L'accord pour la mise en place d'un mécanisme d'échange et de partage de l'information maritime dans l'océan Indien occidental va permettre un accroissement des liens entre les neuf pays de la région qui participent au programme Mase, qui compte les Comores, Djibouti, le Kenya, Madagascar, l'Île Maurice, les Seychelles, la Somalie, la Tanzanie et la France à travers La Réunion et Mayotte.
Le partage d'informations et la coopération permettant l'embarquement d'agents d'un État partie dans le bâtiment d'un autre État partie pour des opérations de sécurisation est important, tant la zone est fondamentale pour les flux mondiaux de commerce : 30 % du commerce mondial de méthaniers transite par le canal du Mozambique, et par ce même canal passent tous les navires hors gabarit pour le canal Suez afin de rejoindre les côtes de l'Asie du Sud-Est.
Le groupe GDR votera ces deux accords complémentaires qui permettront d'améliorer la coordination entre les États riverains de cette zone ; même si nous regrettons que les questions potentiellement génératrices d'insécurité comme la pêche illégale et la surpêche liée à l'utilisation de méthodes prédatrices par la pêche industrielle ne soient pas davantage abordées.
Rappelons que près d'un million de citoyens français vivent dans cette zone – je suis l'une d'entre eux – et que la France totalise 1 million de kilomètres carrés de zone économique exclusive dans cet espace, soit 10 % de la totalité de ses ZEE.
Mais cette coopération, nécessaire pour mieux assurer la sécurité maritime sous toutes ses formes dans la partie ouest de l'océan Indien, demande des moyens financiers. Le Président de la République a indiqué, lors de ses vœux aux forces armées françaises, qu'une stratégie ultramarine sera présentée sous peu. Nous attendons donc que ce genre d'initiative qu'illustrent ces accords soit prise en compte, à l'échelle de la France comme d'ailleurs de l'Union européenne. Dans le cadre de la stratégie française de l'Indo-Pacifique, le groupe GDR – NUPES souhaiterait en savoir plus sur les ambitions de l'exécutif dans la zone. Nous l'avions d'ailleurs interrogé à ce sujet en décembre 2021, à l'occasion d'un accord de défense avec l'île Maurice : l'exécutif ratifie des accords avec différents États, mais sans jamais évoquer l'épaisseur stratégique ni la cohérence qui les sous-tend. Nous le redisons : nous aimerions avoir des éléments sur cette stratégie.
Prenant acte, semble-t-il, de la fin de la présence française en Afrique occidentale francophone – comme nous l'avons encore vu la semaine dernière au Burkina Faso – et de l'importance de l'exploitation des ressources gazières et pétrolières en Afrique de l'Est et en Afrique australe, l'exécutif paraît faire feu de tout bois pour que la France ait une crédibilité régionale dans cette zone.
Car si l'on observe attentivement ce découpage territorial original, on découvre que ce dernier dispose de ses logiques propres, notamment en termes de ressources et de voies commerciales maritimes extrêmement importantes, au premier rang desquels, évidemment, le canal de Suez, mais également le détroit de Bab-el-Mandeb et celui d'Ormuz, et le canal du Mozambique. Or l'État français ne travaille méthodiquement qu'au rapprochement bilatéral avec chacun des États de la zone : réconciliation avec le Rwanda ; rapprochement avec le Mozambique ; traité de défense avec Maurice ; traité de coopération avec les Seychelles ; traité avec le Kenya ; présence militaire permanente à Djibouti ; ventes d'armes à l'Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis mais également au Mozambique et à Madagascar ; rapprochement avec l'Éthiopie en 2019, Emmanuel Macron ayant promis au Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed de l'aider à relancer son armement, notamment maritime ; participation de la France à l'opération européenne Atalante visant à lutter contre la piraterie et à sécuriser les côtes de la Somalie. Et il faut évidemment tenir compte des forces armées françaises dans la zone sud de l'océan Indien, les Fazsoi, stationnées à La Réunion, qui forment une présence militaire permanente sur place. Si cette zone est très fragile, du fait de nombreux conflits et crises humanitaires, elle intéresse de plus en plus les puissances internationales, tels les États-Unis qui sont présents en Somalie et à Djibouti, et la Chine, ainsi que de nombreux autres acteurs.
Face à tous ces enjeux, quelle stratégie cohérente la France met-elle en œuvre du Yémen à Madagascar ? Et quel rôle va-t-elle chercher à jouer ? Celui de l'indépendance au profit de la coopération entre les peuples ou bien un rôle au service de ses intérêts commerciaux et industriels, ou encore celui du bouclier contre la présence de la Chine dans cette zone ?