Je n'ai pas fait de recherches sur cette question précise.
L'administration pénitentiaire a une doctrine de détection et d'évaluation de la radicalisation et d'affectation au sein des QER, à partir de notes. Notre rôle est d'émettre un avis personnalisé, fondé sur ce que nous savons et sur les informations qui nous sont données par l'administration pénitentiaire par l'intermédiaire des dossiers d'orientation et transfert (DOT), mais aussi, parfois, des commentaires du bureau anciennement SP1, sur les raisons pour lesquelles l'affectation en QER est envisagée.
Nous recevons un e-mail de l'administration pénitentiaire, avec les pièces d'information afférentes au dossier, qui est envoyé au JAPAT et au PNAT. Il n'y a bien sûr aucune concertation entre nous et le PNAT quant aux avis que nous sommes amenés à donner sur l'affectation en QER ; et, en effet, nous n'avons peut-être pas exactement les mêmes éléments d'information que lui.
Nous ne sommes pas nécessairement d'accord avec les conclusions de l'Inspection ni même avec la doctrine de l'administration pénitentiaire. Sur ce point, nous pouvons rejoindre le PNAT. S'il est un point sur lequel s'accordent les trois JAPAT, c'est la façon de considérer l'affectation en QER des condamnés qui présentent un profil relevant de la psychiatrie ou particulièrement instable, comme c'était le cas de M. Elong Abé en juillet 2019. En l'occurrence, cette affectation a été jugée peu opportune en raison d'un risque très élevé de déstabiliser la dynamique de groupe au sein du QER, de nuire à la qualité de l'évaluation et d'entraîner de graves problèmes de sécurité, notamment pour les personnels – l'agression contre un surveillant au QER d'Osny était encore très présente dans les esprits.
On nous rétorquera qu'il existe un moyen de résoudre la question de la sécurité, en plaçant un détenu à l'isolement au sein même des QER. Cela peut se faire pour des condamnés dont on estime que leur dangerosité empêche de les placer avec les autres détenus, mais cette option doit être réservée à des cas exceptionnels, car elle nous prive d'outils d'observation essentiels. Dans ce cas, en effet, la dangerosité et la radicalisation de la personne ne peuvent être évaluées qu'au moyen d'entretiens individuels avec l'équipe pluridisciplinaire, sans possibilité d'observer la détention dans le cadre de dynamiques de groupe – comportement en promenade, avec les autres détenus, lors des activités collectives – pour déterminer si la personne est un influenceur ou un influençable, si elle a du charisme, si elle est en mesure de faire du prosélytisme.
En juillet 2019, il a semblé à la collègue qui a rendu cet avis que le moment, alors que la fin de peine de M. Elong Abé était encore lointaine, n'était pas opportun pour envisager son placement en QER, malgré les avis favorables donnés au niveau local – où, à l'époque, je crois qu'on souhaitait surtout qu'il quitte l'établissement.
À ce moment-là, le fait qu'il ne soit pas évalué en QER ne posait pas réellement de problème quant à la gestion pénitentiaire d'une éventuelle dangerosité, puisque la décision a été prise de l'affecter à la maison centrale d'Arles en quartier d'isolement (QI).
À Arles, son comportement semble s'être amélioré, ou, en tout cas, stabilisé. Dès lors, nous n'avons jamais été saisis d'une nouvelle demande d'avis sur une affectation en QER – que nous avons toujours considérée comme utile et nécessaire compte tenu de son profil. Il restait suffisamment de temps pour l'observer en QI au sein du nouvel établissement et déterminer l'opportunité de cette évaluation. Elle nous paraissait indispensable puisque sa dangerosité n'avait jamais été évaluée, bien qu'il ait combattu en Afghanistan – ce qui implique qu'il devait être rompu aux techniques de combat –, qu'il ait eu un comportement très instable et qu'il ait présenté des signes de radicalisation islamiste en détention. Simplement, en 2019, le moment ne nous a pas semblé opportun.