Depuis 2008, nous constatons une succession d'initiatives des pouvoirs publics allant toujours dans le même sens : sacrifier le taxi et le modèle social français au profit d'une multinationale. Ces initiatives prennent la forme de rapports ou textes législatifs (rapport Attali, loi Novelli, rapport IGAS, loi d'orientation des mobilités) mais aussi d'un laisser-faire dans l'application de la loi et d'un détournement des statuts, avec l'outil Uber Pop et le transport rémunéré par des particuliers. La profession de taxi s'est toujours interrogée sur la facilité du développement d'Uber en France et du peu de réactivité des pouvoirs publics, semblant fascinés par ce nouvel acteur, qui a pourtant toujours cherché à contourner la loi et à en exploiter les failles. D'autres pays, notamment européens, ont adapté plus rapidement leur législation.
Il a fallu des années pour mettre fin à Uber Pop, qui constituait une activité illégale, ou pour clarifier les conditions d'utilisation du statut « loi d'orientation des transports intérieurs » (LOTI), qui a été détourné par les plateformes. Les fédérations et syndicats de taxis ont dû mener un combat extrêmement dur à cette fin, avec de nombreuses grèves et manifestations en 2014 et 2016. La profession était alors dans une situation désespérée. Elle avait alors le sentiment que le Gouvernement voulait sacrifier les taxis et nous avons toujours pensé qu'il y avait un parti-pris du Gouvernement. En 2015, la profession s'est offusquée lorsque Grégoire Kopp, conseiller du secrétaire d'État chargé des Transports, est devenu le directeur de la communication d'Uber France. Ces pratiques n'ont pas évolué, puisque la sœur du ministre en charge du numérique, Jean-Noël Barrot, est directrice de la communication d'Uber pour l'Europe de l'Ouest et du Sud. Les révélations de Mark MacGann, à l'été dernier, ont établi ce que tout le monde supposait déjà.
Ces pratiques ont évidemment des conséquences sociales : la paupérisation des chauffeurs et de nombreux drames humains. La profession de taxi est constituée de chauffeurs à temps plein qui investissent dans leurs fonds de commerce. La licence leur donne le droit de travailler dans la rue, dans les gares et dans les aéroports, mais elle constitue aussi leur capital retraite. Loin d'être des « rentiers », comme cela a pu être dit, les chauffeurs de taxi travaillent en moyenne 70 heures par semaine et partent rarement à la retraite avant 65 ans. L'arrivée des VTC, massivement subventionnée par les plateformes, mais aussi par les aides à l'emploi, a entraîné une perte brutale de revenus pour les taxis. De nombreux chauffeurs de VTC exercent cette activité en complément et à temps partiel, sans les mêmes charges, ce qui constitue une concurrence déloyale. Le prix des licences s'est effondré, privant de nombreux chauffeurs de leur capital retraite. Pire, leur baisse de revenus a empêché nombre d'entre eux de rembourser leurs crédits, ce qui a engendré de nombreux drames, des faillites, des familles brisées et parfois même des suicides.