Je me permets de signaler que je suis favorable à la proposition de loi, en cours de discussion dans l'hémicycle, sur la nationalisation d'EDF ainsi qu'au rétablissement des tarifs réglementés pour les entreprises et les collectivités territoriales.
Lorsque nous arrivons, la situation des énergies renouvelables n'est pas réjouissante : à cause du moratoire pris sous le précédent gouvernement, 14 000 emplois ont été supprimés dans le solaire et le photovoltaïque et on accuse un déficit commercial lié à l'importation de panneaux solaires de plus d'un milliard d'euros ; le tarif de rachat de l'éolien risque d'être suspendu dans le cadre d'un contentieux devant la Cour de justice de l'Union européenne ; une ribambelle de contentieux entoure les projets éoliens, parce qu'il y a eu beaucoup de conflits d'intérêts, à l'échelle locale, au moment de la définition des zones de développement éolien (ZDE).
Nous avons fait le choix du « patriotisme écologique », qui recouvrait plusieurs choses. Je rappellerai d'abord que les énergies renouvelables ne se limitent pas aux énergies électriques – c'est fondamental. Produire de la chaleur renouvelable et, dans les années à venir, du froid renouvelable, est tout à fait essentiel. Quand on parle du nucléaire et des énergies renouvelables, on a tendance à faire une confusion entre mix électrique et mix énergétique. Il faut à la fois transférer des usages de l'électricité vers des énergies renouvelables non électriques et transférer des usages des énergies fossiles vers l'électricité. Mon premier acte, en tant que ministre, a donc consisté à développer la biomasse et à renforcer le fonds chaleur de l'Ademe, qui doit soutenir le développement de la chaleur renouvelable. Ce sont d'ailleurs les arbitrages budgétaires concernant ce fonds qui ont entraîné mon départ du Gouvernement.
L'idée centrale du patriotisme écologique, c'était que les soutiens publics, dans le domaine des énergies renouvelables, devaient conduire à la structuration de filières industrielles. Avec M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, nous avions demandé un rapport au Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGEIET) sur cette question, qui a fait l'objet d'un débat lors de la conférence environnementale de septembre 2012. Pour moi, la loi de programmation à venir devait entièrement changer les règles du jeu en matière d'énergies renouvelables ; mais, comme un certain nombre d'acteurs étaient dans une situation critique, j'ai été amenée à prendre des mesures d'urgence, notamment pour le solaire et l'éolien.
En matière d'éolien, il y a d'abord eu la suppression des ZDE, avec la « loi Brottes ». Surtout, j'ai obtenu du commissaire européen Joaquin Almunia que le tarif de rachat de l'électricité éolienne soit considéré comme une aide d'État compatible avec les règles de la concurrence. Je me souviendrai toujours de ce qu'il m'a dit : « Que je suis heureux qu'une ministre française vienne me voir ! Les ministres allemands, eux, dorment devant ma porte. » Et il a ajouté : « Quoi que vous me demandiez, c'est oui, parce que vous êtes venue me voir. » Comme on savait que les actes juridiques définissant le tarif éolien allaient être cassés par la Cour de justice de l'Union européenne, j'ai publié un nouveau texte qui a été acté par la Commission européenne.
Dans le secteur du solaire, il restait très peu d'acteurs en France. Outre la mécanique des appels d'offres, j'ai introduit, au terme d'une rude bataille, une bonification pour les panneaux fabriqués en Europe. L'adoption de ce mécanisme a demandé énormément d'efforts, parce que Bercy n'y était pas favorable, et la bonification a été supprimée en avril 2015. J'ai par ailleurs supprimé le dispositif qui favorisait les projets solaires sur les surfaces agricoles, et je l'assume.
En matière d'éolien offshore, je n'ai pas compris pourquoi il y avait un acteur industriel différent pour chaque projet. On ne peut pas structurer une filière industrielle puissante en dispersant la compétence industrielle entre une multitude d'acteurs, qui sont tous confrontés aux mêmes problèmes techniques et juridiques. Pour moi, l'éolien offshore démontre l'absurdité du principe d'ouverture à la concurrence. La dispersion explique en grande partie le retard de la France dans ce domaine.
À cette époque, il y avait d'énormes problèmes. L'État devait 5 milliards à EDF au titre de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) ; le mécanisme des tarifs de rachat sur vingt ans posait des problèmes ; celui des appels d'offres créait une imprévisibilité à long terme pour les acteurs industriels. La loi de programmation pour la transition énergétique devait changer tout cela. Il me semble qu'un soutien budgétaire direct à l'investissement et une planification territoriale des implantations – autrement dit, l'application de la culture du service public aux énergies renouvelables – auraient permis la structuration d'une filière industrielle.
Développer un acteur industriel nécessitait aussi de fabriquer un ou des champions européens. C'est le sens des échanges que j'ai eus, notamment avec l'Allemagne, en vue de la constitution d'un « Airbus du renouvelable ». Nous n'avions pas fait le même choix de mix électrique que les Allemands, mais nous avions des problèmes communs. Il s'agissait, premièrement, de créer une alliance à l'échelle européenne sur la question du backloading. À l'époque, le prix du carbone était désespérément bas, ce qui avait des conséquences très lourdes. Il fallait donc obtenir de la Commission européenne qu'elle supprime un certain nombre de quotas qui ne valaient rien pour faire remonter le prix du CO2. Par ailleurs, nous étions convaincus qu'il fallait aller vers la création d'une sorte de « zone euro de l'énergie », c'est-à-dire vers une coopération renforcée, avec un prix unique du carbone, une sécurité d'approvisionnement commune, un mécanisme de capacité commun et une stratégie visant à se dégager de notre dépendance aux énergies fossiles et à développer une industrie des énergies renouvelables.
Nous avons pris différentes mesures en faveur de l'effacement et de l'interruptibilité. En 2011-2012, Réseau de transport d'électricité (RTE) a annoncé des tensions pour 2015-2016 et un vrai problème pour 2017. Il était donc nécessaire de développer l'effacement et de mettre en place le mécanisme de capacité, qui devait garantir la sécurité de nos sources de production : ce fut l'objet d'un décret de décembre 2012. Il a fallu convaincre la Commission européenne que le mécanisme de capacité n'était pas le retour de la régulation, à travers la mise en œuvre de l'un des chapitres de la loi portant organisation du marché de l'électricité, dite Nome – que je n'avais d'ailleurs pas votée. Nous avons eu de nombreux échanges au sujet du mécanisme de capacité qui, dans son principe même, contredit la logique de laisser-faire et de marché.