Je souhaite remercier le groupe LIOT d'avoir proposé ce débat. Au groupe Écologiste – NUPES, nous partageons l'idéal d'une politique culturelle populaire décentralisée qui irriguerait tous les territoires et tous les publics. Cependant, en tant qu'élue de banlieue parisienne, je ne peux souscrire totalement à l'intitulé du débat. Car Paris n'est pas Saint-Denis et Versailles n'est pas Villejuif, la ville où je réside et où je suis élue. On parle trop souvent des départements franciliens, ou de la banlieue parisienne, comme des périphéries de Paris. Ce regard centralisateur invisibilise les villes de banlieue, tout particulièrement les quartiers populaires, aussi bien que les régions.
Envisager l'Île-de-France comme un bloc homogène me semble une erreur. Dès lors, il me paraît surprenant d'aborder la question de la fracture culturelle française sans poser la question du développement de la culture dans les quartiers populaires, dans les campagnes, dans les villages. Car les freins qui empêchent les jeunes de fréquenter les grandes institutions culturelles existent, même quand ces dernières sont à portée de RER ou de métro. Le pass culture, trop tourné vers la consommation, ne permet pas de lever ces freins. Ne faudrait-il pas ventiler les moyens, non seulement par territoire, mais aussi par catégorie socioprofessionnelle des groupes touchés ? Les relégués de la République, qu'ils vivent dans les zones rurales ou en ville, ont beaucoup de points communs.
Il n'y a pas que la concentration géographique qui fasse obstacle à la démocratisation culturelle. Une politique culturelle populaire, c'est une politique qui ne va pas que dans un sens. Oui au rayonnement des Cultures – avec une majuscule ! Il faut agir pour que les grandes œuvres, les classiques mais aussi les travaux les plus novateurs, les plus pointus, d'inspirations les plus diverses, ne soient pas réservés à une élite, qu'ils soient accessibles au plus grand nombre, qu'ils puissent aussi être fabriqués par le plus grand nombre, par des citoyens de tous les territoires mais aussi de toutes les origines sociales.
Tout ce qui anime la vie quotidienne culturelle des Françaises et des Français doit être précieusement consolidé au niveau local. Car la culture est partout, elle est ce que créent les gens : les manifestations, les fêtes de village, le patrimoine, les festivals et concerts, les librairies, les théâtres de quartier, les tiers-lieux associatifs, les commémorations, internet et les émissions de télévision ou de radio locales. Pour qu'à la relégation sociale et économique ne s'ajoute pas la relégation culturelle, la création doit naître dans les territoires. L'État doit être davantage aux côtés de ceux-ci car le rôle des politiques culturelles est aussi de valoriser ces initiatives qui partent des gens, qui font vivre des cultures au pluriel.
En Île-de-France, du point de vue des politiques culturelles, la logique de construction de la métropole du Grand Paris est plutôt celle d'un rayonnement de Paris vers sa périphérie plutôt que d'une irrigation mutuelle.
Il faut que l'État se donne les moyens de ce foisonnement culturel dans tous les territoires. La fragilisation des collectivités territoriales n'aide pas les politiques culturelles, dont on sait qu'elles sont très majoritairement financées par ces collectivités. Les crédits consacrés à la culture sont les premiers à être coupés, je le regrette tout particulièrement, et c'est à l'État qu'il conviendrait d'intervenir. La culture dans les territoires, ce sont aussi les médias locaux qui la font vivre, en valorisant la vie culturelle locale. Les médias publics – France 3, France Bleu – doivent être soutenus, non optimisés à marche forcée, au mépris des conditions de travail et des compétences présentes en leur sein. Le financement de l'audiovisuel public doit être conforté, mais nous en parlerons encore et encore, madame la ministre.
La déclinaison locale du Conseil national des territoires pour la culture (CTC), créé par Roselyne Bachelot – on peut aussi citer une femme, ministre de la culture, on ne va pas se limiter à énumérer les grands hommes ! –, représente un outil intéressant pour favoriser le dialogue et la coordination des initiatives culturelles entre l'État et les territoires. Si le niveau régional auquel il demeure fixé peut l'empêcher de dialoguer finement avec les territoires, donnons-lui, à tout le moins, plus de moyens pour inventer, sur le terrain, les politiques culturelles de demain, au plus près des gens.
En tant qu'écologistes, nous affirmons que les politiques culturelles doivent être partout, au bénéfice du plus grand nombre. C'est la meilleure porte de sortie qu'on puisse trouver à cette société de consommation qui gave les uns de l'artificiel et prive les autres, la majorité, de l'essentiel. Pour cela, défendons l'ambition d'une République écologiste et culturelle !