Lors de la CPU dangerosité du 24 janvier 2022 – la première à laquelle j'aie assisté –, où la situation de M. Elong Abé a été évoquée, j'ai pris des notes, retranscrites dans notre logiciel Appi – Application des peines, probation et insertion –, propre aux Spip et destiné aux CPIP et binômes de soutien. Dans cette note purement interne au service, j'indiquais : « Parle ouvertement de ce qui se passe en Afghanistan et avec les talibans. Dort par terre sur une paillasse. Cellule très pieuse. Il est classé auxi sport. Il n'indemnise pas les parties civiles. Il n'est jamais passé en QER. Veut faire un projet de sortie autour de la campagne, des animaux (élever des chèvres ?), mais il a arrêté toutes les démarches (CNI, sport, etc.) car il ne veut rien devoir à la France. » J'indique en conclusion : « Préconisation : orientation en QER. »
Au jour de la CPU, on ne relève pas d'inquiétude particulière en termes de comportement, mais une orientation en QER paraît opportune, dans la perspective surtout de la sortie à venir. Une évaluation en QER aurait pu permettre d'évaluer le profil de l'intéressé dans le cadre de la préparation à la sortie, puisqu'elle aurait repris tous les éléments usuels en pareil cas – son parcours judiciaire et carcéral, son positionnement par rapport aux faits, son niveau d'imprégnation idéologique, les facteurs de risque et de protection, et les axes de travail relatifs à une capacité de M. Elong Abé à se mobiliser. Cette synthèse aurait été précieuse dans le cadre d'une orientation, par exemple, vers le dispositif Pairs que l'on envisageait dans le cadre de sa sortie, au titre à la fois de l'évaluation relative à une telle orientation et d'un appui aux professionnels qui seraient chargés de son suivi en milieu ouvert.
Une évaluation en quartier spécifique aurait peut-être pu par ailleurs, avec une équipe pluridisciplinaire différente et dans un autre contexte, permettre à l'intéressé de commencer à se mobiliser et à se projeter sur sa libération, ce qui n'apparaissait pas du tout jusqu'alors.
Enfin, j'ai été étonnée qu'un TIS n'ait jamais été évalué en QER au cours de son incarcération. Un cas similaire a également été évoqué durant la même CPU : celui de M. Aroua, qui n'avait pas non plus été évalué en QER. Dans mon précédent poste à la direction interrégionale, j'avais été informée par la direction de l'administration pénitentiaire (DAP), que quasiment tous les TIS avaient été évalués en QER et qu'il s'agissait désormais, dès l'été 2021, de faire de même avec les radicalisés. J'ai donc adressé à la MILRV, le lendemain de la CPU, le mail suivant : « Hier, nous avons vu en CPU deux situations de TIS sur la maison centrale d'Arles qui ne sont jamais passés en QER (ce qui m'étonne : j'avais cru comprendre que tous les TIS incarcérés avaient été évalués à un moment donné en QER). M. Aroua Hussen, TIS DPS, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, et M. Elong Abé Franck, TIS libérable le 13 décembre 2023. » Je posais alors la question : « Est-ce que ces deux situations sont connues de l'administration centrale ? Sinon, l'établissement peut-il transmettre la synthèse CPU pour que ces situations soient examinées en CCS, ou faut-il impérativement la synthèse d'évaluation (sachant que, normalement, pour les TIS, l'affectation en QER est systématique) ? »
Mon raisonnement était que, l'affectation des TIS en QER étant systématique, on n'avait peut-être pas forcément besoin d'un rapport pluridisciplinaire d'évaluation et que le compte rendu de la CPU pouvait suffire comme saisine officielle de l'administration centrale pour enrôler ce détenu en CCS.
La MILRV m'a ensuite confirmé oralement qu'elle avait saisi la DAP à ce sujet, mais nous n'avons pas eu de retour formalisé de la direction, sauf en ce qui concerne M. Aroua, pour lequel nous avons ensuite reçu une demande de la direction interrégionale indiquant qu'il était inscrit à la prochaine CCS, dont je n'ai plus la date en mémoire.