Je voudrais tout d'abord revenir sur la question des rachats de trimestres, posée par plusieurs intervenants, dont Sylvain Maillard.
Le premier chantier concerne l'amélioration de l'information, qu'il est difficile d'avoir au bon moment. Par exemple, le rachat de trimestres de stage effectués pendant des études n'est possible que pendant les deux ans qui suivent le stage. Personne ne le sait. Pourtant, les conditions de rachat sont très avantageuses – de l'ordre de quelques centaines d'euros par trimestre. Nous sommes favorables à un travail d'amélioration de l'information avec le groupement d'intérêt public concerné, mais aussi à des avancées sur les modalités de rachat de ces trimestres. Les délais pourraient être étendus aux cinq ans qui suivent le stage ou courir jusqu'à l'âge de 30 ans. De la même manière, les paramètres du rachat de trimestres d'études pourraient être adaptés afin de s'assurer que ceux qui le souhaitent puissent le faire à un moment où cela reste relativement avantageux – plus le temps passe, plus c'est coûteux. Je souhaite que nos débats permettent d'avancer sur ces sujets.
M. Catteau a dit que 25 % des personnes qui appartiennent aux classes populaires décèdent avant 62 ans. C'est une fausse information qui tourne en boucle – elle a même été reprise par la maire de Paris sur un réseau social. Cette question est sans rapport avec le travail et la retraite. Le taux mortalité de 25 % avant 60 ans concerne les 5 % de la population les plus modestes, dont les revenus mensuels ont été inférieurs à 540 euros au cours de leur vie. C'est le signe d'une très grande précarité, pas d'une mortalité liée au travail. C'est tout aussi inadmissible mais le lien fait par certains avec la situation des classes populaires ne tient pas. Concentrons-nous sur la lutte contre la grande précarité, mais ne faisons pas de la mortalité des 5 % des Français les plus modestes un argument dans le débat sur les retraites !
J'ai répondu à Mme Keke, ainsi qu'à M. Aviragnet, au sujet du financement de la branche AT-MP.
Mme Berete a évoqué la question de l'égalité professionnelle. C'est un sujet sur lequel nous devons avancer, indépendamment de la réforme des retraites. L'index d'égalité professionnelle est plus efficace qu'on le dit. Année après année, la note moyenne des entreprises assujetties progresse, ce qui signifie qu'elles font des efforts pour réduire les inégalités entre femmes et hommes. C'est cette réduction des inégalités qui permettra de limiter celles des pensions, qui tiennent principalement aux différences de revenu pendant la vie et au fait que les femmes restent plus exposées aux carrières hachées. Un chantier structurel permettra de progresser vers l'égalité professionnelle. Nous prenons des mesures qui y contribuent.
Je ne suis pas d'accord avec M. Frappé, qui considère que cet index d'égalité ne sert à rien. En revanche, c'est vrai, le seul index des séniors serait insuffisant pour améliorer l'emploi de cette catégorie de la population. C'est la raison pour laquelle nous avons prévu d'autres dispositions concernant le cumul emploi-retraite, l'accès à la retraite progressive et son ouverture aux assurés de la fonction publique. Je pense aussi à des mesures hors de ce texte, en ce qui concerne la formation et l'articulation des règles qui encadrent l'indemnisation au titre de l'assurance chômage et l'accès à une retraite à taux plein.
M. Ruffin a évoqué un certain nombre de cas-types. Le report du départ à la retraite varie en fonction de l'âge des personnes et peut être inférieur à deux ans. Les quatre exemples donnés concernent des métiers qui ont vocation à ouvrir le bénéfice des dispositifs relatifs aux carrières longues ou à la pénibilité.
Ceci m'amène à la situation des aides-soignants et des infirmiers. J'ai dit tout à l'heure notre intention de créer un fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle, à hauteur de 1 milliard d'euros pour le régime général. Mon collègue Stanislas Guerini et moi avons annoncé ce matin un fonds de prévention pour la fonction publique hospitalière. Des discussions ont été ouvertes entre le Gouvernement et les employeurs territoriaux pour créer un fond analogue pour la fonction publique territoriale, dans le respect du principe de libre administration. Quand on parle d'infirmiers et d'aides-soignants, cela recouvre trois catégories de personnels dans la fonction publique hospitalière. Pour ce qui est des infirmiers, ils ont pu choisir en 2010 entre rester en catégorie B et continuer à bénéficier du statut de catégorie active avec un départ à la retraite anticipé de cinq ans, ou devenir catégorie A et perdre le bénéfice de ce départ anticipé. Tous les infirmiers recrutés après 2010 appartiennent à la catégorie A. Quant aux aides-soignants, ils bénéficient du départ anticipé de cinq ans. Dans le secteur privé, les aides-soignants et les infirmiers sont éligibles au compte professionnel de prévention. Nous prévoyons d'abaisser le seuil de définition du travail pénible de 120 à 100 nuits par an, ce qui leur octroiera davantage de points de C2P. Ces personnels seront aussi concernés par les mesures relatives aux postures pénibles et au port de charges – car les hôpitaux et les Ehpad ne sont pas tous équipés de lève-personnes sur rail. Enfin, dans la fonction publique territoriale, on trouve des infirmiers qui ont toujours été de catégorie A, puisqu'il n'y a pas de catégorie active, et des aides-soignants qui ne sont pas considérés comme catégorie active car ils relèvent de cette fonction publique. Tout cela justifie un fonds de prévention spécifique pour les métiers du soin. D'une part, il s'agit de métiers pénibles. D'autre part, la disparité des situations en fonction des cadres d'emploi et des statuts est tellement énorme qu'il faut mettre un terme à ces injustices.
Je sais que vous ne serez pas d'accord avec l'ensemble de la réforme, monsieur Ruffin. Nous pourrons en débattre dans l'enceinte parlementaire, que je préfère aux autres. Mais je suis certain que nous trouverons des points de convergence pour aider les personnels soignants.
Madame Le Nabour, vous avez évoqué la question des élus locaux qui ont cumulé leur mandat avec une profession d'agriculteur indépendant. Comme vous l'avez relevé, nous avons traité le flux. Pour ce qui est du stock, les mêmes règles doivent s'appliquer grâce à une lettre ministérielle du 25 mars 2022. J'en vérifierai la bonne application.
Mme Iborra a posé la question des femmes. Leur âge moyen effectif de départ à la retraite est actuellement plus bas que celui des hommes, du fait du bénéfice des majorations de durée d'affiliation – notamment les huit trimestres accordés au titre de la maternité et de l'éducation des enfants. Relever légèrement l'âge légal de départ diminue l'effet de cette majoration. Les études dont nous disposons montrent qu'à l'horizon 2030, l'âge effectif de départ à la retraite des femmes se sera rapproché de celui des hommes, en restant toutefois inférieur de deux mois.
Nous proposons d'autres dispositions pour atténuer cet effet. Il sera tenu compte de trimestres cotisés au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer pour reconstituer une carrière complète et bénéficier du minimum de pension. Cette assurance est accessible aux parents qui arrêtent de travailler ou qui travaillent à temps partiel, dès lors qu'ils bénéficient d'une prestation ou d'un minimum social relatif à la garde d'enfant. C'est une façon de protéger les femmes. Des trimestres acquis au titre de l'AVPF seront également pris en compte pour la retraite anticipée pour carrière longue ; c'est aussi une amélioration. Certaines femmes ont commencé à travailler avant 18 ans et demandent un départ anticipé lorsqu'elles arrivent à 60 ans, considérant qu'elles ont acquis les quarante-deux annuités nécessaires. Mais les trimestres cotisés au titre de l'AVPF ne sont pas pris en compte dans ce cadre-là. Parce qu'elles se sont arrêtées de travailler pour une raison évidente – s'occuper d'un nouveau-né – elles perdent le bénéfice du départ anticipé. Enfin, un certain nombre de mesures proposées ont des effets redistributifs plus favorables aux femmes qu'aux hommes, notamment en ce qui concerne le niveau de pension. Comme je l'ai dit précédemment à M. de Courson, l'écart moyen des pensions de retraite entre femmes et hommes tend à baisser. C'est tant mieux et tout ce qui accélère cette évolution, notamment grâce aux progrès de l'égalité professionnelle, est une bonne chose.
S'agissant des questions de M. Peytavie, je ne reviens pas sur les mesures en faveur de l'emploi des séniors. Je confirme que l'obligation de publicité de l'index séniors concernera les entreprises de plus de 300 salariés. Si elle n'est pas respectée, elle sera sanctionnée par une majoration des cotisations de l'entreprise pouvant aller jusqu'à 1 % de la masse salariale. Les échanges avec ceux des partenaires sociaux qui ont trouvé le principe de l'index intéressant ont permis de constater que l'on considérait – aussi bien du côté des organisations d'employeurs que syndicales – que l'obligation de négociation sur l'emploi des séniors paraissait être un levier d'action suffisant. Le temps montrera-t-il que tel est bien le cas ? Attendons avant d'envisager des mesures coercitives. Quoi qu'il en soit, cela ne marchera que si nous adoptons les mesures en faveur de l'emploi des séniors déjà évoquées. Je répète que les résultats en matière d'égalité professionnelle sont plutôt encourageants.
J'ai répondu à l'instant aux questions de Mme Dubré-Chirat sur le rachat de trimestres et la révision des droits familiaux. Certains proposent parfois d'augmenter le taux de CSG pour les retraités ou de mettre à contribution les retraités actuels. Ce n'est pas la volonté du Gouvernement dans cette période où il s'attache à protéger le pouvoir d'achat.
La question de M. Guedj sur la génération de 1972 dépasse le sujet des retraites et renvoie au rapport au travail. Le Gouvernement a organisé les assises du travail auxquelles ont participé bon nombre de partenaires sociaux, d'intellectuels et de personnalités qualifiées. Je souhaite que nous puissions repenser le rapport au travail et je distingue volontiers, dans mes propos comme dans ma manière de travailler, la question de l'emploi de celle du travail. Je connais nombre de gens attachés à leur emploi – qui garantit un moyen de subsistance – mais qui n'aiment pas leur travail. Cette différence est peut-être l'une des explications des inquiétudes que suscite la perspective de travailler un peu plus longtemps.
Les documents transmis à l'issue du Conseil des ministres montrent que le projet est bien documenté, notamment en ce qui concerne les trajectoires financières et le retour à l'équilibre à l'horizon de 2030. Je sais qu'ils ont été communiqués au HCFP après le Conseil des ministres et nous pourrons y revenir quand tout le monde en aura pris connaissance.
J'en termine par les questions de M. Monnet. D'abord, nous n'allons pas dépenser moins, mais plutôt dépenser plus. Nous financerons des mesures nouvelles parce que nous aurons des recettes supplémentaires. C'est pourquoi nous portons un tel intérêt au solde.
L'application du minimum de pension aux futurs retraités ne pose aucune difficulté. C'est une affaire de systèmes d'information, pour intégrer une augmentation de 100 euros du minimum contributif – 75 en majoré, 25 en base. En revanche, il peut y avoir des difficultés techniques pour les dossiers des retraités actuels. Dans certaines caisses, les dossiers déposés avant 2010 n'ont pas été numérisés. Il s'agit aussi de régimes très particuliers qui, jusqu'à une date récente, pouvaient parfois s'appuyer sur d'autres éléments que le revenu comme base de cotisation. Nous avons eu ce débat à l'occasion de l'examen de la proposition de loi sur les retraites agricoles, dont le rapporteur était M. Julien Dive. Afin de résoudre ces difficultés techniques, nous travaillons avec la Caisse nationale d'assurance vieillesse pour que les versements puissent intervenir dès 2023 – quitte à régulariser de manière rétroactive.
Quant aux documents que nous vous avons transmis, nous présentons un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale parce que les mesures proposées ont, pour l'immense majorité d'entre elles, un effet dès 2023 – soit sur les recettes, soit sur les dépenses de la sécurité sociale. Comme pour tous les projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, la procédure ne prévoit pas d'étude d'impact. Nous avons cependant rédigé un rapport sur les effets des mesures proposées. C'est ce document de 114 pages que vous avez reçu. Vous y trouverez une mine d'informations objectives et documentées. L'avis du HCFP vous sera aussi transmis par le secrétariat général du Gouvernement, ainsi que des fiches explicatives sur chaque article et chaque mesure. Cela permettra la discussion la plus éclairée possible. Même s'il ne s'agit pas d'une étude d'impact au sens strict, le rapport a été réalisé avec la même méthode. Il fournit le maximum de données chiffrées et il nourrira les débats.