La culture représente aujourd'hui 105,5 milliards d'euros, soit 3,2 % de la richesse nationale, et 670 000 emplois. Ce secteur est de fait une véritable économie dans laquelle il est nécessaire d'investir. Je me réjouis donc de la hausse de 271 millions d'euros du budget du ministère de la culture pour 2023. La culture est un vaste ensemble regroupant différents domaines comme l'édition, le cinéma et les arts du spectacle vivant. Le patrimoine est également un pan essentiel du secteur, qu'il convient de protéger et de valoriser. L'approche territoriale revêt ici une importance particulière. Les territoires sont en effet, plus que jamais, un enjeu de politique publique, les équilibres territoriaux ayant été redessinés à la faveur de l'acte III de la décentralisation au cours de la dernière décennie. Le glissement de focale du territoire national aux territoires est le signe d'une volonté de saisir les dynamiques spatiales afin de mieux articuler les enjeux locaux aux politiques publiques nationales. Je me réjouis ainsi de l'ouverture de musées nationaux en régions, avec le Louvre-Lens et le centre Pompidou-Metz, des projets cofinancés par l'État et les collectivités. Il faut continuer d'encourager, à l'avenir, cette logique consistant à faire sortir la culture de Paris et à favoriser une politique du « aller vers ».
La répartition par zone d'emploi confirme que les professions culturelles se concentrent d'abord dans les grandes métropoles régionales, territoires centraux pour les activités culturelles. Les 211 000 professionnels de la culture que compte Paris représentent 6 % de l'ensemble de ses actifs. À Lyon, Montpellier et Strasbourg, cette proportion s'établit à 3 %, et les zones d'emploi des autres grandes métropoles régionales comme Bordeaux, Lille, Marseille, Nantes, Nice, Rennes ou Toulouse comptent toutes plus de 2 % de professionnels de la culture. S'agissant de la répartition territoriale des établissements culturels employeurs, rapportée à celle de la population, on constate une prépondérance de l'Île-de-France : la région compte vingt-cinq entreprises de ce secteur pour 10 000 habitants ; c'est onze points de plus que Provence-Alpes-Côte d'Azur et la Corse, les deux régions les mieux dotées après elle selon ce critère. En comparaison, les Hauts-de-France ne sont dotés que de sept établissements pour 10 000 habitants. En raison de cette concentration des équipements nationaux et des grands opérateurs culturels dans la région capitale, la dépense culturelle du ministère dédié, rapportée au nombre d'habitants, est particulièrement élevée en Île-de-France, à 202 euros par habitant, soit dix fois plus que dans les autres régions.
En parallèle, nous observons que la dépense par habitant des collectivités est de nature à compenser, en partie, le plus faible niveau de dépense du ministère de la culture. C'est le cas pour la région Pays de la Loire par rapport aux régions Centre-Val de Loire et Nouvelle-Aquitaine, qui bénéficient d'un niveau de dépense du ministère plus élevé. Le constat de compensation observé en Pays de la Loire peut s'appliquer également à la région Normandie. À l'inverse, l'Île-de-France et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur cumulent des niveaux élevés de dépenses des collectivités territoriales et du ministère de la culture.
Cependant, ces inégalités territoriales sont en quelque sorte compensées par des particularités régionales. En effet, le poids des entreprises employeuses dans le domaine de l'architecture, par exemple, est relativement plus important en Corse et en Bretagne, où elles représentent respectivement 18 % et 17 % de l'ensemble des établissements culturels, contre 12 % en moyenne nationale. Les entreprises d'arts visuels ont un poids légèrement plus élevé en Provence Alpes-Côte d'Azur – à 11 %, contre 9 % en moyenne nationale. Quant aux entreprises du livre et de la presse, elles ont une importance relativement plus élevée en Guadeloupe et en Corse. En Bourgogne-Franche-Comté, dans le Centre-Val de Loire et en Occitanie, les entreprises marchandes et non marchandes du spectacle vivant représentent plus du tiers de l'ensemble des entreprises culturelles employeuses.
Si Paris rassemble donc effectivement une part importante des dépenses, cette concentration budgétaire ne doit pas se penser comme une fatalité mais comme un moteur face à la concurrence des grandes capitales européennes et mondiales ; elle fait jouer à l'Île-de-France le rôle de locomotive pour l'ensemble de notre territoire. Cet emboîtement est somme toute logique face à la structuration d'une économie culturelle vivante, alors que les territoires savent faire vivre la culture dans toutes ces ramifications. L'exemple de la politique proactive de mon département du Loir-et-Cher en faveur de la lecture publique, avec un réseau de 129 bibliothèques, en est une parfaite illustration.
Se pose ici également la question de la mise en concurrence des territoires induite par ce déséquilibre budgétaire. La vie culturelle de nos territoires relève d'une richesse unique, vivante et équivalente – quoique hétérogène – en matière de création, d'animation et de valorisation. Suffit-elle véritablement à pallier les inégalités territoriales financières ? Le croisement entre économie culturelle et tourisme constituera l'une des réponses essentielles à cette question ; il permettra ne pas laisser penser que les investissements plus conséquents du ministère en Île-de-France sont une simple fatalité.