Vous avez à trois reprises touché juste, mais vous répondre de manière exhaustive nous conduirait à de longues discussions. Sur le premier point, il faut revenir sur la chronologie. Nous avons rendu un tel avis à ce moment-là car à l'été 2019, l'intéressé aurait constitué un véritable danger pour une session QER. Il s'agit de la seule décision que nous ayons prise à ce sujet. Nous étions assez loin de sa sortie théorique, prévue en novembre 2022. Au vu des multiples incidents qu'il avait commis et des CRP qui lui avaient été retirés, sa sortie était planifiée fin 2023. Nous avions donc encore largement le temps pour un éventuel passage en QER en 2020 ou 2021, et si sa situation s'était stabilisée, nous n'aurions jamais rendu un quelconque avis négatif.
Par ailleurs, que faire avec des individus pour lesquels les évaluations en QER sont particulièrement délicates, qui présentent une dangerosité et qui, dans un temps relativement contraint, vont être remis en liberté ? C'est toute la question du suivi de ces individus une fois remis en liberté. Une proposition de loi avait été adoptée, puis retoquée par le Conseil constitutionnel. Nous l'avions accueillie très favorablement car elle permettait d'effectuer un suivi beaucoup plus cadrant pour les intéressés. Un nouveau texte, extrêmement complexe quant à sa mise en œuvre, vise à permettre d'organiser le suivi des individus condamnés et considérés comme étant encore dangereux. Ce texte est balbutiant, ses décrets d'application ne sont entrés en vigueur que depuis quelques mois, et il n'a pour l'instant été mis en œuvre que dans un ou deux cas, avec une extrême difficulté. Nous disposons effectivement d'outils qui, pour les sortants de détention, sont encore extrêmement limités, notamment en ce qui concerne les terroristes djihadistes. La situation est très délicate, je ne vous le cache pas.
Je voudrais revenir sur des termes employés à plusieurs reprises. La situation est un peu plus compliquée que le laissent penser les références aux termes « haut de spectre » et « bas de spectre ». Une personne peut être impliquée à un niveau très élevé dans le terrorisme et être très « bas de gamme » par ailleurs, des individus peuvent être extrêmement impliqués et passer totalement sous les radars en détention. Les QER visent à détecter la réalité qui se cache derrière les individus qui paraissent les plus calmes, ce qui n'était pas le cas de M. Elong Abé. Dans le cadre du premier acte criminel extrêmement violent commis par un djihadiste en détention, l'individu avait su parfaitement utiliser la dissimulation. Il avait même réussi à obtenir en première instance une peine relativement clémente en jouant parfaitement le repenti. Une fois placé en détention, pendant plusieurs mois, il avait préparé son action violente. A contrario, nous savons ce que M. Elong Abé a fait avant d'être arrêté et à quel point ses perturbations psychologiques voire psychiatriques ont entraîné un comportement violent en détention. Sur le plan judiciaire, pour ce qui le concerne, la question première n'est pas tellement celle de l'orientation. L'intervention fondamentale du PNAT a trait à la préparation de la sortie de détention. Or les outils dont nous disposons sont limités. Il faut trouver le juste équilibre. Pour l'instant, un seul cas de récidive – relativement limitée – a été enregistré.