Madame Bonnivard, vous dites que les Français ne peuvent avoir le même niveau de vie en travaillant moins. Les faits démentent vos propos car, depuis vingt ans, le nombre d'heures travaillées annuellement a augmenté, certes modestement de 1 605 heures à 1 609 – cette croissance s'explique en partie par le fait que la retraite est moins longue qu'il y a vingt ans. Cette hausse est à rebours de la tendance longue. En effet, l'histoire du mouvement ouvrier repose sur deux piliers : la dignité, l'émancipation et la réalisation par le travail, à savoir la fierté de gagner sa vie en travaillant ; l'augmentation du temps libéré par rapport au temps travaillé grâce à la fin du travail des enfants, le dimanche chômé, le samedi à l'anglaise, les congés payés et la retraite à 60 ans. Ce sens de l'histoire s'est inversé par imitation des États-Unis où le temps de travail croît. Deuxième élément erroné, l'espérance de vie en bonne santé n'augmente plus depuis vingt ans. Enfin, la dureté du travail ne diminue pas, elle augmente : la part des salariés subissant trois contraintes physiques et trois contraintes de temps de pénibilité mentale est passée respectivement de 12 % à 34 % et de 6 % à 35 %.
Quand on met tout cela bout à bout, le projet est bien une contre-réforme, qui va à l'encontre de ce qu'il faudrait faire pour améliorer la santé des Français.