Vous avez indiqué que les résultats du COR en 2001, 2019, et 2018 n'étaient pas les mêmes qu'en 2020. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, c'est normal car le monde évolue et parce que nous prenons en compte, en règle générale, la totalité du passé, et que même les hypothèses sur le futur peuvent changer, notamment les hypothèses à court terme du Gouvernement. D'ailleurs, nous ne nous distinguons pas des hypothèses du Gouvernement pour les premières années. Pour leur part, nos hypothèses à long terme peuvent évoluer au fil du temps. Ainsi, nous avons décalé les scénarios de productivité par rapport à nos travaux précédents. Les travaux qui expliquent pourquoi les conclusions ne sont pas les mêmes en 2016 qu'en 2022 sont en annexe. Si vous souhaitez réaliser un travail notarial sur le sujet, ce qui n'est pas passionnant, vous en avez la possibilité. Nous sommes remontés jusqu'en 2016 mais pour 2001, franchement, je ne sais pas ce qu'il en est. Sur ce point, il faudrait mener un travail notarial et de bénédictin, que je n'imposerai pas à la petite équipe du COR, qui a des choses plus intéressantes à faire.
Nous n'avons pas réalisé de simulation sur un âge légal de départ à 60 ans. Pour autant, je rappelle que je ne suis pas le COR à moi tout seul. Si, demain, les membres du COR m'indiquent qu'ils souhaitent disposer de cette simulation, nous contacterons les régimes de retraite, les administrations… A priori, le COR n'est pas opposé à conduire telle ou telle analyse. Nous disposons d'un programme de travail et nous sommes prêts à y intégrer ce que les membres du COR – je les ai cités au début – nous demanderont.
Vous avez posé des questions sur la démographie, la natalité, le solde migratoire. Avec nos quarante-deux membres, nous ne pourrons pas construire des hypothèses démographiques issues d'un débat entre la CGT, la CFDT, le Medef, un député Renaissance, un député Les Républicains… Nous utilisons les hypothèses de l'Insee, qui d'ailleurs, servent de base à tous les travaux en termes de projections économiques. Ces hypothèses ne doivent donc pas être discutées avec moi. Dans ce cadre, l'Insee ne connaît pas l'avenir et elle établit donc des variantes démographiques : par exemple, quel est l'impact d'une hypothèse de natalité sur les retraites ? Nous pourrions même utiliser des variantes qui ne seraient pas celles de l'Insee si les membres le souhaitaient. Pour autant, l'objectif du COR n'est pas de déterminer ce que sera le futur mais de fournir des éléments raisonnables, et plus ou moins raisonnés, sur le futur, à ceux qui doivent prendre les décisions. Je ne serai plus là en 2070 mais si l'on m'annonçait alors que nos prévisions de 2022 ne se sont pas concrétisées, je ne serais pas étonné. Nous devons décider et, pour ce faire, nous devons nous projeter dans le futur : faisons-le de manière raisonnable et raisonnée, sur la base d'hypothèses qui sont partagées, en recherchant l'accord de tous les membres du COR sur les hypothèses du Gouvernement, sur celles de l'Insee en matière de démographie, sur les variantes… Nous n'avons pas d'ambition ou de prétention supplémentaires, nous ne connaissons pas le futur.
Pour ce qui est du solde migratoire, l'hypothèse centrale de l'Insee n'est pas de 20 000 – il s'agit de la variante basse – mais de 70 000. Évidemment, il s'agit du domaine dans lequel les prévisions sont les plus aventureuses car cet aspect dépend de la situation internationale et des politiques nationales, qui font l'objet de débats soutenus. Pour la natalité, l'hypothèse centrale de l'Insee est de 1,8 enfant par femme. Il se trouve qu'il s'agit du résultat de 2022. Si vous souhaitez discuter de ces questions, même si j'ai mon avis, comme tout le monde, car ces sujets m'intéressent, ne le faites pas avec moi. Discutez avec les membres du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, notamment ceux qui s'occupent des politiques de l'enfance. Avec moi, vous pouvez discuter des retraites.
Une question a été posée sur l'inflation. Dans notre modèle de projection, les salaires augmentent en valeur réelle, comme augmente la productivité. Les salaires progressent donc plus vite que les pensions, comme nous avons pu le constater dans les années passées. Dans la période de très forte inflation de 2022 et 2023, il est évident que les tendances pourraient s'inverser. Si l'inflation prend du temps à se répercuter dans les salaires et si l'inflation est répercutée très vite dans les pensions – cette année, le Gouvernement a anticipé la revalorisation des pensions dès le 1er janvier 2023 –, il se peut que, sur cette période de forte inflation, les pensions progressent plus vite que les salaires. Dans ces conditions, la diminution projetée à long terme du niveau de vie des retraités par rapport aux actifs et à l'ensemble de la population pourrait être contredite à court terme.
Une question a porté sur la baisse du niveau de vie relatif des retraités. Lorsque nous projetons cette baisse du niveau de vie relatif, nous ne faisons pas d'hypothèse sur d'autres éléments du niveau de vie des retraités, tels que les revenus du capital. La baisse du niveau de vie relatif des retraités que nous évoquons est donc liée au fait que les pensions diminuent par rapport aux rémunérations. Toutefois, le rapport comprend des précautions méthodologiques sur l'interprétation de cette évolution, dont nous indiquons qu'elle est mécanique, et n'intègre pas d'éventuels changements de comportements liés à la baisse même du niveau de vie relatif des retraités. Cette baisse du niveau de vie des retraités, selon un raisonnement économique, introduit une modification du comportement des agents. Comment ces agents pourraient-ils réagir face à une évolution qui les mécontenterait ? La première solution serait d'épargner davantage durant sa vie active, afin d'accroître ses revenus du patrimoine, lorsque c'est possible, bien sûr. La seconde solution serait de repousser son âge de départ à la retraite, afin de bénéficier de la surcote, lorsque c'est possible également. Il s'agit d'une projection mécanique. Même si l'âge de départ à la retraite n'est pas repoussé par la loi, la baisse du niveau de vie relatif pourrait donc se traduire par des modifications de comportement des assurés qui le peuvent. Je précise en effet que d'autres ne pourraient pas modifier leurs comportements, notamment ceux qui sont au chômage, en invalidité, en inaptitude…
Une question a été posée sur le taux de surcote. Dans certaines analyses du COR, nous avons montré que le taux de surcote n'était pas actuariel. Sans dégrader la situation du système de retraite sur le long terme, nous pourrions appliquer une surcote supérieure à 5 %. Je ne connais pas le niveau auquel il conviendrait de porter cette surcote pour qu'elle devienne actuarielle. L'opération est complexe car le taux de surcote ne doit pas être de 5 % tous les ans mais doit être plus élevé si l'on a 70 ans que si l'on a 65 ans.
Par ailleurs, nous avons travaillé sur les écarts et la disparité des systèmes de réversion. Je vous renvoie à la séance du COR consacrée à ce sujet, séance très édifiante, qui a montré que le système était plein de contradictions. À titre d'exemple, la réversion que touche un des conjoints lorsque le mariage a été suivi d'une séparation dépend du comportement de son ex-mari ou ex-femme. En effet, si votre ex-conjoint se remarie, la perte est majeure. Le fait que, dans notre système de retraite, le niveau de vie, les revenus de quelqu'un puissent dépendre de la décision que prend un tiers, duquel il est séparé, constitue le summum des aberrations. En règle générale, je ne porte pas de jugement, j'essaie de m'en tenir à des constats. En l'occurrence, je me suis permis de sortir de la réserve qui s'impose.
Je mentionne d'ailleurs à nouveau cette réserve pour vous indiquer que je ne peux pas répondre à de nombreuses questions. Vous m'avez demandé quelle serait ma proposition pour améliorer le système. Bien évidemment, je ne vais pas répondre à cette question ni à celle sur le détournement de nos travaux. Je n'ai pas d'appréciation à porter sur ces sujets.
Une question a été posée par M. Pierre Dharréville sur l'artefact 2028-2032. C'est un problème pour nous. Habituellement, le COR travaillait sur une hypothèse centrale de chômage à 7 %. Cette hypothèse était satisfaisante car celle du Gouvernement, en fin de période, se situait à 8 %. Précisément, en 2021, l'hypothèse du Gouvernement était celle d'un taux de chômage à 8,4 % en 2027. En juillet 2022, la prévision du Gouvernement est passée à 5 %. Pour notre part, nous avons toujours assuré un lissage sur cinq ans entre la prévision du COR et celle du Gouvernement. En l'occurrence, nous devions passer de 7 % à 5 % sur la période, ce qui entraînait une période totalement sinistrée entre 2028 et 2032. Nous avons établi le rapport sur cette base en indiquant que, pour cette période, l'évolution était un artefact. Ensuite, nous avons refait tous les calculs avec une variante à 4,5 %. Pourquoi ne l'avons-nous pas fait dès le début ? La raison en est simple : depuis dix ans, je subis les sarcasmes de tous les éditorialistes dès que je leur parle d'un taux de chômage de 4,5 %, ces derniers m'assurant que les membres du COR sont fous. Nous avions donc abandonné cette hypothèse, jusqu'à ce que le Gouvernement présente son hypothèse de 5 %. Depuis, je ne fais plus l'objet de sarcasmes sur mon optimisme invétéré.