Depuis son indépendance, en 1960, le Sénégal est un partenaire essentiel de la France en Afrique. C'est la deuxième économie de l'Afrique de l'Ouest francophone et de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao). Il y a entre 200 000 et 300 000 Sénégalaises et Sénégalais en France. Notre pays est le premier partenaire commercial du Sénégal et y est le premier investisseur, avec plus de 2 milliards d'euros d'investissements directs étrangers.
Ces nouvelles conventions sont l'occasion de moderniser l'arsenal juridique en vigueur. Nos deux pays coopèrent en matière pénale dans cinq domaines, grâce à des conventions multilatérales signées dans le cadre des Nations unies. En outre, la convention bilatérale de 1974 permet déjà l'entraide judiciaire et l'extradition. Au cours des dix dernières années, la France a ainsi adressé 108 demandes au Sénégal, et en a reçu 22.
La réécriture qui nous est proposée tend à moderniser les moyens d'investigation contre la fraude à caractère financier, le trafic de stupéfiants et le risque terroriste. Cette révision de la convention de 1974 s'effectue après une refonte du cadre législatif du renseignement dans nos deux pays, en 2015 et 2016. Ces textes permettent d'inclure les nouveaux moyens techniques d'enquête et d'échange d'informations entre les parties. Cela comprend la possibilité de réaliser des auditions par vidéoconférence, d'accéder à des informations bancaires privées, d'assurer la surveillance des livraisons ou encore de pratiquer des écoutes téléphoniques.
Ces conventions encadrent la marche à suivre dans des opérations délicates. Je pense notamment aux personnels infiltrés et à la possibilité de demander, en cas d'urgence, l'arrestation provisoire d'une personne recherchée. Elles comportent également des dispositions précises relatives aux frais qui résultent de la coopération, prévenant ainsi tout conflit qui pourrait survenir dans leur exécution.
Enfin, ces conventions complètent un arsenal juridique favorisant la coopération judiciaire et l'extradition dans la région. Des conventions de ce type ont en effet déjà été signées avec le Niger et le Burkina Faso en 2018 et avec le Mali en 2019.
En parallèle, ces textes prévoient des garde-fous pour éviter tout abus. Par exemple, l'extradition est obligatoirement refusée pour les infractions politiques ou lorsque la personne réclamée possède la nationalité de la partie requise. Par ailleurs, l'extradition fera l'objet d'un rejet obligatoire lorsque les poursuites reposent sur des considérations de race, de genre, de religion ou de nationalité, lorsqu'un jugement définitif a déjà été rendu, lorsqu'il y a prescription ou encore lorsque l'infraction est punie de la peine capitale.
Une autre garantie réside dans la possibilité de refuser la coopération judiciaire lorsqu'elle porte sur des faits qui ne constituent pas une infraction en France. Ainsi, des comportements et activités permis sur notre territoire mais poursuivis au Sénégal ne donneront pas lieu à une entraide en matière pénale. Cette clause est particulièrement importante à l'heure où l'affrontement entre le gouvernement et l'opposition au Sénégal entraîne une escalade de déclarations réactionnaires et risque sérieusement d'aboutir à des mesures liberticides. La situation politique pourrait rapidement se détériorer dans ce pays ami. Je pense à la situation en Casamance, aux manifestations récentes ayant causé la mort de plusieurs personnes et aux multiples poursuites judiciaires contre les principaux représentants de l'opposition politique.
À l'heure du remplacement du franc CFA par l'éco, ces conventions sont d'autant plus importantes qu'elles consacrent la possibilité de relations bilatérales entre pays égaux et partenaires. À l'heure du retrait des troupes françaises de la région malgré la persistance du risque terroriste, elles rénovent le cadre de la lutte contre des crimes graves. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera le projet de loi autorisant leur approbation.