Madame la présidente, monsieur le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chers collègues, nous nous retrouvons pour évoquer la question essentielle qu'est la démographie de notre pays, la baisse constatée depuis dix ans, ses conséquences et les politiques publiques à mettre en œuvre pour y remédier. Ce sujet revêt une importance particulière d'un point de vue économique et social, à l'échelle nationale et internationale. Le groupe Démocrate est heureux d'être à l'initiative de ce débat, ô combien important.
La démographie est au commencement et à la fin de toute politique. Dans son rapport intitulé « Démographie : la clé pour préserver notre modèle social », le haut-commissaire au plan, François Bayrou, estime que la démographie est « la finalité de l'action politique et l'un de ses plus puissants déterminants ». Ce débat est d'autant plus indispensable du fait du recul de la natalité et du vieillissement de la population, alors que viennent de se dérouler trois semaines de discussions mouvementées de la réforme des retraites, réforme nécessaire à la préservation de notre modèle social, lui-même construit sur des considérations démographiques.
L'histoire de France est étroitement liée à sa démographie. Du Grand Siècle de Louis XIV jusqu'au XIX
Ces deux dernières décennies, notre pays a connu une réelle dynamique démographique. Mais que constatons-nous aujourd'hui ? Une baisse de la natalité. Alors que notre taux de fécondité était seulement de 1,66 enfant par femme en 1996, il a atteint 2,02 en 2010. Malheureusement, il a diminué durant la décennie suivante, pour tomber à 1,83 en 2020. Parallèlement, du fait du papy-boom, la population française vieillit : l'âge médian est de 42 ans, et les projections tablent sur 46 ans en 2050. L'âge médian de la population mondiale est quant à lui de 31 ans, et varie, de 15 ans au Niger à 48 ans au Japon.
Le renouvellement annuel démographique a donc été divisé par deux en vingt ans, passant de 0,56 % à 0,28 %. Pourquoi est-ce grave ? Parce qu'en l'absence de réaction politique d'ampleur, notre modèle social dans son ensemble est en péril. En effet, la France s'illustre par la singularité de son pacte social et par un principe de redistribution des ressources – tous pour chacun. Ce système de redistribution par répartition permet de financer tous nos services publics : éducation, santé, solidarités, assurances. Grâce à ce pacte social, les Français n'ont pas besoin de se constituer une épargne obligatoire pour financer l'éducation de leurs enfants, de probables maladies, leur retraite, puis leurs vieux jours. Le non-renouvellement des générations va entraîner un effondrement de ce pacte social.
Il est donc impératif de comprendre l'origine de cette baisse des naissances et de pallier ses conséquences. Au fil des générations, les mœurs ont évolué et certains pourraient estimer que le désir d'enfant a fortement diminué. Ce n'est pourtant pas le cas : si le taux de fécondité diminue, le désir d'enfant persiste. Selon une étude réalisée récente réalisée par l'Union nationale des associations familiales (Unaf) en 2020, le désir d'enfant est inchangé depuis 2011 et s'établit en moyenne à 2,39 enfants par famille. Avec un indicateur conjoncturel de fécondité à environ 1,8, ce désir n'est donc pas satisfait.
Plusieurs facteurs expliquent un tel écart et la diminution du taux de fécondité. Ainsi, le climat pessimiste, lié aux crises – économiques, sanitaires, environnementales – qui se sont succédé peut peser sur le désir d'avoir des enfants. En outre, l'évolution de la société et une articulation plus contraignante entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale amènent à concevoir les enfants à un âge plus avancé, ce qui a des conséquences sur la fertilité. Enfin, les politiques familiales et fiscales ont parfois été désincitatives.
Face à ces constats, nous devons renouer de toute urgence avec une ambition démographique. La politique familiale doit permettre à toutes les Françaises et à tous les Français d'avoir le nombre d'enfants qu'ils désirent.
Il faut une politique sociale forte qui passe par la prise en charge et l'accompagnement de la petite enfance – l'accueil du jeune enfant est sans doute le plus puissant levier des politiques familiales. Cette politique sociale passe aussi par un meilleur accès à des logements pour les familles – souvent, un enfant implique un changement d'appartement –, et par un soutien aux mères de famille afin que leur carrière ne soit pas affectée.
Il faut aussi une politique fiscale incitative est également indispensable, nous y reviendrons.
Il convient par ailleurs de mener une politique d'immigration ciblée vers les métiers en tension. Tout en maintenant une cohésion nationale, l'apport des migrations nous permet d'améliorer le rapport entre actifs et retraités, et donc, in fine, notre capacité à financer nos systèmes sociaux de solidarité nationale.
Nous pouvons également agir par le biais sanitaire. En effet, depuis quelques années, on constate une augmentation des difficultés à concevoir des enfants – parmi nos proches, nous connaissons tous des personnes qui souhaitent avoir des enfants, et n'en ont pas – et une hausse inexpliquée de la mortalité infantile. L'âge moyen de la maternité est de 31 ans, contre 29 ans il y a vingt ans. L'avancée en âge provoque une diminution de la fertilité, tant chez les hommes que chez les femmes – c'est même le premier facteur de sa diminution. Les autres causes sont multiples et relèvent de facteurs économiques, sociaux ou environnementaux. Ainsi, obésité et tabac ont un rôle central, tout comme les pollutions environnementales et chimiques.
Ces facteurs ont également un impact sur la mortalité infantile. Entre 2012 et 2019, celle-ci a augmenté de près de 7 %. La France est particulièrement en retard, contrairement à de nombreux autres pays européens. Ainsi, le taux de mortalité infantile de la Suède et la Finlande est en constante diminution depuis la seconde guerre mondiale, tandis que la France peine à stabiliser le sien.
Lors des débats sur la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, nous avions tous adopté un amendement transpartisan visant à accroître la recherche et les actions de prévention, en créant un groupe de travail sur l'infertilité. Il s'agissait d'une approche interministérielle afin, entre autres, de piloter et de coordonner les actions de prévention de l'infertilité, de prendre en charge les patients et de développer la recherche dans le domaine de la reproduction humaine et de l'infertilité.
Nous souhaitions également développer des diplômes universitaires centrés sur la prévention de l'infertilité, et mettre en place des consultations dédiées à la fertilité, réalisées par des professionnels de santé.
La recherche a un rôle fondamental, un grand nombre de pathologies répandues étant encore mal connues. Ainsi, les mécanismes par lesquels les perturbateurs endocriniens, présents dans l'environnement quotidien – alimentation, air intérieur et extérieur – altèrent la fertilité et leur degré de toxicité sont souvent ignorés, faute de recherches ciblées.
Si nous souhaitons préserver notre système social, nous devons nécessairement agir dans deux directions : une politique nataliste ambitieuse et une politique de santé publique visant à lutter contre l'infertilité et la mortalité infantile.
La démographie est le miroir de la vitalité d'un pays, de son attractivité, de l'optimisme de sa population, de la qualité de son système de santé publique. Notre pacte social exige que nous soyons ambitieux. Ce débat s'impose, tant la question de la démographie est au cœur de toute action politique.