« Cette volonté de reculer l'âge de la retraite est doublement injuste car elle fera porter l'effort par des générations déjà touchées par la précarité et un chômage historique. » Cela vous surprendra peut-être, monsieur le ministre, mais nous sommes d'accord – car vous êtes l'auteur de ces propos, dans le cadre du combat résolu que vous avez mené contre la réforme Woerth en 2010. Pourtant, treize ans après, vous devenez l'artisan d'une réforme encore plus injuste, qui sera à l'origine de souffrances pour nos concitoyens, particulièrement ceux qui travaillent dur et commencent tôt.
Dans la lignée de la période précédente, les années Macron ont été celles de l'abandon des Français. Le Mozart de la finance promettait une symphonie de réussite économique ; il se révèle le chef d'orchestre du déclin. Ubérisation de notre économie qui se traduit par des gains de productivité nuls, politique familiale et nataliste inexistante, absence de vision en matière d'industrialisation et de souveraineté... La pire balance commerciale de notre histoire, c'est vous. La pénurie de médicaments, c'est vous aussi. La mort de notre industrie nucléaire, la fermeture de Fessenheim, c'est vous. La soumission au marché européen de l'électricité, c'est encore vous. En somme, comme dirait une de vos ralliées, vous avez « cramé la caisse » et vous demandez aujourd'hui aux Français de payer avec cette réforme qui ne vise finalement qu'à générer des recettes supplémentaires pour combler les 600 milliards de dettes du Président de la République.
Alors que le président du Conseil d'orientation des retraites a admis ici, la semaine dernière, que les dépenses de retraite sont relativement maîtrisées, vous jouez sur les peurs pour tenter de justifier une telle réforme. Mais, comme d'habitude, vos comptes ne sont pas bons. Demander aux Français de travailler plus longtemps, c'est provoquer mécaniquement des transferts de charges du système de retraite vers l'assurance ou l'assistance – chômage, maladie, invalidité ou encore revenu de solidarité active (RSA). Vous les passez sous silence dans vos présentations. S'agit-il d'un mensonge ou d'un oubli ? Ce sont pourtant des données documentées. Le rapport de la Cour des comptes de 2021 chiffre les dépenses sociales supplémentaires engendrées par la réforme Woerth à 3 milliards d'euros. S'agissant de votre réforme, le COR lui-même, page 132 de son rapport, les estime à 4 milliards d'euros, tandis que d'autres économistes, comme Henri Sterdyniak, prévoient une explosion à 11 milliards d'euros. Votre projet va créer beaucoup de souffrance pour un gain marginal. Pouvez-vous nous présenter un bilan macroéconomique sincère de la réforme ?
Mais au-delà des considérations budgétaires, votre réforme est surtout celle de l'injustice sociale. Injustice d'abord envers les séniors, qui ont, en France, l'un des plus faibles taux d'activité de l'Union européenne. Beaucoup n'arriveront pas à travailler jusqu'à 64 ans et n'auront pas de carrière pleine, ni de pension à 1 200 euros contrairement à ce que vous laissez croire. La création d'un index montre votre méconnaissance des enjeux : il ne réglera rien.
Injustice ensuite entre les plus riches et les plus pauvres. Votre réforme sacrifie certains, comme l'a reconnu un député de votre majorité : elle frappera majoritairement les plus modestes, ceux qui ont commencé à travailler tôt, qui devront rester en activité plus longtemps. Vous répétez à qui veut l'entendre que l'espérance de vie augmente. Mais l'Insee relève une différence d'espérance de vie de treize ans entre les plus aisés et les plus modestes qui devront travailler plus longtemps.
Les retraités ne peuvent être réduits aux lignes d'un tableur Excel. L'âge de la retraite relève d'un choix de société. Les retraités contribuent à la vie nationale par leurs activités. Dans nos communes, en particulier rurales, ils participent à la vie associative et municipale – 55 % des maires ont plus de 60 ans. Combien de crèches et d'assistantes maternelles supplémentaires faudra-t-il si nos retraités gardent deux ans de moins, dans le meilleur des cas, leurs petits-enfants ? Combien de cantines supplémentaires si nos retraités ne les accueillent plus pour le déjeuner ?
S'il fallait une réforme, elle ne saurait être élaborée en moins de deux mois alors qu'un pays comme la Suède a mis près de dix ans – et regrette aujourd'hui ses choix. Le pays du Front populaire mérite mieux que cette réforme décidée unilatéralement et inscrite dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale avec, en ligne de mire, les articles 47-1 et 49, alinéa 3, de la Constitution. La question du référendum, balayée d'un revers de main, doit être examinée. Vous faites preuve de beaucoup de mépris et d'arrogance pour imposer une réforme qui agace jusque dans vos rangs. Vous n'avez rien retenu du premier quinquennat d'Emmanuel Macron. Face à vous, face aux Républicains qui se sont pour partie vendus, face à la gauche qui a voté l'acte premier de cette réforme en adoptant la loi Touraine, les Français peuvent compter sur les élus du Rassemblement national pour combattre ce projet de casse sociale.