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Intervention de Johnny Hajjar

Séance en hémicycle du jeudi 9 février 2023 à 9h00
Cout de la vie en outre-mer — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJohnny Hajjar, rapporteur de la commission des affaires économiques :

La position déjà dominante de l'armateur CMA-CGM, assurée grâce à la desserte du fret maritime en outre-mer, s'est renforcée avec la disparition de son concurrent Maersk après la crise du covid-19. Il sera nécessaire d'auditionner, entre autres, la direction de la compagnie pour faire toute la lumière sur la manière dont elle décompose précisément ses tarifs de fret maritime.

En troisième lieu, on trouve parmi les facteurs indirectement responsables de la vie chère en outre-mer le sous-financement de nos collectivités, phénomène souligné dans un rapport de 2019 réalisé par notre collègue Jean-René Cazeneuve et le sénateur Georges Patient. Au sous-financement structurel s'ajoute un sous-financement conjoncturel : les collectivités d'outre-mer, déjà exsangues, ont été obligées de contribuer au redressement des comptes publics. Leurs recettes ont ainsi mécaniquement chuté tandis que leurs dépenses ont considérablement augmenté.

Le Président de la République a certes reconnu ces inégalités. Mais la péréquation mise en place par l'État n'a que partiellement compensé les pertes de recettes qu'il avait ponctionnées. En neuf ans, l'État a réduit de 869 millions le budget des communes des départements d'outre-mer, ce qui, après la hausse de la péréquation, a engendré un déficit net de près de 400 millions d'euros en 2022. Ces communes ne bénéficiant pas du niveau d'investissement public d'État nécessaire pour rattraper les retards et répondre au mal-développement chronique dont elles souffrent ont vu leurs comptes se dégrader considérablement. Pour survivre, elles n'ont eu d'autre choix que d'augmenter les impôts locaux et les taxes des ménages et des entreprises, de diminuer le niveau de services publics et de rehausser le coût des prestations publiques.

La commission d'enquête devra analyser ce cercle vicieux qui affaiblit considérablement l'action publique de proximité, incapable de jouer son rôle de régulateur, de soupape et d'initiative. Cela provoque une dégradation du pouvoir d'achat et des conditions de vie et accroît la pauvreté et le chômage, incitant in fine les jeunes à l'exil ou les reléguant à des trafics en pleine expansion. Cet engrenage ne peut conduire qu'au chaos social. Aussi la commission d'enquête devra-t-elle proposer des solutions adaptées.

Par ailleurs, la fiscalité TVA et l'octroi de mer dans son ensemble ont leur part dans le renchérissement du coût de la vie. En effet, le poids de la TVA récoltée par l'État est sensiblement égal à celui de l'octroi de mer. La commission d'enquête, au niveau de la formation des prix, devra évaluer non seulement le rôle exact et le poids de chaque élément de la fiscalité, mais aussi son poids global, et devra dire si l'addition de l'octroi de mer et de la TVA est légale, justifiée et raisonnable dans le renchérissement des prix. La commission étudiera ainsi les solutions qui permettront de résoudre l'équation associant baisse du coût de la vie et préservation des moyens d'action des collectivités.

En quatrième lieu, la vie chère en outre-mer dépend d'un traitement inéquitable et injuste de l'État vis-à-vis des territoires ultramarins. En effet, les dispositifs nécessaires au soutien de l'économie et du pouvoir d'achat des ménages et des entreprises ultramarines ont déjà été restreints et pourraient disparaître afin de réduire le déficit de l'État, ce qui déstabilise les ménages et les entreprises, au détriment de la cohésion sociale, de la production, de l'investissement et de la création d'emplois.

Par exemple, la TVA non perçue récupérable des entreprises a été supprimée en 2018, ce qui représente 100 millions d'euros. Par ailleurs, l'iniquité de traitement s'illustre particulièrement par le montant de la dotation de continuité territoriale : 45 millions pour l'ensemble des outre-mer, contre 190 millions pour la Corse. La commission d'enquête devra faire la lumière sur l'ensemble de ces iniquités, mesurer leur impact et proposer des mesures de sauvegarde et d'équité ainsi que les solutions globales qui s'imposent.

Aujourd'hui, les instruments prévus pour lutter contre la vie chère ont le mérite d'exister, mais ils produisent des effets insuffisants. Le bouclier qualité prix (BQP) mérite d'être amélioré. Les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) manquent cruellement de moyens pour fonctionner et ne disposent guère de données statistiques actualisées – la majorité d'entre elles datent au mieux de 2019 et ne tiennent pas compte de ce qu'il s'est passé depuis la crise sanitaire.

Enfin, le 17 mai 2022, l'appel de Fort-de-France, signé par les présidents de région des Drom et de Saint-Martin, a insisté sur la refondation de la relation entre les territoires ultramarins et la République, pour résoudre concrètement les problèmes structurels de l'outre-mer par la construction et la prise en main de manière endogène d'outils, de moyens, de compétences et de pouvoirs locaux réels.

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