Mesdames et messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, qui est en déplacement à l'étranger. La secrétaire d'État auprès de la ministre, chargée de l'Europe, nous rejoindra pour l'examen du second projet de loi de ratification inscrit à l'ordre du jour cet après-midi. C'est donc à moi que revient l'honneur de vous présenter le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale et de la convention d'extradition conclues entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république du Sénégal le 7 septembre 2021, à Paris.
Les relations entre la France et le Sénégal sont riches, dynamiques, nourries par l'histoire et des liens humains forts. J'en veux pour preuve la présence d'une communauté de plus de 22 000 ressortissants français au Sénégal et l'importance de la diaspora sénégalaise en France, évaluée à plus de 80 000 personnes.
Ces relations sont résolument tournées vers la jeunesse et l'avenir, comme en témoigne la tenue de la cinquième édition du séminaire intergouvernemental franco-sénégalais le 8 décembre dernier, à Champs-sur-Marne, en présence de la Première ministre et de son homologue sénégalais, d'une vingtaine de ministres français et sénégalais et d'une quinzaine de jeunes issus de nos deux pays.
Ce séminaire a permis de mettre en lumière notre volonté commune d'encourager les mobilités croisées, alors que les étudiants sénégalais constituent le premier contingent d'étudiants étrangers francophones en France ; ils sont désormais 12 000, nombre qui a triplé en quinze ans. Il a également acté la poursuite du développement de divers projets tels que le campus franco-sénégalais (CFS), la mise en place d'une école franco-sénégalaise, ou encore le renforcement de notre coopération dans le domaine de la formation professionnelle.
Le partenariat entre le Sénégal et la France est multidimensionnel : il s'exerce à tous les niveaux, entre gouvernements et collectivités locales, inclut la société civile et couvre un très large spectre de secteurs, afin d'appuyer les efforts des autorités sénégalaises en faveur de leurs priorités de développement, telles qu'elles sont reflétées dans le plan Sénégal émergent.
Dans mes fonctions précédentes de ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, j'ai pu constater, par de nombreux exemples concrets, à quel point cette stratégie commune de renforcement de nos liens était une réalité au quotidien. Je pense notamment à l'éducation, à l'enseignement supérieur et la recherche, à l'emploi et la formation professionnelle, au numérique, à la culture, au sport, mais aussi à la santé, à l'énergie, à la lutte contre le changement climatique, à l'agriculture, à la justice ou encore à la sécurité. Autant de sujets qui sont au cœur de la volonté du Président de la République de renouveler la relation entre l'Afrique et la France, en particulier avec le Sénégal.
En matière d'entraide judiciaire, les autorités sénégalaises ont voulu moderniser le cadre conventionnel de la coopération judiciaire en matière pénale initialement défini par la convention de coopération en matière judiciaire du 29 mars 1974, qui est toujours en vigueur. Le Sénégal comptait essentiellement adapter le cadre juridique aux techniques modernes d'investigation et de communication, faciliter le recouvrement des avoirs criminels et favoriser la fluidité des échanges. La France a répondu favorablement à ce souhait fort et réitéré.
Des projets de conventions d'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradition ont donc été adressés en 2019 aux autorités sénégalaises aux fins d'ouvrir des négociations. Des échanges et des discussions entre les services de nos deux pays se sont déroulés jusqu'à la tenue d'une unique session de négociations à Dakar, du 26 au 28 février 2020. Cela témoigne d'une grande confiance mutuelle dans la négociation et d'une facile convergence des points de vue entre les deux États.
Les conventions qui sont aujourd'hui soumises à votre approbation viennent compléter, dans le domaine judiciaire pénal, le tissu conventionnel auquel la France et le Sénégal sont d'ores et déjà liés. Nos deux pays sont en effet parties à plusieurs conventions multilatérales spécialisées, adoptées sous l'égide des Nations unies, dont la convention unique sur les stupéfiants de 1961, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984, la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988, la convention contre la criminalité transnationale organisée de 2000 et la convention contre la corruption de 2003.
En matière d'entraide judiciaire pénale, la France a adressé 109 demandes au Sénégal depuis le 13 janvier 2013 et 17 dénonciations officielles – notez qu'aucune demande d'entraide en cours ne porte sur des faits de terrorisme. Sur la même période, le Sénégal a adressé à la France 20 demandes.
En matière d'extradition, la France, depuis 2013, a adressé dix demandes d'extradition aux autorités sénégalaises, essentiellement pour des faits de trafic de stupéfiants. Durant la même période, le Sénégal a adressé deux demandes d'extradition à la France ; l'une pour des faits d'escroquerie, l'autre pour des faits de blanchiment de capitaux, association de malfaiteurs, trafic illicite de migrants, faux et usage de faux documents administratifs et escroquerie.
On ne peut que constater un déséquilibre de flux. Il y a beaucoup plus de demandes actives de la France vers le Sénégal que de demandes passives du Sénégal vers la France. Ainsi, même si le Sénégal a pris l'initiative de la rénovation de notre accord de 1974, il est certain que l'entrée en vigueur de ces nouvelles conventions se fera au bénéfice du parquet français, notamment des juges d'instruction.
L'objectif de ces conventions est d'actualiser et d'adapter le cadre juridique aux défis posés par la lutte contre la criminalité organisée transfrontalière et la menace terroriste dans la bande sahélo-saharienne. Elles tendent à faciliter la coopération judiciaire en matière pénale entre la France et le Sénégal en créant les conditions juridiques qui permettent de mettre en œuvre une coopération rapide et fluide, intégrant les techniques spéciales d'enquête – auditions par vidéoconférence, livraisons surveillées, opérations d'infiltration, interception de télécommunications – et encadrant mieux les délais, les modalités de transmission et d'exécution des demandes.
La première convention pose le principe de l'entraide judiciaire la plus large possible entre les parties dans le cadre des procédures suivies par leurs autorités judiciaires. Le champ de l'entraide est d'autant plus étendu que la convention énonce que le secret bancaire ou le caractère fiscal d'une infraction ne saurait s'ériger en obstacle à une demande d'entraide. La convention prévoit la transmission directe des demandes entre les autorités centrales, c'est-à-dire entre le ministère de la justice de la République française et le ministère de la justice de la République du Sénégal. Pour lutter contre les opérations de blanchiment d'argent, la convention permet d'envisager des possibilités très larges d'obtention d'informations en matière bancaire. Elle règle également les modalités de coopération aux fins d'obtenir l'identification, le gel, et la confiscation d'avoirs criminels.
La seconde convention, quant à elle, énonce l'engagement de principe des parties de se livrer réciproquement les personnes qui, se trouvant sur le territoire de l'une d'elles, sont poursuivies par une infraction pénale ou sont recherchées aux fins d'exécuter une peine privative de liberté, prononcée par les autorités judiciaires de l'autre partie.
Les présentes conventions apportent par ailleurs des garanties indispensables.
D'une part, et de manière assez classique, la convention d'entraide prévoit que l'entraide peut être refusée, en particulier si la demande se rapporte à des infractions politiques ou connexes à des infractions politiques, ou si l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de la partie requise.
D'autre part, et conformément aux règles classiques du droit de l'extradition, la convention d'extradition prévoit plusieurs motifs de refus, notamment lorsque la partie requise considère que la personne recherchée est réclamée pour une infraction politique, ou lorsqu'elle a des raisons sérieuses de croire que l'extradition a été demandée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de genre, de religion, de nationalité ou d'opinion politique.
En outre, afin de veiller au respect des droits de la défense, une demande d'extradition est rejetée si la personne réclamée doit être jugée dans la partie requérante par un tribunal d'exception n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure ou doit exécuter une peine infligée par cette même juridiction.
L'extradition sera également refusée si les faits qui la motivent sont passibles de la peine capitale – elle a été abolie au Sénégal en 2004, la dernière exécution datant de 1967 –, ou de tout autre peine contraire à l'ordre public de la partie requise, à moins que la partie requérante donne des garanties que cette peine ne sera pas requise et que, si elle était prononcée, elle ne sera pas exécutée à l'encontre de la personne recherchée.
Enfin, la convention permet de préserver la pratique française consistant à refuser d'extrader ses ressortissants.
Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les principales observations qu'appellent les conventions d'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradition signées avec la république du Sénégal, qui font l'objet du projet de loi soumis aujourd'hui à votre approbation.