Comme vous le soulignez, dans l'état actuel de la loi, et sans réforme supplémentaire, l'âge effectif de départ à la retraite atteindra d'ici une dizaine d'années 64 ans, compte tenu notamment de l'allongement de la durée de cotisation prévue par la loi de 2014, adoptée à l'initiative de la gauche. 64 ans est l'âge de départ qui équilibre le système dans l'un des scénarios centraux que vous reprenez, à horizon 2030. Notre proposition de fixer l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans tire en partie les conséquences de ce qui va être observé dans les prochaines années, et répond à notre souci d'équilibrer notre système de retraites par répartition.
Le niveau de vie des retraités, en valeur relative, va repasser sous le niveau de vie des actifs d'ici cinq ans. À terme, sans réforme, il y aurait un recul de l'ordre de 20 points entre le niveau de vie des retraités et celui des actifs. Ne rien faire revient à acter un déclassement de l'ensemble de nos retraités. Nous souhaitons lutter contre cette érosion mécanique du niveau de vie relatif des retraités par rapport à l'ensemble de la population, avec la fixation du minimum des pensions à 85 % du Smic et l'augmentation du montant des pensions liée au report de l'âge légal de départ à la retraite.
Vos projections annuelles sont marquées par une dégradation des perspectives pour notre système de retraite. C'est vrai pour la démographie : le rapport entre actifs et retraités va se dégrader plus vite qu'attendu, et nous allons bientôt être dans un rapport plus proche de 1 que de 2. Le bilan démographique de 2022, que l'Insee vient de publier, nous rappelle douloureusement que la situation risque encore de se détériorer. S'agissant de la productivité du travail, votre scénario le plus défavorable est celui d'une évolution annuelle de 0,7 %. Or, 0,7 % est le taux constaté entre 2010 et 2019. Ce scénario n'est donc pas très éloigné de ce que nous avons vécu durant la période récente. Les scénarios que vous proposez à 1,6 %, en revanche, me paraissent éloignés de ce que nous pouvons projeter.
Vous affirmez dans votre synthèse que sur les vingt-cinq prochaines années, le système de retraite serait en moyenne déficitaire, quels que soient la convention et le scénario retenus. En partant de vos prévisions fondées sur la convention dite EPR, j'observe qu'en dessous d'un taux annuel de l'ordre de 1,5 % pour la croissance annuelle de la productivité du travail, notre système de retraite n'est jamais à l'équilibre jusqu'en 2070, avec une hypothèse de chômage à 4,5 %, synonyme de retour au plein emploi, ce à quoi nous travaillons. Son déficit annuel atteint même 90 milliards d'euros environ à cette date, dans le pire des cas, et environ 40 milliards dans le scénario central retenu par le Gouvernement. Le système par répartition qui doit financer les pensions d'aujourd'hui par les cotisations vieillesse d'aujourd'hui n'est plus en mesure d'assurer le financement de la totalité du système. C'est déjà un peu le cas s'agissant de certains régimes spéciaux, pour lesquels l'État rééquilibre chaque année des déséquilibres majeurs.
Le projet de réforme dont le Gouvernement va prochainement nous saisir ne prend personne par surprise. La réforme est inscrite dans nos perspectives de finances publiques. Nous sommes donc au rendez-vous des engagements pris. Pour ces raisons, il m'apparaît impératif de réformer notre système de retraite, d'autant plus qu'il nous faut porter une attention particulière à la maîtrise des dépenses publiques, au risque d'un effondrement global de notre système. Puisque ce n'est jamais le bon moment, faisons-le maintenant, dans la clarté et le respect de nos institutions.
100 % des gains financiers de la réforme des retraites iront au financement du système des retraites : il faut le répéter.
Quel regard portez-vous sur la pertinence des travaux récents de la direction générale du Trésor, qui a modélisé il y a un an l'ensemble des impacts financiers et économiques d'un report de deux ans de l'âge légal de départ à la retraite, lequel se traduit, selon ces travaux, par une amélioration substantielle de l'emploi, de l'activité et des finances publiques ?
Les parties 4 et 5 de votre dernier rapport annuel portent sur l'équité entre les assurés, sur la solidarité avec les plus modestes (les femmes notamment) et sur les changements de niveau de vie lors du passage à la retraite. Sur ces sujets, quel commentaire pouvez-vous faire s'agissant de l'impact des dispositions de justice sociale comprises dans la réforme : l'amélioration du dispositif « carrières longues », l'anticipation du départ à la retraite pour les invalides en cas d'inaptitude ou dans le cadre du suivi médical, le relèvement de la pension minimale, la validation de trimestres pour les aidants, pour les femmes ayant bénéficié de congés parentaux, pour les personnes ayant effectué des travaux d'utilité collective ou de l'apprentissage ?