Il y a quelques mois à peine, au cœur de la crise de la covid, elle et moi avons vu les rangs du public des banques alimentaires se grossir de visages sans rides, mais sans sourire, ceux d'une jeunesse désœuvrée qui avait faim. Nous retrouvions dans ces cohortes des images qui faisaient froid dans le dos, celles des pauvres faisant, pendant la crise de 1929, la queue devant les soupes populaires. Et nous en avions conçu une inextinguible honte. Nous sommes retournés, il y a quelques semaines, dans des banques alimentaires. Fatiha Keloua Hachi a poursuivi une tournée auprès des épiceries sociales et des Crous, et on peut malheureusement faire le constat que ce que nous avions imaginé voir disparaître avec la fin de la covid, le déconfinement et les mesures prises par le Gouvernement, perdure. Nous espérions trouver des établissements vides, mais ils étaient remplis de cette jeunesse toujours désœuvrée et toujours placée devant la difficulté de se nourrir convenablement plusieurs fois par jour. Nous avons croisé là beaucoup d'étudiants et de jeunes travailleurs, et plus encore d'étudiantes, lesquelles devaient représenter les trois quarts de ce public. Il y avait aussi beaucoup d'étudiants étrangers qui, eux, n'ont pas bénéficié du gel des frais d'inscriptions à l'université puisque la politique du Gouvernement a été de les augmenter considérablement pour eux.