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Intervention de Hadrien Clouet

Réunion du jeudi 26 janvier 2023 à 16h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHadrien Clouet :

Vous avez déjà perdu dans les têtes. En effet, 80 % du pays, au minimum, est opposé à votre réforme – un petit peu comme vous, monsieur le ministre, avant que vous n'ayez retourné votre veste.

Aujourd'hui, vous êtes minoritaire car tout le monde a compris qu'à 64 ans, il est dangereux de poncer du métal à bout de bras ou de porter des cartons en entrepôt.

Vous êtes minoritaire car tout le monde a compris qu'une infirmière ou un chauffeur de bus qui continuent à travailler à 65 ans se mettent en danger, ainsi que les usagers.

Vous êtes minoritaire, car tout le monde a compris que vous allez transformer des retraités en chômeurs ou en allocataires – ils seraient 230 000 d'après les estimations de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, autrement dit de vos propres services ministériels, qui ont simulé les effets de la réforme.

Vous êtes minoritaire car tout le monde a compris que vous allez taper dans la caisse. Votre nouvelle lubie consiste à prélever les fonds dédiés aux accidents du travail alors que ceux-ci vont se multiplier du fait de votre réforme.

Vous êtes minoritaire car tout le monde a compris que vous avez volontairement dilapidé l'argent des cotisations par les primes et les exonérations multipliées depuis cinq ans.

Vous êtes minoritaire car tout le monde a compris que les comptes de la sécurité sociale, et de la branche retraite en particulier, ne sont pas menacés.

Vous êtes minoritaire car tout le monde peut prendre connaissance du rapport du COR et constater que la situation catastrophique que vous dépeignez ne correspond pas à la réalité.

Vous êtes minoritaire car tout le monde a compris que, dans un pays immensément riche, il n'est pas normal d'en être réduit à survivre sous le seuil de pauvreté après une vie de travail.

Vous êtes minoritaire car plus personne ne vous croit. L'exemple des 1 200 euros est flagrant : vous annoncez une retraite minimum à 1 200 euros, puis à 1 200 euros bruts, puis plus pour tout le monde… À ce rythme, ce sera le RSA au mois de décembre !

Et c'est parce que vous êtes minoritaires que la mobilisation est immense : 2 millions de personnes se sont rassemblées jeudi à l'appel des syndicats, et 150 000 samedi à l'appel des organisations de jeunesse, qui défendent toutes la retraite avant l'arthrite. Une question revient souvent dans les manifestations et les réunions publiques : pourquoi font-ils cela ? Eh bien, tout simplement parce que vous n'aimez pas le travail des retraités. Vous n'aimez pas le travail lorsqu'il est libre. Vous préférez des séniors au chômage ou au RSA plutôt que des retraités qui s'engagent auprès des associations, de voisins ou de proches. Car, oui, c'est cela, un retraité aujourd'hui : quelqu'un qui pratique des activités de manière libre et qui exerce un peu de droit au bonheur, au quotidien, pour ses proches.

Il n'est pas une cérémonie de nouvelle année dans ma circonscription sans que l'on vienne nous voir, inquiet, pour rappeler que les anciens font tourner nos communes. À Beauzelle, Isabelle, ambassadrice culturelle de la ville, anime les cours de théâtre depuis 1989 grâce à son droit à la retraite. Jean-Pierre, membre du Souvenir français, à Toulouse, organise des interventions en milieu scolaire ou des cérémonies mémorielles. Les bénévoles du Téléthon, dans de nombreux départements, ne récolteraient rien sans les retraités qui s'engagent. Les pratiquants sportifs, les joueurs de pétanque seraient saignés si le retraité ne pouvait pas gérer la caisse de l'association sportive. Je pense aux retraités d'EDF qui viennent donner un coup de main en cas de problème électrique à la maison. La moitié des associations de ce pays sont présidées par des retraités. Repousser l'âge de départ, c'est combattre tout ce que font les retraités, ces personnes qui tiennent des cafés et des bibliothèques, donnent des concerts et des cours de bricolage, font du soutien scolaire, entretiennent des espaces verts, apportent une aide alimentaire, accompagnent les jeunes pour le permis…

Mais tout cela ne vous intéresse pas beaucoup : si cela a de la valeur, cela ne procure pas de profits privés. Monsieur le ministre, pour reprendre les propos que vous auriez pu tenir vous-même avant votre nomination, la retraite à 60 ans, on s'est battu pour la gagner et on se battra pour la garder !

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