Je vous remercie de m'avoir entendu et je me tiens bien entendu à votre disposition, que vous souhaitiez m'auditionner à nouveau ou faire usage de vos prérogatives en matière de déclassification – mais j'ai rappelé que le ministre de l'Intérieur a déjà engagé une procédure à ce sujet. Je tiens à nouveau à souligner l'extrême difficulté de nos métiers, celui du renseignement bien sûr mais aussi celui d'une administration pénitentiaire tenue à la fois de protéger la détention par l'isolement, solution de court terme, et de préparer la sortie de profils comme celui de Franck Elong Abé.
Vous êtes évidemment dans votre rôle avec cette commission d'enquête et, depuis les années 2014-2015, des améliorations ont résulté de commissions d'enquête parlementaires et d'inspections des services : une inspection a suivi l'affaire de Saint-Étienne-du-Rouvray, une autre l'affaire Harpon. Nous progressons aussi, malheureusement, en raison des drames, et si notre système judiciaire et administratif est désormais, je pense, l'un des plus performants au monde en ce domaine, c'est aussi, regrettablement, parce que notre territoire a été très fortement exposé au risque terroriste.
Un dernier mot cependant. Je comprends et je respecte vos interrogations, mais je tiens à conclure cette audition en répétant ce que j'ai dit en quelques mots tout à l'heure. Quand on établit la chronologie d'un attentat terroriste, on relève bien souvent une succession de décisions, d'absences de décisions, de signaux faibles qui ne sont pas vus et qui, le drame survenu, sont analysés comme autant de défaillances. L'IGJ a pointé certaines de ces décisions, votre commission d'enquête le fera peut-être. Mais si vous considérez cliniquement le déroulé des faits dans quelques actions terroristes récentes, vous observez malheureusement qu'en de multiples occasions on peut se dire, a posteriori, « Si les tweets de M. X avaient été détectés… », « Si M. Y avait pu être intercepté à Athènes… », etc. Malheureusement, c'est cela l'histoire des attentats terroristes, et à chaque fois, logiquement, s'exprime le besoin de comprendre si des signaux faibles n'ont pas été vus ou s'il y a eu défaillance. Pour autant, vouloir comprendre ne doit pas conduire à des interprétations excessivement simplistes selon lesquelles il y a une telle succession d'éléments qui conduit à un événement que celui-ci n'a été rendu possible que par un plan concerté ou une main invisible. Ce serait, je suis certain que vous en avez conscience, une accusation d'une gravité extrême – et le terme me semble même trop faible – à l'égard de je ne sais qui d'ailleurs, si tant est que cela puisse être à l'égard de l'État et, potentiellement, des services que je représente.