De nombreux collègues prétendent que ma famille politique aurait insufflé une sorte de culture de la paresse. Ils devraient garder en mémoire certains faits. Lorsque le Front populaire a créé un sous-secrétariat d'État à l'organisation des loisirs, confié à Léo Lagrange, l'extrême droite en général et l'Action française en particulier ont mené une campagne de calomnies, sur fond de « ministre de la paresse ». En 1940, quand le maréchal Pétain a reçu les pleins pouvoirs, il a désigné responsables de la défaite la gauche et le gouvernement de Front populaire, qui avaient insufflé dans le pays un « esprit de jouissance ». J'aimerais que l'on arrête d'utiliser un tel vocabulaire, qui non seulement a servi aux pires moments de notre histoire, mais en plus n'est qu'un tissu de stupidités.
Enfin, en 1883, lorsque Paul Lafargue a publié Le Droit à la paresse, les ouvriers – y compris des enfants – travaillaient douze heures par jour et il n'y avait pas de droit à la retraite. Avec ce livre, pour la première fois, un penseur socialiste a commencé à concevoir une société où le travailleur n'existait pas seulement pour travailler. Je ne partage pas totalement la pensée de Paul Lafargue. Mais ce n'était pas n'importe qui : toutes les grandes figures de la gauche, à commencer par Jean Jaurès, étaient à son enterrement. Son livre n'était pas une ode à ne rien faire. Il s'agissait d'affirmer la dignité de l'être humain en considérant que celui-ci n'était pas sur terre pour souffrir. Arrêtons les sottises et discutons sérieusement !