Nous avons reçu à midi quarante votre projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, qui se décline en 84 pages. Un tel texte est toujours l'occasion d'examiner les moyens alloués à notre système de protection sociale. Or, ce dernier est en danger ; sa pérennité est menacée à plusieurs titres.
Notre système de santé est en tension. L'assurance maladie peine, dans le cadre des négociations conventionnelles, à valoriser le travail de nos soignants. La natalité a atteint son niveau le plus bas depuis la fin de la seconde guerre mondiale après plusieurs coups de rabot financier pratiqués au cours des dix dernières années. Ce déclin démographique est alarmant. Les déficits budgétaires s'accumulent et les prévisions sont inquiétantes pour les retraites, avec un déficit qui devrait atteindre 14 milliards d'euros en 2030. La nouvelle génération perd confiance en l'avenir de notre système et peut-être même en la nation. Les jeunes doutent de la transmission, ce qui constitue un défi majeur. L'inflation menace le pouvoir d'achat, préoccupation principale de nos concitoyens. Et nos compatriotes attendent davantage de justice sociale – que le travail soit plus valorisé que les allocations sociales, que les fraudes soient combattues.
Vous proposez de rectifier le budget de la sécurité sociale pour 2023 en le résumant à la seule branche vieillesse, ce qui est regrettable. Bien sûr, la population vieillit et le rapport entre le nombre de retraités et de cotisants évolue défavorablement. Il nous faut préserver le pouvoir d'achat des actifs et des retraités. C'est pourquoi il faut adopter les mesures les plus justes possibles pour éviter la baisse du niveau de vie des retraités d'aujourd'hui comme de demain sans altérer celui des actifs. Il faut veiller à ce que les cotisations n'augmentent pas et à ce que les pensions ne diminuent pas.
Mais notre système de répartition dépend avant tout du renouvellement des générations. Or rien, ou presque, hormis la prise en compte des congés parentaux pour les carrières longues, n'est prévu pour une politique familiale ambitieuse. L'équilibre durable passe pourtant par un réinvestissement dans la branche famille. Dans quelle mesure êtes-vous prêt à rétablir un véritable soutien aux familles des classes moyennes qui travaillent ? Vous semblez renvoyer à plus tard la mise en œuvre de l'universalité des droits familiaux et conjugaux alors qu'on ne dénombre pas moins de onze systèmes différents en matière de pensions de réversion et que les fonctionnaires n'ont pas les mêmes droits familiaux que les salariés du privé. Pour que la réforme soit équilibrée, il faut les mesures nécessaires sans attendre. Ces reports n'augurent rien de bon alors que cela fait des années que vous repoussez la présentation d'une loi sur le grand âge. L'attribution, à l'article 12, de nouveaux droits aux aidants constitue toutefois un pas dans la bonne direction.
Il faut veiller à l'acceptabilité sociale de la réforme. Or, votre projet affecte ceux qui devaient partir dès le 1er septembre prochain. Il serait judicieux que la réforme ne s'applique qu'à compter du 1er janvier 2024, ce qui offrirait de la lisibilité. Les systèmes d'information doivent être prêts afin de garantir la fiabilité du calcul des pensions, alors que l'on relève déjà un nombre important d'erreurs dans la liquidation, souvent au détriment de l'assuré. Il faut également être justes envers ceux qui ont commencé à travailler jeunes et leur permettre de partir tôt s'ils le souhaitent. Or, avec votre réforme, ceux qui ont commencé à travailler à 20 ans après 1971 et ont exercé leur activité sans interruption vont devoir cotiser quarante-quatre années, contre quarante-trois pour ceux qui ont commencé à 21 ans. Nous défendrons des amendements pour corriger cette injustice.
Nous vous avons demandé de relever les petites pensions perçues par les retraités qui ont travaillé toute leur vie et qui ont une carrière complète. En réponse, vous avez annoncé, à l'article 10, une revalorisation à hauteur de 85 % du Smic net. Toutefois, vous précisez, page 43, que, pour en bénéficier, il faudrait avoir cotisé à un revenu équivalent au Smic. Or, bon nombre de ces retraités n'ont pas toujours eu de tels revenus alors qu'ils n'ont souvent pas compté leurs heures – je pense notamment aux indépendants. Le compte n'y est donc pas. Il faut corriger cela sous peine de décevoir un grand nombre de gens.
Il faut valoriser le travail d'hier, d'aujourd'hui et de demain, en recherchant l'équilibre budgétaire et en veillant à ce que les efforts soient justes et pour tous. Nous souhaitons un renforcement de la lutte contre les fraudes, en particulier concernant les pensions versées à l'étranger : le texte ne comporte rien à ce sujet. Il faudra aussi s'assurer que les cotisations versées pour les retraités leur soient bien destinées. C'est pourquoi nous avons exigé l'annulation du transfert du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco, que la majorité avait refusée à l'automne dernier. C'est à l'article 3 que s'opère cette marche arrière. Nous nous félicitons également de la prise en compte des travaux d'utilité collective à l'article 11.
Nous croyons en la liberté, celle de pouvoir continuer à travailler et d'organiser sa fin de carrière de manière plus souple. Les mesures que vous prévoyez nous paraissent insuffisantes. Nous présenterons des amendements pour améliorer la retraite progressive et le cumul emploi retraite.
Je forme le vœu que nos travaux permettent de corriger et de compléter le texte afin d'assurer l'avenir de notre système de protection sociale, de le rendre plus juste, par la valorisation du travail, de garantir son équilibre et, surtout, de restaurer la confiance des nouvelles générations à son égard. Il y va de la cohésion nationale et intergénérationnelle.