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Intervention de Violette Spillebout

Séance en hémicycle du lundi 27 février 2023 à 21h45
Hyperconcentration des dépenses du ministère de la culture en Île-de-france : une fatalité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaViolette Spillebout :

Lors du débat sur les crédits dédiés à la culture pour 2023, en augmentation de 7 %, nous avons souligné ensemble le renforcement de projets de proximité importants un peu partout dans nos territoires. Je pense notamment à la création de 1 000 Micro-Folies, dont la moitié au sein de quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), mais également à la reconduction du plan Fanfare, qui a déjà permis de soutenir 514 projets, dont la moitié en zone rurale. Dans mon département du Nord, les artistes amateurs de la fanfare d'Avesnes-sur-Helpe ont ainsi été soutenus financièrement dans l'achat d'instruments de musique, mais aussi dans leurs déplacements et les activités d'éveil musical qu'ils assurent.

Ces exemples de réussite ne doivent cependant pas masquer une réalité historique : l'Île-de-France concentre 36 % des établissements culturels français, 54 % de ceux de plus de cinquante salariés et, selon l'Insee, quatre emplois culturels sur dix. En 2022, près de 60 % des crédits du ministère de la culture étaient dépensés en Île-de-France, l'ensemble des autres régions ne disposant que de 40 % du budget. En moyenne, la dépense culturelle par habitant entre la province et Paris varie selon un facteur allant de un à trois : même s'il doit aussi se lire au regard de la concentration des flux touristiques et de la fréquentation culturelle, cet écart reste bien trop important.

Plus récemment, dans une note de décembre 2021, la Cour des comptes revenait sur la situation actuelle du paysage culturel français et plaidait en faveur du réexamen des objectifs de la politique culturelle de l'État. Elle pointait le poids grandissant du financement des grandes institutions nationales, concentrées en Île-de-France, parallèlement au délaissement du patrimoine communal et rural, pourtant plus fragile. Face à l'extension de la sphère marchande, aux transformations provoquées par la révolution numérique et aux mutations des modes de consommation culturelle, ce rapport sévère nous impose de concevoir collectivement une politique nationale répondant davantage encore aux enjeux de l'époque et assurant une meilleure répartition des moyens sur le territoire.

Les crises successives que nous vivons en matière sanitaire, énergétique, économique, ou encore de fréquentation culturelle, couplées à la raréfaction des ressources publiques dédiées à la culture, doivent nous conduire à nous interroger en profondeur. L'inégalité territoriale – la fracture, presque – s'intensifie. Elle nous inquiète et nous préoccupe, car notre pays a plus que jamais besoin d'une culture partagée. Dès lors, la question de la décentralisation culturelle, qui reste entière, doit devenir une véritable priorité démocratique, écologique et citoyenne : pensons la dépense culturelle avec la préoccupation permanente de sa durabilité et de son accessibilité pour tous.

Cela peut passer par de nombreux leviers : limiter drastiquement la construction de nouveaux équipements voulus par des élus locaux qui se font concurrence, et leur privilégier la rénovation ou l'évolution des lieux existants – patrimoine, établissements scolaires, centres sociaux, et lieux associatifs –, notamment en territoire rural ; exiger des grands établissements parisiens l'itinérance de leurs expositions et spectacles, en intégrant cette dimension dès la conception des projets culturels afin de permettre ensuite leur diffusion en province ; s'appuyer sur le tissu culturel existant dans les territoires en faisant confiance aux acteurs locaux et en exploitant leurs compétences et savoir-faire ; mettre l'accent sur les résidences d'artistes en dehors de Paris, adaptées au temps long et à la réalité des territoires ruraux et des quartiers prioritaires, ainsi que sur les actions permettant d'aller à la rencontre de la population, que ce soit dans les Ehpad, les collèges et lycées, les lieux d'hébergement, les médiathèques ou les gares ; renforcer la mobilité culturelle en intégrant les dépenses de transport dans le pass culture individuel et collectif, afin de réduire le sentiment d'isolement de la population des territoires ruraux et des quartiers prioritaires, qui s'empêche souvent d'adhérer à une offre culturelle, considérant que ce n'est pas pour elle.

Ce sont là autant de pistes que les députés Renaissance auront à cœur d'explorer, de concert avec le ministère de la culture, en vue d'un déploiement territorial des moyens de celui-ci et d'une gestion durable de ses financements. Je sais, madame la ministre, que vous partagez ce souci de renforcer les moyens alloués hors de l'Île-de-France : face aux surcoûts énergétiques, vous venez d'ailleurs d'octroyer, à travers tout le pays, un soutien financier exceptionnel aux structures culturelles labellisées dont les difficultés sont les plus grandes. Je me réjouis qu'au sein de ma circonscription, le théâtre du Nord et l'opéra de Lille, ainsi que Le Grand Mix à Tourcoing, en aient bénéficié – de même qu'Amiens, Calais ou Valenciennes dans le reste des Hauts-de-France ; en Alsace, La Filature à Mulhouse, le fonds régional d'art contemporain (Frac) de Sélestat, le TJP Centre dramatique national de Strasbourg Grand Est ; en Occitanie, l'association Opéra Orchestre national Montpellier ou encore Le Parvis à Tarbes. Poursuivons cette mutation en allant plus loin, en soutenant les structures modestes, les associations culturelles des petites villes et des campagnes, qui, même non conventionnées par les directions régionales des affaires culturelles (Drac), font vivre le lien social et les valeurs de notre pays !

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