Je suis très heureuse et fière de présenter devant vous le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord pour la mise en place d'un mécanisme d'échange et de partage de l'information maritime dans l'océan Indien occidental, et de l'accord régional sur la coordination des opérations en mer dans ce même océan.
Ces accords sont importants à plusieurs égards. D'abord, ils vont encore approfondir la coopération dans une région stratégique pour la France. En effet, comme vous le savez, dans le sud-ouest de l'océan Indien se situent plusieurs de nos territoires, en particulier La Réunion, Mayotte et certaines des Taaf – Terres australes et antarctiques françaises –, à savoir les îles Éparses comme les îles du canal du Mozambique et Tromelin. Ces territoires abritent 1,2 million de nos ressortissants et représentent un quart de notre zone économique exclusive (ZEE).
Ces déterminants géographiques et humains sont un atout pour la France, et ils justifient son identité de nation indo-pacifique. L'intérêt de cet espace ne passe d'ailleurs pas inaperçu parmi les principales puissances mondiales. Certaines sont nos partenaires dans la région, notamment l'Inde, l'Australie et le Japon ; d'autres, comme la Chine et la Russie, sont des concurrentes voire des puissances ouvertement hostiles.
Cette géographie si singulière nous rend aussi vulnérables face à de nombreux enjeux régionaux, en premier lieu la sécurité maritime. C'est le deuxième aspect de ces accords qui les rend donc essentiels : il a pour but de créer une architecture de sécurité maritime intégrée dans une région qui, comme beaucoup d'entre vous le savent, en a vivement besoin. Dans cette immense zone où transitent 30 % du trafic pétrolier maritime mondial – plus de 5 000 navires passent chaque année dans le canal du Mozambique – ainsi que d'importants flux commerciaux, les menaces en mer sont omniprésentes. Je pense notamment aux trafics d'armes, de stupéfiants, d'espèces animales et végétales protégées ; à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée ; aux trafics de personnes ; à la pollution marine et aux conséquences sécuritaires et environnementales des catastrophes naturelles – mais je pourrais en citer bien d'autres.
Ces enjeux de sécurité maritime sont au cœur des principaux problèmes de la région, d'abord – et c'est très important – parce que la mer est un déterminant essentiel de la vie de nos compatriotes, de leurs échanges humains, commerciaux et de leur sécurité – je pense par exemple au transport, notamment de marchandises, à la pêche mais aussi à la sécurité environnementale ; ensuite parce que la région connaît malheureusement un niveau élevé de trafics illicites que nous ne devons pas laisser s'installer. Cette économie informelle touche particulièrement notre jeunesse et elle fait le lit de la violence, de l'instabilité et du sous-développement d'une partie de la région.
Face à ces enjeux, le renforcement de nos capacités s'est imposé comme une nécessité et l'action collective est apparue comme une évidence car nos capacités nationales ne sauraient suffire à garantir la préservation de nos biens communs : la sécurité et la protection de l'environnement marin.
C'est tout le sens du programme européen dit Mase, pour Maritime Security. Financé par l'Union européenne à hauteur de 42 millions d'euros pour la décennie 2013-2023, ce programme a pour objectif de renforcer la sécurité maritime dans la région de l'Afrique orientale et australe et l'océan Indien. Il est décliné par quatre organisations régionales, dont la Commission de l'océan Indien (COI), responsable de deux des cinq volets du programme pour un montant de 17,2 millions d'euros.
Les deux composantes du programme Mase dont la COI a la charge sont intitulées de la façon suivante : « Renforcer les capacités nationales et régionales de coordination des opérations en mer » ; « Améliorer la coordination régionale et l'échange et le partage des informations maritimes ».
Les deux accords concernés par notre procédure de ratification concernent chacun l'une de ces composantes. De fait, leur champ s'étend au-delà de celui de la COI – qui en assure le secrétariat – puisqu'ils ont été signés par tous les États membres de la COI mais aussi par le Kenya et Djibouti, qui ne sont pas membres de cette organisation. Précisons que l'Inde et le Japon sont observateurs.
L'objectif du programme Mase et de ces accords qui l'appliquent est de mettre en place une architecture régionale de sécurité maritime pour veiller au respect du droit international de la mer et pour sécuriser l'espace maritime.
L'accord pour la mise en place d'un mécanisme d'échange et de partage de l'information maritime dans l'océan Indien occidental vise à l'institution d'un Centre régional de fusion d'informations maritimes (CRFIM), basé à Madagascar. Le CRFIM a pour mission de recueillir, fusionner et analyser les informations provenant notamment des centres nationaux.
Quant à l'accord sur la coordination des opérations en mer dans l'océan Indien occidental, il établit un Centre régional de coordination des opérations (CRCO) basé aux Seychelles. Le CRCO est chargé d'appuyer les interventions nationales en mer et d'assurer des interventions conjointes, en appui aux centres opérationnels nationaux.
Concrètement, la participation de la France à ces nouvelles coopérations s'incarne dans les officiers de liaison placés auprès des deux centres régionaux, qui sont les artisans de la coopération quotidienne entre les administrations de toutes les parties aux accords.
Ces centres régionaux sont jeunes et leur pleine opérationnalisation prendra encore du temps, mais leurs activités sont bien engagées et ils apportent déjà une plus-value de deux manières.
Tout d'abord, ils nous permettent d'avoir une vision claire de tout le trafic maritime régional et de coordonner nos opérations en mer : le CRFIM a ainsi détecté 137 incidents maritimes en 2021, dont sept cas de pollution marine.
Ensuite, ils créent des opérateurs de référence au niveau régional, ce qui nous permet de solliciter le concours de nombreux partenaires : l'Union européenne qui n'aurait pas soutenu nos capacités nationales individuelles autant qu'elle soutient l'architecture régionale ; l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), et plusieurs pays tiers avec qui les centres entretiennent des échanges réguliers – Inde, Japon, Australie, Indonésie, Singapour, États-Unis, Royaume-Uni, Corée du Sud et Canada.
La France est le dernier État signataire à ne pas avoir ratifié ces accords. Son approbation permettra donc de confirmer à nos partenaires notre engagement sans faille en faveur de la coopération régionale en matière de sécurité maritime. Elle nous permettra de clore définitivement l'étape de la mise en route pour nous diriger vers la pleine opérationnalisation des centres et donc vers une architecture régionale de sécurité maritime fonctionnelle au bénéfice de toute la région et de tous nos territoires.
Avant de conclure, je voudrais revenir sur un point essentiel auquel je sais que vous portez une très grande attention : Mayotte, comme les autres territoires français de l'océan Indien, bénéficiera de ces accords et de l'architecture régionale de sécurité maritime qu'ils permettent. Défini par des coordonnées géographiques, le périmètre d'application de l'accord inclut en effet Mayotte et une partie des Taaf. Je tiens à être très claire sur ce point pour qu'aucun doute ne soit permis.
Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord pour la mise en place d'un mécanisme d'échange et de partage de l'information maritime dans l'océan Indien occidental et de l'accord régional sur la coordination des opérations en mer dans l'océan Indien occidental, qui font l'objet du projet de loi proposé à votre approbation.