons.
Nous demandons en premier lieu, une clarification des conditions légales de réservation préalable des taxis et des VTC, en deuxième lieu, une définition de la durée de cette réservation. L'imprécision actuelle des textes légaux sur ces points empêche de s'assurer qu'ils sont respectés conformément à l'intention du législateur et s'oppose au principe du droit voulant qu'il soit intelligible et d'application non subjective. Le ministère des Transports ne souhaite pourtant pas répondre à ces demandes.
En troisième lieu, nous demandons qu'il soit possible de s'assurer des modalités tarifaires d'exécution des prestations de VTC. Le dispositif actuel ne le permet pas, ce qui induit deux effets : celui pour le client de la non-transparence de la prestation ; et celui d'apporter un biais sur un marché concurrentiel entre deux acteurs dont les règles d'exécution de leurs prestations sont totalement différentes.