Grâce à vous, nous avons pour la première fois une réponse sans nuance : oui, M. Elong Abé figure parmi ceux et celles qui représentaient une véritable menace pour la collectivité. Jusqu'à présent, il nous a parfois été présenté comme un fondamentaliste radicalisé, mais j'ai aussi eu le sentiment que pour certains de nos interlocuteurs, son profil ne cassait pas trois pattes à un canard pour ainsi dire. Sachant vos responsabilités au service du pays, que vous le caractérisiez comme représentant une menace du haut du spectre permet aux travaux de notre commission de passer un cap déterminant. Reste posée la question du lien entre la DGSI et le SNRP ou plus exactement du cloisonnement éventuel entre les deux services – même si un certain cloisonnement est nécessaire entre services de renseignement.
Nous avons cherché à savoir si M. Elong Abé avait des liens avec l'extérieur ; on a uniquement mentionné devant nous sa mère, sa sœur et un membre de la Croix-Rouge. Pouvez-vous nous dire s'il aurait pu être, depuis l'extérieur, chargé d'une mission concernant Yvan Colonna ou un autre détenu pour commettre une action terroriste au sein de la maison centrale d'Arles ?
Franck Elong Abé a eu un parcours carcéral chaotique et l'on a mesuré, à Condé-sur-Sarthe en particulier, l'ampleur de ses failles psychologiques et psychiatriques – des caractéristiques pathologiques malheureusement très fréquentes en détention, nous a-t-il été dit plusieurs fois. À votre connaissance, a-t-il émis le souhait d'intégrer spécifiquement la maison centrale d'Arles et de se trouver ainsi en présence d'Yvan Colonna ? La question se pose parce que les prisonniers savent où sont détenus les uns et les autres et que chez moi, en Corse, au lendemain du 2 mars 2022, la population a eu le sentiment qu'il y avait trop de coïncidences dans le déroulement des faits. À tort, nous avez-vous dit. Mais la commission d'enquête a aussi été créée pour apporter des réponses aux questionnements agitant des gens qui n'ont jamais milité pour la cause nationaliste, ont toujours voté, se sont engagés dans la vie publique et démocratique dans le camp des républicains – au sens classique du terme – et qui s'interrogent : y avait-il quelque chose d'obscur derrière cela ?
Vous nous dites que Franck Elong Abé représente une menace du haut du spectre et qu'il est très dangereux. À Arles, il est l'auteur de quatre incidents, dont une menace à l'égard d'un membre du personnel pénitentiaire, ce qui est grave et devrait appeler une sanction en conséquence. Malgré cela, il est intégré peu de temps après au service d'entretien des infrastructures sportives, par un hasard que l'on ne considère pas toujours comme tel. Chacun sait en effet qu'Yvan Colonna est un grand sportif, qu'il est réglé comme du papier à musique et qu'il passe des heures à faire du sport, souvent seul.
Il a aussi été dit au sein de la maison centrale que Franck Elong Abé aurait provoqué un incident pour être démis de son poste au jardinage et qu'il aurait exercé des pressions sur des codétenus en vue d'obtenir son affectation en tant qu'auxiliaire. Alors, la direction de cette maison centrale a-t-elle mal évalué, c'est le moins que l'on puisse dire, le degré de dangerosité de cet homme, ou y a-t-il eu un défaut de transmission de ces renseignements ? Aviez-vous connaissance que M. Elong Abé a tout fait pour occuper ce poste spécifique ? Si oui, ces informations ont-elles été transmises à la direction de l'établissement ? Lorsque nous l'avons entendue, Mme Puglierini, pourtant professionnelle chevronnée, semblait ne pas parler du même Franck Elong Abé que vous.