Les prix étaient assez bas dans les années 90 et 2000, à 20 ou 30 euros par mégawatt-heure. Le parc était surcapacitaire, compte tenu de projections de croissance de la demande électrique datant des années 80 ou 90 et ne s'étant pas vérifiées. Dans ce contexte, il a néanmoins été proposé par EDF et décidé de faire un EPR. J'ai accompagné en 2005 la loi de programmation de la politique énergétique. L'EPR était présenté comme une façon de maintenir l'option nucléaire ouverte. Nous sentions que si nous attendions les tensions, nous perdrions encore plus de compétences. Un important effort d'installation a été réalisé dans les années 70 et 80. Après Chooz et Civaux, la charge manquait. L'EPR a été lancé dans ce contexte avec un nouveau réacteur, afin de maintenir l'option ouverte et conserver les compétences au-delà de la sécurité d'approvisionnement, alors que le parc tournait autour de 420 térawatts-heure par an. Une prise de conscience des enjeux du changement climatique existait déjà puisque nous négociions les « trois fois vingt » en 2020. Les débats pointaient sur la place du nucléaire en France ; le 50 % en 2025 est venu plus tard. L'opposition nucléaire/renouvelables persistait quelque peu et elle s'entretient encore chez certains. Dans des pays voisins, des antinucléaires étaient prorenouvelables alors, par contrecoup, en France, certains pronucléaires ont senti la nécessité d'être antirenouvelables. Or il est tout à fait possible d'être à la fois pronucléaire et prorenouvelable. Il me semble que désormais, ce débat est majoritairement derrière nous. Je ne me permettrais pas de dire si EDF aurait pu se permettre de proposer plusieurs EPR en parallèle, avec un effet de taille. Il existait de la part de Patrick Devedjian, de François Loos et plus largement de l'Etat un soutien marqué à la construction de ce nouveau réacteur.
Les discussions au niveau européen portaient davantage sur le marché du dioxyde de carbone (CO2). Le marché européen de l'électricité, c'est-à-dire le marché spot de gros de court terme, était perçu comme fonctionnant raisonnablement. La France exportait et en tirait des recettes. En ce qui concerne la politique énergétique européenne, des infrastructures communes, physiques et de marché, ont été construites pour s'échanger l'électricité. La France en bénéficie à la fois lorsqu'elle exporte et qu'elle importe. Plus tard, nous nous sommes rendu compte que ce marché de gros de court terme ne donnait pas les bons signaux pour amener les investissements. Des mécanismes ont été installés pour développer les renouvelables, puis les centrales à gaz et maintenant les nouvelles centrales nucléaires. Nous pouvons reconnaître que le marché de gros de court terme fait ce pour quoi il a été conçu (c'est-à-dire optimiser à court terme l'exploitation et la consommation). Le marché ne doit toutefois pas se réduire au court terme. Il faut lui donner à la fois de l'efficacité et de la stabilité. Des marchés de long terme doivent être construits. À cet égard, les États ont mis en place des contrats long terme pour les renouvelables qui donnent de la visibilité. À travers le bouquet tarifaire actuel, les Français bénéficient du coût relativement stable des renouvelables.