Le groupe GDR ne cesse de le dire : il faut distinguer le texte et le contexte. Les deux conventions signées entre la France et le Sénégal, relatives respectivement à l'entraide judiciaire en matière pénale et aux extraditions, ont beaucoup inquiété dans les rangs sénégalais, tant l'ambiance politique est actuellement tendue là-bas.
Au Sénégal, le contexte politique est en effet très inquiétant depuis plusieurs mois et particulièrement depuis le mois de mars 2021, qui a vu des manifestations de l'opposition politique au chef de l'État Macky Sall faire quatorze morts et plusieurs centaines de blessés au cours de conflits entre la police et les manifestants, selon Amnesty International. Les enquêtes concernant les personnes décédées piétinent, la confiance dans la démocratie sénégalaise s'amenuise et la capacité du président actuel à la protéger semble diminuer, tout comme la légitimité de ce dernier. Bref, les diverses oppositions sénégalaises et les organisations de la société civile n'ont pas confiance dans cette convention : dans le contexte actuel, elles la considèrent comme potentiellement menaçante.
Or ce sont les peuples qu'il faut écouter pour savoir s'il est sage ou non de voter un texte de loi. La ratification des conventions d'entraide et d'extradition entre la France et le Sénégal tombe donc dans un contexte très tendu sur le plan politique, qui nous appelle à la plus grande prudence.
C'est également depuis 2021 qu'une loi relative au terrorisme inquiète au plus haut point certains opposants politiques sénégalais, de même qu'une loi contre la cybercriminalité et une autre restreignant les manifestations sur la voie publique, ainsi que les dispositions qui interdisent les manifestations dans le centre-ville de Dakar.
L'opposition actuelle est encore plus inquiète s'agissant de l'avenir du président Macky Sall : ce dernier reste flou sur son ambition de briguer un troisième mandat présidentiel, qui pourrait aller à l'encontre de la Constitution.
Par conséquent, vous conviendrez qu'une ratification de ce type, aussi classique soit-elle – nous pouvons en convenir –, ne peut pas avoir lieu aujourd'hui. La convention en vigueur date de 1974 et n'est pas encore obsolète. Pourquoi ne pas attendre, pour en approuver une nouvelle, l'apaisement du contexte politique sénégalais, après les élections présidentielles de 2024 ?
Ce serait intéressant à double titre : premièrement, cela enverrait un signal au futur chef de l'État du Sénégal, lui indiquant, dès les premiers jours de son mandat, que la France restera attentive à la situation sur place ; deuxièmement, cela ferait savoir à l'opposition politique sénégalaise que la France a entendu son inquiétude s'agissant de ce texte, tout en reconnaissant l'importance de le ratifier à moyen terme.
L'élection présidentielle sénégalaise de 2024 permettra de savoir si le président Macky Sall a respecté la Constitution et si un nouveau dirigeant est en mesure de rassurer l'ensemble des élus et des personnes engagées en politique, dans les syndicats et la société civile. À ce moment, la France pourrait remettre à l'ordre du jour ce texte qui ne pose pas de problème sur le fond, car c'est le contexte qui est problématique – encore une fois, il faut distinguer le texte et le contexte.
En conséquence, les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES s'abstiendront. Vous l'aurez compris, nous serions ravis de voter pour ces deux conventions en 2024, mais nous ne le ferons pas aujourd'hui.