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Intervention de Paul Charon

Réunion du jeudi 19 janvier 2023 à 16h00
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Paul Charon, directeur du domaine « Renseignement, anticipation et menaces hybrides » de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM) :

Dans le domaine universitaire, plusieurs problèmes se posent. Le premier porte sur la capacité du PCC à exercer une influence sur les établissements via la présence d'étudiants, la France n'étant pas le pays le plus concerné. Le Parti fait en sorte d'empêcher régulièrement l'organisation de conférences ou de colloques sur les sujets qui l'irritent. Lors d'un sommet de la sinologie européenne au Portugal, le Hanban, organisme qui gère les instituts Confucius et qui est rattaché au Front uni, a par exemple demandé la suppression de la page consacrée à la fondation taïwanaise Chiang Ching-kuo dans la présentation du colloque.

L'influence peut se traduire également par la mobilisation des étudiants présents dans une université, puisque leur présence assure une partie du financement de celle-ci. Cette mobilisation peut in fine aboutir à une forme d'autocensure à la demande des autorités du Parti. Il s'agit là d'une question concrète et inquiétante.

Un deuxième problème porte sur les contraintes exercées à l'encontre de la sinologie : si un chercheur rédige un article jugé négatif ou critique par le PCC, il ne pourra plus obtenir de visa pour se rendre en Chine. Or un sinologue qui est privé de terrain de recherche met de fait en péril sa carrière académique. Ce type d'opérations touche particulièrement les jeunes chercheurs ayant peu fait de terrain, qui ont besoin d'aller en Chine pour leurs recherches et pour pratiquer la langue. Elles peuvent conduire à des phénomènes très pervers d'autocensure.

Un troisième mode opératoire, encore plus grave, est celui des procédures bâillon. La chercheuse Valérie Niquet a par exemple été attaquée en diffamation par Huawei lorsqu'elle a expliqué que cette entreprise était liée à l'Armée populaire de libération. Ici, il ne s'agit pas tant de gagner le procès que d'épuiser les ressources financières et morales de la partie adverse, afin de dissuader d'autres acteurs de procéder à des travaux critiques.

De fait, plusieurs chercheurs étrangers m'ont dit qu'ils redoublaient de prudence dans la manière dont ils choisissaient et traitaient certains sujets après avoir été attaqués par un intermédiaire du Parti. Lorsque nous travaillons sur ces sujets, la recherche académique se double donc d'une lecture juridique pour ne pas risquer une procédure de la part d'un acteur lié aux intérêts chinois. À cet égard, des actions peuvent et doivent être entreprises, telles que l'utilisation de fonds, pour protéger des chercheurs ou journalistes qui sont attaqués en diffamation.

Par ailleurs, certains think tanks décident de coopérer avec des acteurs chinois. Dans notre rapport, nous avons élaboré une grille d'analyse de ces coopérations, allant de coopérations ponctuelles à des coopérations plus systématiques en tant qu'alliés de circonstance sur des thématiques communes, par exemple l'antiaméricanisme. Le dernier stade est celui de la complicité à proprement parler. Il concerne notamment l'institut Schiller, dont la convergence de vues avec les valeurs du Parti est encore plus profonde et qui adopte une posture révisionniste concernant les institutions internationales.

Enfin, plusieurs travaux ont été réalisés pour mesurer le niveau de pénétration des médias occidentaux. La France s'en sort plutôt bien, quand d'autres médias, par exemple en Italie, ont été plus frappés. Dans notre pays, cette influence a essentiellement pris la forme du supplément China Watch, que j'ai précédemment mentionné.

Le PCC est beaucoup plus puissant sur les médias non officiels comme les youtubers ou les influenceurs sur d'autres plateformes comme Instagram ou TikTok. Il opère ainsi le recrutement d'influenceurs pour diffuser une image positive de la Chine ou réaliser des reportages passant sous silence les problèmes du pays.

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