…mais la majorité en a décidé autrement.
Au-delà des discours politiques et des divers engagements, rarement tenus, du Gouvernement, ce que retient notre jeunesse du précédent quinquennat, c'est qu'elle en a été la grande oubliée, au point, d'ailleurs, qu'elle a elle-même littéralement oublié d'aller voter lors des dernières élections puisque, il faut nous en souvenir, les législatives de 2022 ont été marquées par l'abstention massive des 18-24 ans. On reproche aux jeunes de se désintéresser de la politique, de ne pas suffisamment s'engager. Mais, dès lors qu'aucune politique d'envergure en faveur de la jeunesse n'est menée, dès lors qu'aucun signal ne leur est adressé, qui peut oser leur jeter la pierre ?
Oubliés, ils sont désormais sacrifiés car, à l'heure où nous débattons des retraites, ils figurent bien sûr parmi les grands perdants de la réforme – un signal négatif de plus ! Nous savons la jeunesse cernée par les incertitudes, en proie à l'éco-anxiété ; l'héritage que nous leur laisserons ne sera pas le moins lourd à porter, loin de là.
Sacrifiés, ils l'ont été également pendant la crise de la covid-19 : la précarité de la population étudiante, déjà fragilisée, s'est alors, de fait, accentuée. L'immolation, devant le Crous de Lyon, d'Anas Kournif, qui avait fait de son acte un « choix politique » visant à dénoncer cette situation, en a été la plus dramatique expression.
L'instauration du ticket U à 1 euro, décidée par le Premier ministre de l'époque, avait permis à bon nombre d'étudiants de respirer un peu. Mais il a fallu qu'au nom d'une logique comptable, on les prive finalement de ce peu d'air frais et on leur impose sans sourciller une baisse des APL, allocations dont ils sont les principaux bénéficiaires.
D'où l'intérêt de cette proposition de loi, dans sa version initiale, surtout à ce moment précis. En effet, le coût de la vie étudiante a augmenté dans son ensemble de près de 6,5 % en 2022 et l'inflation continue de toucher durement les étudiants ; pour accéder aux denrées de base, beaucoup n'ont plus d'autre recours que de se tourner vers l'aide alimentaire, au point que les associations disent ne plus être en mesure d'absorber la demande ; enfin, le Gouvernement a fait adopter un projet de loi de finances dans lequel la revalorisation des bourses ne couvre même pas l'inflation.
Le constat est toujours le même : 19 % des jeunes de 18 à 29 ans vivent sous le seuil de pauvreté et 56 % d'entre eux déclarent ne pas manger à leur faim !
La réponse est, également, toujours la même : « Oui, nous allons procéder à une réforme des bourses ». Eh bien, cette réforme, nous l'attendons de pied ferme, car il faut créer, pour les étudiants et la jeunesse tout entière, un véritable système de protection sociale. En attendant, puisque le niveau des bourses est insuffisant et que leur indexation sur le revenu des parents exclut un certain nombre d'étudiants du dispositif, offrons-leur la possibilité d'accéder, sans que les conditions soient trop lourdes, à un repas à tarif réduit.
Nous regrettons évidemment que les membres de la majorité aient remodelé ou plutôt dévitalisé le texte, qui prévoyait de fixer ce tarif au montant symbolique de 1 euro. Le titre initial de la proposition de loi a donc dû être modifié et elle a perdu son principal intérêt. Si je souscris aux propos de Mme la rapporteure qui, à l'issue de l'examen en commission, indiquait que tout texte en faveur de la jeunesse constitue une avancée, nous ne pouvons que déplorer une nouvelle occasion manquée, malgré une timide évolution qui permettrait au moins d'inscrire dans la loi le principe de l'accès des étudiants à des repas à un tarif social et très social.
Alors qu'en commission, nous avons voté contre ce qui était devenu une proposition de loi beaucoup moins ambitieuse et plus du tout universelle, le groupe Écologiste – NUPES déterminera son vote en fonction des débats et de l'existence ou non de la garantie qu'une simple déclaration ouvrira droit au tarif réduit. En tout état de cause, nous regrettons que le dispositif risque de limiter fortement l'accès au tarif social des étudiants, pourtant tellement nombreux, nous ne le savons que trop, à être dans une situation précaire.