Intervention de Didier Samuel

Réunion du mercredi 25 janvier 2023 à 15h10
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Didier Samuel :

Je suis hépatologue, c'est-à-dire spécialiste des maladies du foie. Je suis professeur d'hépatologie à la faculté de médecine Paris-Saclay depuis 1997. J'ai aussi une qualification en réanimation médicale.

J'ai créé et développé l'hépatologie et la réanimation au centre hépatobiliaire de l'hôpital Paul-Brousse au cours des trente dernières années. Je suis chef de l'unité d'hépatologie et de réanimation hépatique et directeur médical du programme de transplantation hépatique de ce même hôpital, qui est le premier centre de transplantation hépatique en France et l'un des plus importants en Europe. J'ai une très grosse activité clinique d'hépatologie et une expertise particulière dans la prise en charge des patients souffrant d'insuffisance hépatique et d'hépatites virales, ainsi que dans la transplantation hépatique. J'ai suivi jusqu'à ce jour plus de 4 500 patients transplantés hépatiques.

J'ai une activité de recherche essentiellement clinique et translationnelle. J'ai créé en 2005 l'unité mixte de recherche (UMR) Paris-Saclay-Inserm qui portait alors le numéro 785, et a été recréée sous le numéro 1193 en 2015 : « Physiopathogenèse et traitement des maladies du foie ». J'en suis le directeur ; elle comprend cinq équipes labellisées ; j'y dirige l'équipe 1, qui se consacre à l'innovation thérapeutique et à la recherche translationnelle dans les maladies hépatiques et en transplantation du foie.

J'ai une bonne connaissance de l'Inserm en tant que directeur d'unité de recherche Inserm, mais aussi comme ancien membre d'une commission scientifique spécialisée, de 2008 à 2012. Dans cette commission, j'évaluais les équipes et les unités de recherche et nous proposions le recrutement des chercheurs sur concours. J'ai plus récemment fait partie du comité de sélection de l'école de l'Inserm et j'ai été co-chairman du récent appel à projets du programme de recherche stratégique en santé Messidore, coordonné par la direction générale de l'offre de soins (DGOS) et l'Inserm.

J'ai une visibilité internationale. J'ai été membre du council de l'International Liver Transplant Society, dont j'ai été le président en 2013. J'ai également été membre du comité scientifique de l'Association européenne de l'étude du foie (European Association for the Study of the Liver, EASL). Pendant cinq ans, de 2010 à 2014, j'ai été éditeur en chef du Journal of Hepatology, qui est devenu pendant mon mandat la première revue mondiale en hépatologie. J'ai une expertise internationale en matière de maladies du foie et de transplantation hépatique.

Par ailleurs, depuis six ans, je suis doyen de la faculté de médecine Paris-Saclay et j'ai entamé un deuxième mandat depuis un an. J'ai également été élu depuis un an à la présidence de la conférence des doyens. Du fait de ma valence recherche, j'ai été élu il y a deux ans et demi à la présidence du Comité national de coordination de la recherche (CNCR), dont le but est de coordonner la recherche hospitalière dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) et centres hospitaliers (CH).

Pourquoi me suis-je porté candidat à la présidence de l'Inserm ? Tout d'abord, j'ai toujours été investi dans la recherche, particulièrement en recherche clinique et translationnelle. Je suis passionné par la science en général et par la recherche. De plus, je considère que la recherche en santé est absolument indissociable de la qualité de la médecine et du soin. C'est aussi un facteur d'attractivité pour les hôpitaux et les médecins. La recherche et l'innovation tirent le soin vers le haut. Au fil des années et avec l'expérience, j'ai acquis la conviction que la recherche en médecine et en santé devait être relancée.

À mon avis, il y a eu pendant une quinzaine d'années un décrochage global des moyens de la recherche en biologie-santé en France, caractérisé par une baisse significative de l'investissement dans la recherche et en biologie-santé. La pandémie de covid que nous avons eu à combattre au sein des hôpitaux a montré que nous n'étions pas complètement prêts à affronter une épidémie de ce type. Notre recherche sur les coronavirus était absente ; nous souffrions d'un manque de compétitivité concernant les technologies liées à l'ARN, ce qui s'est traduit par des difficultés à maîtriser ces technologies et, par rapport à d'autres pays, à créer un vaccin. Nous avons aussi été en retard en matière de séquençage et d'instauration de tests diagnostiques. Enfin, des essais cliniques de niveau international, pourtant de qualité, ont été malheureusement trop souvent désorganisés, se chevauchant, et insuffisamment coordonnés.

Par ailleurs, les difficultés que vivent les hôpitaux retentissent sur le travail hospitalo-universitaire : la partie universitaire est phagocytée par le soin et le management, ce qui commence à fragiliser les unités de recherche et nos capacités de recherche en médecine.

On observe également un manque d'attractivité des métiers de la recherche – techniciens de recherche, assistants de recherche clinique – et du métier de chercheur, en raison du salaire et de l'évolution de carrière.

De plus, l'organisation de notre recherche, à laquelle concourent de nombreux organismes publics et agences, est complexe et lourde.

Cependant – une note d'optimisme –, nous sommes depuis deux ans dans un environnement plus favorable, grâce à une loi de programmation de la recherche qui permet un réinvestissement : même si elle ne suffira pas pour rattraper tout le retard accumulé, elle autorise la création de postes, de chaires de professeur junior, la revalorisation des carrières des chercheurs grâce à une hausse des salaires et la revalorisation de primes. Dans le cadre du volet France santé 2030, plus de 7 milliards d'euros doivent être injectés dans le domaine de la santé. Le Président de la République a annoncé il y a dix-huit mois le plan Innovation santé et la création de l'Agence de l'innovation en santé, dont le positionnement reste à préciser, mais qui remet l'innovation et la santé au premier plan.

Pourquoi l'Inserm ? Il possède de grandes forces : c'est, pour moi, l'acteur national central et incontournable de la recherche en santé. Il doit être à la fois un pilote de la recherche en santé au niveau national, réussir une politique de site avec les universités et les CHU, assurer une veille scientifique, jouer le rôle d'alerte sanitaire et apporter une réponse sanitaire aux crises. Il doit aussi assurer la valorisation de la recherche par des brevets. L'Inserm est très présent au sein des universités et des CHU, et l'interconnexion est très forte entre les mondes universitaire et hospitalier.

L'Inserm a été conforté dans son action par le Gouvernement, qui lui a confié la prise en charge de l'agence autonome ANRS-MIE. Il pilote aussi de grosses infrastructures de recherche, comme F-Crin (French Clinical Research Infrastructure Network), le laboratoire P4 Mérieux et Ingestem.

En outre, l'Inserm a une vraie capacité d'évaluation des chercheurs et des unités de recherche, grâce à ses commissions spécialisées et à son conseil scientifique. Avec ce dernier, les instituts thématiques sont des structures susceptibles d'évaluer et de proposer des stratégies de recherche.

L'Inserm reste un label très important pour les unités mixtes de recherche et est très valorisé dans le paysage de la recherche française.

Par ailleurs, c'est le premier organisme européen de publication scientifique, fort d'une visibilité internationale et d'une grande qualité – très au-dessus de la moyenne – des publications, dont plus de 10 % figurent dans le « top 5 % ». Il détient également un taux élevé de brevets. Certains programmes, comme Atip (action thématique incitative sur programme)-Avenir, destiné aux jeunes chercheurs, sont très attractifs.

Enfin, son réseau international est développé et de qualité.

Cependant, certains éléments appellent, selon moi, l'attention.

La stratégie par site, en coordination avec les universités et les CHU, est encore à clarifier et à améliorer, de même que la stratégie nationale, qui mérite d'être plus ambitieuse et devrait mieux hiérarchiser les axes stratégiques.

La coordination avec les CHU, trop hétérogène, doit, elle aussi, être améliorée, pour une recherche clinique de qualité significativement supérieure. La recherche clinique, ce sont non seulement des essais cliniques incluant des patients, mais aussi la capacité, à partir des maladies des patients, de comprendre la physiopathologie de ces maladies et de décortiquer leur mécanisme en vue de traitements ciblés. Or l'interface avec les équipes de recherche clinique est clairement trop faible et le rapprochement entre chercheurs et cliniciens est absolument essentiel.

Le financement des unités mixtes de recherche ne représente que 57 millions hors salaires, ce qui, pour près de 300 UMR, me paraît trop peu.

Enfin, la valorisation insuffisante des carrières de chercheur et leur manque d'évolution sont un vrai sujet, car ce sont les chercheurs qui font la recherche.

Voici les actions que je propose.

Je souhaite tout d'abord, en tant que président de l'Inserm, doter celui-ci d'une vision stratégique nationale. Je veux que l'Inserm soit un acteur de premier plan en matière de recherche comme d'alerte sanitaire auprès des autorités et du public, par l'amélioration de sa communication et de sa visibilité.

Pour moi, il y a deux aspects à traiter : d'une part, la politique de site ; d'autre part, la politique nationale de recherche, qui coordonnera les politiques de site au niveau national. La politique de site doit se conduire avec les universités, qui en seront le pilote, et avec les CHU. La politique nationale doit fixer la stratégie nationale de recherche en tenant compte des politiques de site, mais aussi en définissant les axes prioritaires stratégiques, ainsi que les axes émergents à soutenir dans le cadre d'un Inserm opérateur de programmes de recherche, opérateur de moyens et pilote de la recherche médicale et en santé en France.

Je pense qu'il faut renforcer les unités mixtes de recherche, en accroissant leur masse critique, en fortifiant leurs grands axes, en soutenant les équipes émergentes brillantes.

L'Inserm doit également affermir sa présence dans son environnement, notamment auprès des universités : vous l'avez dit, madame la rapporteure, l'environnement de l'enseignement supérieur et de la recherche a évolué ; il compte des universités de recherche de niveau mondial, créées par des regroupements universitaires incluant les grandes écoles et par l'intermédiaire des initiatives d'excellence (Idex) et des initiatives sciences-innovation-territoires-économie (Isite). Les universités sont quasiment toujours cotutelles des unités mixtes de recherche et sont en lien avec l'Inserm pour de très nombreux projets relevant du programme d'investissements d'avenir (PIA) : les instituts hospitalo-universitaires (IHU), les recherches hospitalo-universitaires (RHU) et d'autres.

Au niveau des sites, nous avons besoin d'un pilotage par les universités. Les plans quinquennaux de recherche font l'objet d'une coordination avec les universités et nous devons réfléchir à la mise en commun de moyens de gestion des UMR.

Les liens avec les CHU doivent être nettement resserrés, pour améliorer significativement la recherche clinique. C'est pour moi un point faible de l'Inserm, mais aussi des CHU. Il est temps que les uns et les autres travaillent ensemble. Les UMR sont présentes dans les CHU, mais, trop souvent, les CHU ne sont pas au fait du travail des UMR. Il y a trop de recherches en silo ; or, pour une recherche clinique et translationnelle de qualité, il faut de la coopération.

L'articulation avec les centres de ressources biologiques (CRB) doit être efficace ; il convient de professionnaliser la gestion des cohortes, d'améliorer le fonctionnement des centres d'investigation clinique (CIC) et de disposer d'une gouvernance de la recherche locale elle aussi beaucoup plus efficace, par l'intermédiaire des CRDSP (centres régionaux de documentation en santé publique) ou d'une autre structure.

Enfin, la question se posera peut-être de confier aux CHU la cotutelle de certaines UMR, ce qui nécessitera de leur part un investissement réel et direct dans les UMR et une discussion stratégique avec les universités et l'Inserm.

Dans l'environnement de l'Inserm, il y a aussi d'autres agences. L'Inserm doit se coordonner avec l'Institut des sciences biologiques (INSB) du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il existe déjà beaucoup d'actions communes, qui ont été renforcées, et d'échanges de chercheurs au sein des unités. L'Inserm doit également s'appuyer sur l'ANRS-MIE et sur le PEPR Maladies émergentes afin de doper la recherche en maladies infectieuses et de réagir aux crises sanitaires. Il doit travailler conjointement avec l'Institut national du cancer (Inca). Enfin, l'Inserm doit définir des stratégies de site en cotutelle avec le CNRS, le CEA (Commissariat à l'énergie atomique), l'Inria (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique), l'Inrae (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) et les écoles d'ingénieur, aux fins de recherche transdisciplinaire, une nécessité majeure à l'heure du développement des biostatistiques, de la bio-informatique, de la gestion des données de masse, de l'intelligence artificielle, du numérique en santé et des mathématiques appliquées à la santé.

L'Inserm s'est vu confier la coordination, seul ou en association, de PEPR de stratégie nationale ou exploratoires. Il faut qu'ils démarrent, mais il faut aussi assurer la distribution des fonds, assez élevés, en toute transparence vis-à-vis des chercheurs et du public. Le programme stratégique de recherche en santé financé par la DGOS et piloté par l'Inserm qui a débuté en 2022 est doté de 10 millions d'euros par an ; c'est une chance pour l'Inserm et pour la recherche.

Nous devons aussi accentuer notre développement international, selon deux axes. Le premier consiste à travailler de concert avec les universités et les pôles Europe des universités et des CHU, pour accroître significativement notre présence dans les appels d'offres européens et au niveau de leur coordination, s'agissant notamment d'Horizon Europe, comme de l'obtention des financements ERC ( European Research Council). Le second axe passe par les laboratoires associés et les liens entre l'Inserm et les organismes étrangers.

Nous devons accorder une attention particulière à la pérennisation des infrastructures de recherche, aux plateformes technologiques, au développement des nouvelles technologies, et apporter un appui aux plateformes de haute performance technologique afin d'être compétitifs au niveau international.

Au moment où France Cohortes se met en place, nous devons aussi être vigilants quant au développement des cohortes et à leur pérennisation financière, qui est très importante et prévue dans le plan France Santé 2030. Nous devons aussi, comme vous l'avez dit, nous ouvrir aux nouvelles approches de recherche en santé : santé environnementale, santé globale, éthique de la recherche et science ouverte. L'Inserm doit aussi s'approprier les nouvelles technologies – le numérique en santé, l'innovation –, développer des partenariats avec les industriels, en particulier avec l'aide de sa filiale Inserm Transfert, et renforcer sa capacité à développer les recherches translationnelles et à aller du laboratoire vers le médicament et les dispositifs médicaux.

On ne fait pas de bonne recherche sans chercheurs. Tout ne dépend pas de l'Inserm, et il importera aussi d'avoir une vision globale de l'amélioration de l'attractivité des métiers de la recherche.

Il faut, d'abord, redynamiser la carrière des chercheurs et les valoriser. Il faut aussi redonner du temps universitaire aux hospitalo-universitaires – qui, je le rappelle, dirigent 40 % des unités de l'Inserm. Sans temps universitaire de recherche, il n'y a pas de recherche de qualité.

La communication entre les chercheurs et la direction de l'Inserm doit être améliorée. Nous devons aussi être performants pour attirer des jeunes vers les métiers de la recherche, par le biais de l'école de l'Inserm, bien sûr, mais aussi par des approches MD-PhD – double cursus de doctorat en médecine et thèse de sciences – dans les facultés de médecine. Nous devons développer l'enseignement et le goût de la recherche dans le cadre du renforcement de l'année de recherche des internes. Nous devons aussi réfléchir à la réactivation de programmes tels que les postes d'accueil Inserm et les contrats d'interface pour les médecins. Le programme Atip-Avenir doit être développé et nous devons redevenir compétitifs pour attirer et garder des chercheurs de niveau mondial avec des salaires attractifs et des welcome packages qui leur permettront de travailler dans un environnement de qualité à un niveau compétitif.

En conclusion, je souhaite, avec cette candidature, renforcer la position de l'Inserm en tant que pilote, organisateur de la recherche en santé en France et acteur majeur de la politique de site avec les universités, les CHU et les autres organismes de recherche.

Pour répondre aux questions de Mme la rapporteure, en tant que doyen de la faculté de médecine Paris-Saclay, j'ai vu la croissance de Saclay, qui relevait précédemment de l'université Paris Sud. L'inclusion de grandes écoles comme CentraleSupélec, l'ENS Paris-Saclay, ancienne ENS-Cachan, ou I'Institut d'optique graduate school (IOGS) s'est traduite par un bond fantastique en termes d'organisation au sein de l'université. Celle-ci a notamment créé des graduate schools, qui permettent un travail transversal entre les différentes composantes et contribuent à développer la recherche transdisciplinaire.

S'opère également à Saclay un rapprochement entre le monde de la santé – qu'il s'agisse du monde de la pharmacie ou du monde médical, car on y trouve une faculté de médecine et une faculté de pharmacie – et le monde des ingénieurs, des mathématiciens et des ingénieurs agronomes. J'observe un mouvement des chercheurs en santé vers les ingénieurs, les spécialistes de l'intelligence artificielle (IA), les statisticiens et les mathématiciens, ainsi qu'un mouvement inverse des ingénieurs et des mathématiciens venant proposer des idées novatrices au monde de la santé. La recherche en santé doit sortir de son cocon initial, limité à la santé, et doit se montrer plus transdisciplinaire.

Pour ce qui est du modèle et de la gouvernance de l'Inserm, je répondrai en défenseur de l'Inserm, pilote national de la recherche. Je distinguerai deux aspects. Il s'agit, d'une part, de définir des axes stratégiques de la recherche au niveau national, d'identifier, avec des partenaires issus d'autres organismes, des technologies futures qui doivent être développées en amont, de renforcer des axes stratégiques autour de pôles forts et de détecter des pôles et des axes émergents autour de chercheurs particulièrement brillants. Il s'agit en même temps, au niveau local ou régional, de définir une politique de site avec les deux grands partenaires que sont les universités et les CHU.

Il y a de la recherche dans les hôpitaux et en dehors des hôpitaux, et de nombreux médecins y sont impliqués. La particularité et l'originalité de l'Inserm, qui est consacré à la recherche médicale et en santé, tiennent à sa place unique dans le panorama de la recherche en France. C'est ce qui en fait la qualité et l'intérêt, et ce qui justifie qu'on le défende.

Le risque de dispersion que vous avez évoqué, lié à la multiplicité des sujets, est réel, et c'est à nous de définir les priorités stratégiques. Il faut pouvoir centrer ses forces et cela fera partie de mes responsabilités.

Quant à savoir si les moyens sont suffisants, on observe que le budget de l'Inserm est resté stable durant des années, ce qui signifie qu'il a baissé. Il connaît, depuis deux ans, une augmentation significative, qui s'étendra jusqu'à 2025. C'est un excellent signal pour la recherche globalement et pour la recherche en santé particulièrement. Je ne pense pas que ce soit suffisant et il faut que nous fassions plus. La subvention est de l'ordre de 630 millions d'euros, pour un budget global qui se situe entre 1 milliard et 1,1 milliard d'euros. Le reste provient de contrats de l'ANR et du PIA. Pour ce qui est de la subvention, la marge de manœuvre dont dispose l'Inserm au-delà des postes incontournables que sont les salaires ou le mobilier, évaluée à 10 millions d'euros par la Cour des comptes, est actuellement assez faible. Un travail et une discussion s'imposent donc sur ces points.

En termes de valorisation, Inserm Transfert, filiale développée voilà une quinzaine d'années, a généré, comme vous l'avez dit, 118 millions d'euros et commence à porter ses fruits. Cependant, comme l'ont souligné la Cour des comptes et tous les chercheurs, il reste très difficile pour un chercheur de valoriser sa recherche, en raison de lourdeurs administratives qui ne tiennent pas seulement à Inserm Transfert, mais à des délais de mise en route toujours supérieurs à six mois. La difficulté tient aussi à un paysage complexe : les IHU et les RHU travaillent en consortiums et il est fréquent d'observer plusieurs stratégies de valorisation entre les Satt et Inserm Transfert, voire avec des cellules de valorisation hospitalières. Le mécanisme est assez complexe et nous devons faire mieux.

Certains médicaments sont sortis grâce à Inserm Transfert et l'achat d'une société a rapporté une dizaine de millions d'euros à l'Inserm grâce à une molécule innovante. On commence à observer de premiers signes, mais nous avons en France un problème évident, et qui n'est pas propre à l'Inserm, de valorisation de la recherche : la recherche académique est de qualité, mais sa traduction en médicaments et en device est faible, sans commune mesure avec ce qui se pratique aux États-Unis. Un travail global, et qui ne concerne pas seulement l'Inserm, doit être mené en France.

Quant à l'ANRS-Maladies infectieuses émergentes, je connais bien cette agence depuis l'époque où elle ne portait pas encore ce nom. Travaillant sur les hépatites virales, j'ai en effet été membres durant plus de dix ans de l'ANRS – Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales –, qui a évolué de la prise en charge du seul VIH vers celle des hépatites B et C. Cet organisme, initialement autonome, a été intégré à l'Inserm tout en restant une agence autonome. Lorsque la question a été débattue voilà un ou deux ans, le Gouvernement a choisi d'ajouter à ses missions les maladies émergentes, en réponse à l'apparition de nombreuses maladies telles que la maladie à virus Ebola ou la variole du singe et, bien sûr, le covid-19, qui nous a frappés de plein fouet. L'ANRS-MIE est ainsi la réunion de l'ANRS et de REACTing, cellule qu'avait créée Jean-François Delfraissy au sein de l'Inserm en vue de répondre aux crises sanitaires et qui disposait d'assez peu de moyens.

Le rôle de l'ANRS-MIE et du PEPR MIE est essentiel, non seulement à cause des priorités à établir pour la recherche sur les futures maladies ou sur les maladies déjà connues, mais aussi parce que nous devons avoir une stratégie basique pour préparer les crises – on ne peut pas les prédire toutes. Personne n'avait envisagé la force de la pandémie de covid-19 et il fallait disposer d'un haut niveau de ressources supplémentaires pour la combattre. Il faut donc distinguer entre ce qu'on fait par temps calme et ce qu'on est capable de faire, avec l'aide du Gouvernement et la vôtre, en cas de crise.

Le PEPR démarre et ce sera mon rôle, avec Yazdan Yazdanpanah, directeur de l'ANRS-MIE, d'en définir les enjeux scientifiques, de travailler à prévoir les futures crises sanitaires et de développer la recherche dans ces domaines. L'ANRS est une structure assez souple, qui permet d'avoir assez facilement des projets de recherche et des supports pour des bourses doctorales, avec deux appels d'offres par an. Pour y avoir beaucoup travaillé, je sais que c'est très apprécié des chercheurs.

L'Aviesan, l'Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, créée voilà une dizaine ou une quinzaine d'années en vue de coordonner l'ensemble des agences, avec l'Inserm pour pilote, n'a pas une efficacité optimale. Je souhaite que le rôle de l'Inserm soit renforcé pour tout ce qui concerne la recherche médicale et la recherche en santé. Soit, donc, il faut renforcer l'Aviesan comme structure opérationnelle, avec l'Inserm pour pilote, soit l'Inserm doit développer ses axes stratégiques.

Le plan France médecine génomique 2025 a démarré un peu lentement et nous commençons à en voir les effets. En France, nous créons souvent des structures trop lourdes, dont la mise en place prend trop de temps, ce qui me semble avoir été le cas ici.

Quant à France 2030 et aux PEPR, de l'argent arrive, avec des appels d'offres. Les PEPR, programmes de stratégie nationale ou à caractère exploratoire, sont un mode novateur de financement de la recherche, mais qui n'a pas été compris de tous les chercheurs, habitués à des appels d'offres classiques tels que ceux des RHU, des IHU ou des LabEx, les laboratoires d'excellence. Les PEPR ont été construits avec un financement ciblé sur des consortiums définis par des comités internes de l'Inserm et comportent une partie qui se présente sous la forme d'appels d'offres classiques. Nous devons être vigilants pour assurer la transparence de la répartition des fonds. La plupart des PEPR n'ont pas vraiment démarré et cela fera partie de mon travail si vous me confiez la présidence de l'Inserm.

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