Nous avons constaté que le marché ne fonctionnait pas correctement en 2014, et non en 2008. En 2008, le système fonctionnait et les capacités étaient présentes. Des surcapacités allaient même apparaître durablement.
Par ailleurs, nous avons proposé des réformes, à commencer par le marché de capacité, en constatant que le marché ne rémunérait pas les mégawatts. Nous avons proposé d'arrimer à la loi NOME un marché ou un mécanisme de capacité, pour financer ce que les économistes appelaient la « missing money » (la rémunération manquante pour payer les mégawatts). Cette rémunération n'était pas obtenue par le système d'allocation habituel des mégawattheures. Une vraie littérature existe à ce sujet, non consensuelle. Nous avons fait des choix et nous avons proposé à nos autorités de mettre en place ce dispositif. Elles nous ont suivis, ce qui s'est traduit par le volet de la NOME consacré au mécanisme de capacité.
D'un point de vue académique, ce sujet n'était pas consensuel. Ce sujet est apparu lorsque nous sommes passés de surcapacités et d'investissements à des fermetures de capacités. Des questions sur la sécurité d'approvisionnement sont alors apparues.
La sécurité d'approvisionnement se place totalement au cœur de nos préoccupations, aussi bien dans le gaz que dans l'électricité.
Dans le gaz, nous avons toujours été extrêmement vigilants sur la diversification des sources d'approvisionnement. Nous avons également été vigilants sur la régulation des stockages de gaz, de façon à nous assurer de l'existence d'obligations réglementaires pour remplir les stockages. Nous avons également participé au développement, avec les terminaux GNL et l'amélioration des points d'entrée sur le territoire national.
Concernant l'électricité, la sécurité d'approvisionnement s'inscrivait dans une logique de court et moyen terme (horizon de 1 à 5 ans), avec les bilans RTE, et notamment sur les zones de tension (Bretagne, sud-est) avec l'existence de faiblesses de réseau. Par la suite, la question de la sécurité d'approvisionnement a fait l'objet d'une réflexion avec le mécanisme de capacité, lorsque nous avons commencé à voir que des capacités pouvaient fermer, alors que nous pouvions en avoir besoin dans certaines configurations.
En outre, nous avons régulièrement rappelé la nécessité de conserver des marges pour le système. En revanche, nous n'avons jamais envisagé un système dans lequel nous aurions simultanément l'arrêt du gaz russe, la corrosion sous contrainte, le programme de maintenance de grandes visites perturbé par le Covid et ayant pris du retard et un pourcentage important de centrales nucléaires fermées.
Un regret, relatif à des décisions prises après mon départ, concerne les unités thermiques que nous aurions probablement dû mettre sous cocon. Pour autant, ces décisions et les calendriers de fermeture ont fait l'objet de réflexions approfondies et d'analyses fines, amenant d'ailleurs à des prolongations de durée de vie (la centrale de Cordemais par exemple, pour sécuriser la Bretagne).
La sécurité d'approvisionnement, dans le gaz et l'électricité, a donc toujours été au cœur de nos réflexions.
Par ailleurs, sur la base des informations que nous avions pu obtenir, le montant de 42 euros devait permettre de couvrir le grand carénage, chiffré à l'époque entre 40 et 50 milliards d'euros, et rajoutant un surcoût lié aux investissements post-Fukushima qui avait déjà été identifié (surcoût net de 3 milliards d'euros). Le montant était ainsi passé de 39 à 42 euros. Ce montant de 42 euros couvrait notre compréhension de l'époque des ordres de grandeur.