Nous avons visionné l'enregistrement de la scène horrible où M. Elong Abé procède à l'agression de son codétenu. L'observation fine des images montre que les quelques fois où il manifeste une attention inquiète, c'est lorsqu'à deux reprises, il se tourne vers la porte de la salle pour vérifier que personne n'entre. En revanche, il n'est manifestement pas inquiet du fait qu'une caméra enregistre ses agissements. C'est notre interprétation qui m'a amené à déduire qu'il avait compris que l'organisation de la vidéo le protégeait. Nous ignorons si les autres détenus en étaient également conscients. Nous sommes deux des trois membres de notre mission à avoir travaillé avec des détenus. Nous savons que les personnes qui purgent de longues peines observent le fonctionnement et l'agencement de la vidéosurveillance.
Concernant le suivi de la demande d'orientation, nous savons que la cheffe d'établissement n'a pas transmis l'avis unanime de la CPU qu'elle présidait. La chargée de mission de lutte contre la radicalisation violente ne s'est pas montrée inefficace ou inactive : elle s'est saisie de la question, en se mettant en relation avec son interlocuteur de l'administration centrale. Cependant, ces démarches n'ont eu aucun effet jusqu'au mois de janvier, lorsque l'officier du bureau de gestion de la détention a transmis le rapport. Une collaboratrice de la directrice interrégionale avait déjà fait part de premières inquiétudes en 2020. Plusieurs de nos interlocuteurs ont mentionné la période compliquée du covid-19, qui a peut-être été marquée par une moindre vigilance.