Nombre de ses responsables nationaux étant déjà engagés par ailleurs dans le cadre du Salon international de l'agriculture qui a lieu en ce moment, je présenterai au nom de la Confédération paysanne les différents métiers de l'agriculture, qui impliquent différents types de pénibilité. En conclusion, je formulerai deux remarques en lien avec le thème du débat.
Ancien paysan dans les monts du Lyonnais, dans le département de la Loire, j'ai pu partir à la retraite à 60 ans, après quarante-trois années de travail. Fils d'éleveur, j'ai été producteur de champignons et de myrtilles, et secrétaire national de la Confédération paysanne. Je connais donc bien les différentes agricultures : certaines fermes sont toutes petites, d'autres très grandes ; certaines accueillent des animaux, ce qui induit des risques particuliers, et d'autres non. L'activité peut être robotisée, mécanisée ou manuelle, et se dérouler en extérieur ou en intérieur – porcherie, serre ou salle de production de champignons, par exemple.
Les différents métiers que peut exercer un agriculteur ont un point commun, le fait d'être multiples : en effet, si un agriculteur est avant tout un producteur, il doit aussi être comptable, et gestionnaire d'entreprise, voire de salariés, dans un contexte de présence accrue de l'informatique. La gestion des différentes facettes du métier est de plus en plus complexe, générant plusieurs types de pénibilité.
Le premier est d'ordre physique : il s'agit des troubles musculo-squelettiques (TMS).
Tout d'abord, la conduite d'engins provoque souvent d'importantes douleurs dans le dos, tout comme l'élevage industriel, qui peut, par exemple, impliquer de passer le nettoyeur à haute pression des journées entières dans une porcherie : comme vous pouvez l'imaginer, c'est assez pénible. Les bovins sont source de nombreux accidents ; les ovins doivent être attrapés, ce qui est redoutable pour le dos ; il en est de même du maraîchage, qui implique d'être constamment penché vers le sol. De plus, les gestes répétitifs induisent de nombreuses tendinites et des problèmes de canal carpien : en tant que producteur de champignons, j'ai connu plusieurs salariés ayant dû en être opérés. Enfin, les travaux forestiers sont sans doute les plus accidentogènes.
Une remarque particulière sur l'ergonomie du matériel qui, bien souvent, n'est pas adapté aux femmes : peut-être serait-il opportun de prévoir dans la loi une disposition imposant que les engins soient adaptés à tous. Sur ce sujet, il faut trouver des solutions.
Le second type de pénibilité regroupe les troubles psycho-sociaux (TPS), dus à de multiples facteurs.
Tout d'abord, on nous demande de produire toujours plus, ce qui implique d'investir, donc de s'endetter, toujours plus : aujourd'hui, le poids de la dette est très lourd pour les agriculteurs. Par ailleurs, les aléas climatiques sont de plus en plus fréquents, comme l'année écoulée l'a encore montré. Le manque d'eau génère aussi une énorme pression, y compris l'hiver : j'ai rencontré plusieurs producteurs de fruits très inquiets pour l'année à venir. L'incertitude concernant les revenus engendre également du stress : un tiers des paysans touchent un revenu inférieur à 300 ou 400 euros – si tant est que l'on puisse encore parler de revenu à ce niveau.
En outre, les paysans sont soumis à la pression sociétale en raison de leur utilisation des pesticides. Certains se demandent d'ailleurs s'ils peuvent les rendre malades et s'ils doivent continuer à les utiliser. Parfois, on nous demande de réaliser les traitements la nuit : est-ce acceptable pour le rythme de vie des agriculteurs, dont les journées de travail sont déjà très longues ?
La complexité administrative est également un facteur de pénibilité, en particulier en raison d'une dématérialisation croissante : 50 % des paysans ne s'en sortent plus, même des jeunes ayant un brevet de technicien supérieur (BTS) ou un diplôme d'ingénieur – j'en ai rencontré plusieurs en préparant mon intervention dans ce débat –, qui admettent ne plus s'en sortir et devoir batailler face à la dématérialisation et à la complexité administrative !
Par ailleurs, la difficulté grandissante à recruter des saisonniers pour les métiers qui le nécessitent se traduit par d'importants soucis de gestion.
Certains prônent la robotisation et l'automatisation : pourquoi pas, mais cela implique une surveillance continue – c'est le cas pour l'irrigation, pour citer un exemple que je connais bien – et ne diminue donc pas le stress des agriculteurs, encore aggravé par la peur de tomber malade.
Tous les facteurs que j'ai cités engendrent donc stress et fatigue, et peuvent mener à la dépression : le milieu agricole détient le triste record du nombre de suicides, preuve de l'extrême gravité de la situation.
Face à ces constats, que faire ?
Tout d'abord, il est indispensable de faciliter la reconnaissance des TMS et TPS comme maladies professionnelles. Aujourd'hui, la médecine du travail, assurée par la Mutualité sociale agricole (MSA), s'y refuse : obtenir cette reconnaissance relève donc d'un véritable parcours du combattant.
Ensuite, il serait très complexe d'appliquer le compte pénibilité aux agriculteurs, puisque les problèmes rencontrés par les céréaliers ne sont pas ceux d'un éleveur ou d'un maraîcher, par exemple. En revanche, un travail de fond pourrait être mené pour définir des critères de pénibilité en fonction de chaque Otex (orientation technico-économique des exploitations), c'est-à-dire par type de production, ce qui permettrait la validation de trimestres pour la retraite.