Je vous remercie pour votre exposé très éclairant, qui situe bien le contexte et permet de dessiner quelques perspectives.
Je souscris globalement à la distinction assez précise que vous faites entre influence et ingérence. L'influence est vieille comme le monde et le jeu des puissances : elle renvoie à ce que les Anglo-saxons appellent parfois le soft power. À travers toute l'histoire, de nombreux pays ont mis en œuvre des stratégies d'influence ; c'est d'autant plus vrai pour la France, un pays qui se voit comme une puissance, qui est membre permanent du Conseil de sécurité, héritier d'une très longue tradition diplomatique et militaire, et qui détient l'arme nucléaire. En réalité, notre stratégie d'influence est très organisée, même si nous n'affichons pas depuis longtemps notre volonté de l'exercer. L'ingérence – ou l'interférence, pour reprendre le concept anglo-saxon – est de mon point de vue très différente. Elle présente en effet un caractère délictueux, toxique et malveillant, dans la mesure où elle vise à déstabiliser voire à détruire une cible. Cette dernière peut être un État, un média ou un quelconque organisme. J'ai bien entendu que l'ingérence n'entrait pas dans le champ d'étude de l'IFRI puisque de telles actions relèvent de l'activité des services et sont donc en très grande partie secrètes.
Parmi les stratégies d'influence étudiées et documentées par l'IFRI, avez-vous établi des distinctions selon les pays, les zones géographiques, les régimes politiques ? Avez-vous perçu des différences de nature ou d'intensité entre les stratégies d'influence mises en œuvre par la Russie, la Chine, l'Arabie Saoudite et les autres acteurs que vous avez mentionnés ? Quelles sont les couleurs particulières de ces différentes stratégies ?