Monsieur le ministre délégué, dans le courant de l'après-midi, vous avez répété à plusieurs reprises que le partage de la valeur ajoutée entre le capital et le travail était stable dans notre pays depuis les années 1990, ce qui est exact. Que s'est-il donc passé dans les années 1980 ? Une chute de dix points de la part du travail au profit du capital – différentiel qui représente des centaines de milliards d'euros. Cela signifie donc que, si le partage capital-travail est stable, il l'est à son point le plus bas pour le travail et à son point le plus élevé pour le capital. D'ailleurs, en 2021, l'Insee écrivait que le montant des dividendes avait atteint son niveau le plus haut depuis la création de l'indice en 1949. Ainsi, soit nous estimons que ce partage, stable depuis vingt ans, est juste, soit nous estimons qu'il est injuste.
Cette question, c'est le cœur du sujet : c'est à la fois le point central et le point aveugle du débat économique. Pourquoi ? Parce que 1 point de PIB représente en vérité des sommes immenses : en l'occurrence 25 milliards d'euros. Si nous récupérions ne serait-ce que la moitié de ce qui a été perdu depuis les années 1980, la somme s'élèverait à 125 milliards d'euros. Avec un tel montant, les retraites seraient plus que financées !
Cette donnée explique tout : aussi bien la modération salariale que le sous-emploi, ou encore la vampirisation de la plus-value par les multinationales au détriment des sous-traitants, des sous-sous-traitants et des sous-sous-sous-traitants. Nous parlons d'une économie à deux vitesses, qui crée désormais un salariat, lui aussi à deux vitesses, avec une distinction entre les employés des firmes et ceux des sous-traitants et des sous-sous-traitants.
Et face à cela, que faites-vous ? Vous restez les bras croisés ; vous laissez faire. Or que devrait être le rôle du politique ? À quoi devrait-il servir ? À rééquilibrer les plateaux de la balance en faveur du travail et au détriment du capital. Mais, comme est venu vous le dire un syndicaliste de la CFE-CGC, vous servez les financiers.