La LPR ne suffira pas à rattraper le retard qui a été pris, mais elle a le mérite de remettre la recherche en marche. Elle permet de revaloriser les carrières, les salaires, mais aussi les primes des chercheurs avec le nouveau régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (Ripec). Elle autorise des créations de postes et des recrutements – avec les chaires de professeur junior, les universités pourront recruter des professeurs et les organismes, des directeurs de recherche. La LPR permet, enfin, de programmer des recrutements dans des domaines ciblés, au niveau national. L'Inserm, pour l'instant, peut recruter huit à dix chercheurs par an, au titre des chaires de professeur junior : c'est assez peu mais cela pourra être renégocié. La LPR prévoit aussi une revalorisation du financement de l'Inserm. L'ensemble me paraît donc positif.
Il est vrai que l'on part de loin. La recherche médicale, en France, a été dévalorisée et le rattrapage demandera du temps. J'aurais préféré que la LPR s'étende sur sept ans, plutôt que sur dix, que la revalorisation salariale soit plus importante. Il est clair que les salaires qu'on propose aux chercheurs en France ne nous rendent pas compétitifs au niveau international. À l'Inserm, on recrute des chercheurs qui ont déjà 37 ou 38 ans, qui ont fait une thèse de doctorat, un post-doc, qui ont travaillé à l'étranger, souvent aux États-Unis, qui ont publié dans Nature ou Science, et on leur propose des salaires vraiment trop bas. Redynamiser et valoriser la carrière des chercheurs sera un autre sujet de réflexion pour moi.
S'agissant de l'ANRS-MIE, la crise du covid a mis en évidence la nécessité de se doter d'une agence chargée de lutter, non seulement contre le VIH et les hépatites, mais aussi contre les nouveaux virus et les nouvelles bactéries, l'antibiorésistance devenant aussi une question essentielle. Le budget consacré à l'ANRS-MIE s'élève à 80 millions, tout compris, et un PEPR consacré aux maladies infectieuses émergentes est, lui aussi doté de 80 millions. Vous le voyez, le financement est prévu ; il faut maintenant l'organiser, via des appels d'offres et des actions ciblées. J'y travaillerai avec le directeur de l'ANRS-MIE, le professeur Yazdan Yazdanpanah, et avec ses équipes.
Que les relations de l'Inserm avec l'industrie puissent menacer son intégrité scientifique et son indépendance intellectuelle, je veillerai à ce que cela ne soit pas le cas. L'institut a une charte de déontologie et, pour chaque dossier, on vérifie qu'il n'y a pas de lien ou de conflit d'intérêts. Mais il faut avoir à l'esprit que le point faible de la recherche médicale en France, c'est moins la recherche elle-même que sa valorisation. Pour vous donner un exemple, la France a eu un rôle très important dans la recherche académique sur le virus de l'hépatite C, mais 100 % des médicaments sont américains. Les chercheurs qui travaillent dans le monde académique ne savent pas faire de médicaments. Or la santé, c'est aussi des médicaments. Il est donc essentiel d'articuler la recherche et l'industrie, tout en préservant l'intégrité scientifique de l'Inserm : j'en serai le garant.
Je ne compte pas faire disparaître l'Inserm ou le détruire ; je suis là pour le défendre. L'Inserm est le seul organisme qui prend en charge la recherche médicale et en santé chez l'homme. Il doit donc être défendu, protégé, développé et mis en avant. Si j'ai créé et dirigé pendant dix-sept ans une unité de l'Inserm, c'est que j'y croyais. Dans ces fonctions, j'ai découvert les qualités et les forces de l'Inserm, mais je suis là aussi pour essayer d'en corriger les points faibles et de renforcer son rôle.
La précarité des métiers de la recherche est une réalité. Certes, les chercheurs de l'Inserm ont vu leurs salaires et leurs primes revalorisés, mais l'amélioration doit se poursuivre. Il y a en effet beaucoup trop de CDD dans la recherche. Lorsque j'étais président du CNCR, j'avais regretté auprès du président de l'ANR que l'on ne puisse pas faire travailler des personnes en CDI sur les projets ANR. La LPR a introduit des CDI de mission, et je souhaite que l'on « cédéise » de plus en plus de chercheurs. Concernant l'indice de rémunération, une revalorisation a été décidée au sein de l'Inserm pour les personnes nouvellement engagées en CDD et une discussion est en cours pour celles qui sont déjà en poste. J'y travaillerai avec les équipes administratives.
Madame Meunier, vous m'interrogez sur la manipulation de l'information et les fakes news. Nous devons veiller à ne pas être manipulés par des agences étrangères : cela suppose de travailler avec les systèmes informatiques et la direction des systèmes d'information (DSI). Il importe, en parallèle, de produire une communication scientifique de qualité, ce qu'a commencé à faire l'actuel président de l'Inserm. Les voix discordantes qui se sont exprimées au moment de la crise du covid ont eu un effet négatif sur le public, et il y a encore beaucoup de pédagogie à faire au sujet des vaccins, d'une manière générale. À une époque, on accusait le vaccin de l'hépatite B de donner la sclérose en plaques ; plus personne ne voulait se faire vacciner et j'ai fait partie de ceux qui ont lutté contre ces messages négatifs.
Il importe en effet de développer la e-santé ; le groupement d'intérêt scientifique n'est pas encore finalisé mais j'y travaillerai.
En matière de gestion, il est vrai que l'Inserm a connu quatre exercices déficitaires. À ma connaissance, les deux derniers sont positifs mais, pour le tout dernier, cela s'explique par des recettes exceptionnelles. Il y aura un travail à faire avec les équipes administratives et les membres de l'Inserm pour préciser la stratégie scientifique et décider si l'on redistribue les financements en fonction des axes stratégiques.
Monsieur Berta, il est vrai qu'il y a moins de médecins au sein de l'Inserm : lorsqu'il a été créé, 30 % de ses membres étaient des médecins ; ils ne sont plus que 6 % aujourd'hui. Toutefois, il faut faire une distinction entre les médecins salariés par l'Inserm, d'une part, et les hospitalo-universitaires et les doctorants qui sont présents dans les unités de recherche, d'autre part. Il faut renforcer les contrats d'interface, qui ne sont plus qu'une trentaine, alors qu'on en a compté jusqu'à 300 : des médecins viennent travailler à l'Inserm, et l'Inserm rembourse les hôpitaux pour le temps qu'ils ont consacré à leurs recherches.
S'agissant de la place de l'Inserm au sein d'Aviesan, il est vrai que l'Alliance manque d'efficacité opérationnelle. Néanmoins, il est tout de même nécessaire que les organismes se parlent et essaient de se coordonner. À cet égard, le rôle de l'Inserm est essentiel puisque, devant piloter la recherche médicale, il lui faut se rapprocher de ses partenaires.
Vous estimez que les programmes hospitaliers de recherche clinique devraient être davantage évalués. Je rappelle qu'ils sont gérés par la DGOS. Pour l'instant, il n'y a pas eu de rapprochement entre la DGOS et l'Inserm sur ce point. Il importe en tout cas d'améliorer le rendement des PHRC. Je vois plusieurs pistes, la première étant d'arrêter de rogner sur le financement des personnels, attachés de recherche clinique (ARC) ou techniciens de recherche clinique (TEC), dont l'insuffisance tue l'organisation des PHRC. Il faut également faciliter la mise en œuvre de ces programmes. Actuellement, un chercheur qui obtient un PHRC doit se débrouiller tout seul, ou presque, pour faire le case report form (CRF), contacter le comité d'éthique et lancer le programme de recherche. C'est un travail colossal, qui contraint souvent l'investigateur principal à arrêter la clinique. L'Inserm aurait un rôle à jouer dans l'organisation d'une structure permettant de lancer et de dynamiser les PHRC, en s'appuyant sur les centres d'investigation clinique ou les unités de recherche clinique.
L'Inserm doit évoluer, en même temps que son environnement. On est dans l'aire du technologique et du numérique ; il importe de développer la recherche transdisciplinaire et d'explorer de nouveaux axes : l'éthique, la santé globale, la santé environnementale, le rôle de l'environnement sur la santé, l'impact des pesticides sur la santé, mais aussi celui de la sédentarité. La stéatohépatite non-alcoolique (NASH), une maladie du foie qui donne des cirrhoses, n'existait pas il y a trente ans. Elle est due à l'impact des troubles métaboliques – diabète, surpoids, hypertension – et à la sédentarité. Il faut prévenir ces maladies et l'Inserm doit faire de la recherche à des fins, non seulement de traitement, mais aussi de prévention – et communiquer en la matière.
Il est vrai que j'aurais dû évoquer les associations de patients. Lorsque je travaillais à l'ANRS, je les ai vues prendre part aux décisions relatives au lancement des protocoles, que ce soit pour le VIH ou pour les hépatites. Les associations de patients ont un rôle extrêmement positif dans le domaine de la recherche clinique ; elles contribuent à la fois à la protection du patient et à l'innovation.
Il faut absolument éviter que le budget consacré à la recherche s'appauvrisse sous l'effet du coût de l'énergie et de la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires, car c'est le cœur de la mission de l'Inserm. L'un d'entre vous a souligné qu'il y avait moins d'ingénieurs et de personnels techniques de la recherche : c'est vrai, je l'ai constaté dans ma propre unité, et on a tendance à reporter leurs tâches sur les doctorants. Il faut revaloriser ces métiers ; la LPR donne la possibilité d'embaucher 180 personnes dans les cinq années qui viennent : c'est peu, mais c'est une manière de relancer la dynamique.
Monsieur Minot, vous avez évoqué le rapport du professeur Alain Fischer. Vous remarquerez que plusieurs des constats que j'ai faits rejoignent les siens, notamment au sujet du manque de moyens. La LPR, les actions au titre des PIA et la stratégie Innovation santé 2030 vont permettre de les accroître. Il estime par ailleurs, comme moi, que le métier de chercheur doit être davantage valorisé. J'ai montré comment je souhaite y travailler, aussi bien pour les chercheurs statutaires que pour ceux qui sont en CDD. Il ne faut plus que nos chercheurs se sentent contraints de partir à l'étranger pour développer leurs recherches ; il faut attirer les meilleurs.
Le rôle du président de l'Inserm est de définir la stratégie de la recherche, ses priorités et ses axes. J'espère que vous m'accorderez votre confiance et que je pourrai mettre cela en œuvre, avec votre aide.